Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez vu un panda géant en vrai ? Moi, c’était à Beauval, un jour d’hiver 2012. Une foule silencieuse, des enfants sur la pointe des pieds, et là, derrière la vitre, ces deux boules noir et blanc qui semblaient tout droit sorties d’un dessin animé. Treize ans plus tard, c’est fini. Huan Huan et Yuan Zi s’en vont. Définitivement.
Ils ont quitté le zoo ce mardi matin, sous escorte policière – oui, comme des chefs d’État – direction l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, puis un vol spécial pour Chengdu. Et quelque part, ça fait un pincement au cœur.
Un couple devenu emblème national
L’histoire commence en 2012. À l’époque, la venue de ces deux pandas prêtés par la Chine fait partie de ce qu’on appelle la « diplomatie du panda ». Un geste fort, un symbole d’amitié entre États. Peu de zoos dans le monde ont cet honneur : à peine une vingtaine.
En France, c’est Beauval qui gagne le jackpot. Le parc du Loir-et-Cher devient soudain le lieu où il faut absolument emmener ses enfants, ses neveux, ses amis de passage. Près de deux millions de visiteurs par an, en grande partie grâce à eux.
Mais ce qu’on retient surtout, c’est la famille qu’ils ont fondée ici.
- 2017 : naissance de Yuan Meng, premier panda né en France.
- 2021 : arrivée des jumelles Yuandudu et Huanlili – un événement rarissime.
- Trois bébés, trois succès qui ont fait la fierté du zoo et de tout un pays.
Un départ prévu… mais avancé
En réalité, rien de tout ça n’est une surprise. Quand un pays accueille des pandas, c’est toujours un prêt. Jamais une donation. Le contrat est clair : les animaux restent propriété chinoise et doivent rentrer un jour.
Initialement, le retour de Huan Huan et Yuan Zi était programmé pour 2027. Mais la vie en a décidé autrement.
« La femelle présente une légère insuffisance rénale. Rien de grave aujourd’hui, mais à 17 ans, mieux vaut qu’elle voyage tant qu’elle est encore en pleine forme. »
– Le directeur du Zoo de Beauval
Cette phrase, prononcée il y a quelques semaines, a tout changé. Priorité à la santé. Le voyage est donc avancé de plus d’un an.
Et curieusement, ce sont les jumelles – qui auraient dû partir en premier – qui restent finalement en France jusqu’en 2027 au minimum. Drôle de retournement.
Que vont-ils devenir en Chine ?
On parle souvent de « retraite paisible ». L’expression est jolie, mais qu’est-ce que ça signifie vraiment ?
Les deux pandas rejoindront le Centre de recherche et de conservation de Chengdu, une immense base dédiée à l’espèce. Là-bas, plus de 300 pandas vivent dans des enclos vastes, conçus pour imiter leur milieu naturel. Ils ne seront pas seuls : Yuan Meng, leur premier fils, y est déjà depuis deux ans.
Leur quotidien ? Manger du bambou (jusqu’à 40 kg par jour), dormir, se faire cajoler par les soigneurs… et peut-être, qui sait, participer encore au programme de reproduction. À 17 ans, ils sont encore dans la tranche d’âge fertile pour les mâles, un peu moins pour les femelles. Mais rien n’est exclu.
La diplomatie du panda, c’est quoi au juste ?
Derrière l’aspect mignon, il y a une vraie stratégie géopolitique. Depuis les années 1970, la Chine utilise les pandas comme outil de soft power. On ne « prête » pas des pandas au hasard.
Chaque contrat dure dix ans, coûte environ un million de dollars par an au zoo d’accueil (location + programme de conservation), et tous les bébés nés appartiennent… à la Chine. C’est écrit noir sur blanc.
Mais en échange ? Un rapprochement diplomatique, des échanges scientifiques, et une image positive incomparable.
L’arrivée de Huan Huan et Yuan Zi en 2012 coïncidait d’ailleurs avec un réchauffement des relations franco-chinoises. Leur départ aujourd’hui n’est pas un refroidissement – rassurez-vous. D’ailleurs, des sources diplomatiques laissent entendre que de nouveaux pandas pourraient arriver en France dans les années à venir.
Et le Zoo de Beauval dans tout ça ?
Perdre ses deux stars, c’est un coup dur. Symboliquement et économiquement. Les pandas représentent une part énorme de l’attractivité du parc.
Mais le zoo a plus d’un tour dans son sac. Les jumelles, âgées de 4 ans, sont déjà des vedettes à part entière. Elles attirent les foules, posent pour les selfies, et portent le même capital sympathie que leurs parents.
Le directeur l’a dit sans détour : « Tous les voyants sont au vert pour continuer l’aventure avec nos partenaires chinois. » Traduction : on négocie déjà la suite.
Pourquoi on s’attache autant à ces animaux ?
Objectivement, un panda ne fait pas grand-chose. Il mange, il dort, il roule sur lui-même. Et pourtant… on fond.
Il y a cette tête ronde, ces yeux noirs qui ressemblent à des larmes, cette démarche maladroite. Tout est fait pour déclencher notre instinct de protection. Les scientifiques parlent d’ailleurs de « néoténie » : le panda garde des traits juvéniles toute sa vie.
Ajoutez à ça leur statut d’espèce menacée (même si leur catégorie est passée de « en danger » à « vulnérable » grâce aux efforts chinois), et vous obtenez l’animal parfait pour porter un message de conservation.
En treize ans, Huan Huan et Yuan Zi ont sensibilisé des millions de visiteurs. Des enfants qui, aujourd’hui, recyclent leurs déchets ou refusent les pailles en plastique « pour sauver les pandas ». Mission accomplie, non ?
Un bilan plus que positif
Quand on fait les comptes, l’opération est une réussite sur tous les plans :
- 3 naissances en France (un record européen)
- Des avancées scientifiques sur la reproduction en captivité
- Une coopération franco-chinoise exemplaire
- Des millions de visiteurs sensibilisés à la biodiversité
- Un statut d’espèce amélioré au niveau mondial
Et surtout, deux animaux qui auront vécu une vie exceptionnelle, choyés, soignés, admirés par des millions de personnes.
Alors oui, on est tristes de les voir partir. Mais on peut aussi être fiers de ce qu’ils ont représenté.
Quelque part à Chengdu, deux vieux pandas vont poser leurs pattes dans la neige pour la première fois depuis treize ans. Et peut-être, en grignotant leur bambou, penseront-ils parfois à ce parc du Centre-France où ils ont écrit une des plus belles pages de l’histoire zoologique récente.
Merci Huan Huan. Merci Yuan Zi.
Et à très bientôt, on l’espère, pour de nouveaux pandas en France.
