Imaginez une station de ski nichée dans les Alpes, où l’air glacial porte les rêves de jeunes athlètes. Parmi eux, des adolescentes, pleines d’ambition, s’entraînent sous l’œil d’un ancien champion. Mais derrière la gloire d’une médaille olympique se cache une ombre glaçante. L’affaire Joël Chenal, vice-champion de slalom géant en 2006, a éclaté comme une tempête, révélant des accusations de harcèlement sexuel sur mineures qui secouent le monde du ski français. Comment un homme auréolé de prestige a-t-il pu, pendant des années, agir en toute impunité ?
Ce scandale, qui touche le cœur du sport français, ne se limite pas à un individu. Il met en lumière des failles systémiques, un silence collectif et des questions brûlantes sur la protection des jeunes athlètes. À travers cet article, je vous emmène dans les coulisses d’une affaire qui, au-delà des pistes enneigées, interroge l’éthique du sport et la responsabilité des institutions.
Un Champion Sous le Feu des Accusations
Joël Chenal, 51 ans, n’est pas un inconnu dans le milieu du ski. Médaillé d’argent aux Jeux olympiques de Turin en 2006, il incarne, pour beaucoup, l’image du skieur talentueux, discret et charismatique. Après sa carrière de compétiteur, il s’est reconverti en entraîneur, notamment au sein de la Fédération française de ski (FFS) entre 2013 et 2017, avant de fonder sa propre structure privée, le Silver Ski Team, à La Rosière, en Savoie. Mais ce qui semblait être une success story s’est transformé en cauchemar pour plusieurs jeunes filles.
Selon de multiples témoignages, au moins douze jeunes femmes, toutes mineures au moment des faits, accusent Chenal de harcèlement sexuel entre 2005 et 2021. Certaines n’avaient que 11 ou 12 ans lorsqu’elles ont été contactées par l’ancien champion via les réseaux sociaux. Le mode opératoire, d’après les récits, est toujours le même : une approche amicale, des promesses de coaching personnalisé, puis des conversations qui dérivent rapidement vers des échanges à caractère sexuel.
Il m’a contactée sur les réseaux sociaux, j’étais flattée qu’un champion s’intéresse à moi. Mais très vite, ses messages sont devenus inappropriés. J’avais 13 ans, j’étais terrifiée.
– Une ancienne skieuse, anonyme
Ces accusations, lourdes et répétées, ont mis en lumière un comportement qui, selon certaines victimes, était un secret de polichinelle dans le milieu du ski. Mais alors, comment un tel scandale a-t-il pu rester sous silence si longtemps ?
Un Silence Assourdissant dans le Milieu du Ski
Ce qui choque dans cette affaire, c’est l’inaction des institutions. Dès 2009, des alertes avaient été lancées. Une première enquête de gendarmerie, ouverte après une plainte de parents, avait été classée sans suite, faute de preuves suffisantes. En 2015, une autre plainte aboutit à un simple rappel à la loi en 2016. Pendant ce temps, Chenal continuait d’entraîner, y compris au sein de la FFS, où il coachait l’équipe féminine.
Des figures influentes du ski français, comme d’anciens responsables associatifs, ont admis avoir entendu des rumeurs. Pourtant, rien n’a été fait pour écarter Chenal des jeunes athlètes. Pourquoi ? Pour beaucoup, son statut de vice-champion olympique lui conférait une aura d’intouchabilité. À La Rosière, sa station d’origine, il était perçu comme une légende locale, un « dieu vivant » selon une victime.
Dans le milieu, tout le monde savait. Mais personne n’osait parler, parce qu’il était une star.
– Une ancienne skieuse
Ce silence, parfois qualifié d’omerta, soulève des questions troublantes. Était-ce la peur de ternir l’image du ski français ? Une négligence collective ? Ou simplement une sous-estimation de la gravité des faits ? J’ai moi-même été frappé par cette apparente complaisance, qui contraste avec les valeurs d’intégrité que le sport est censé porter.
Un Mode Opératoire Répétitif et Glaçant
Les témoignages des victimes dressent un portrait glaçant. Chenal aurait systématiquement ciblé des adolescentes vulnérables, souvent en section ski-études, en quête de reconnaissance. Il utilisait son prestige pour gagner leur confiance, débutant par des discussions anodines sur le ski avant de faire basculer les échanges vers des sujets inappropriés.
- Des messages explicites demandant des photos intimes ou des vidéos.
- Des propositions de rendez-vous chez lui, parfois assorties de promesses d’argent.
- Des échanges insistants, mettant les jeunes filles dans un état de panique.
Une jeune femme, aujourd’hui âgée de 23 ans, raconte avoir été harcelée de ses 11 à 18 ans. Elle décrit des messages où Chenal, en pleine nuit, lui demandait de se filmer sous la douche. Une autre évoque un trajet en voiture où, après avoir refusé de parler de sexe, elle s’est sentie menacée, collée contre la portière. Ces récits, bien que difficiles à lire, sont essentiels pour comprendre l’ampleur du scandale.
La Réaction des Instances : Trop Peu, Trop Tard ?
Face à la vague d’accusations, la Fédération française de ski a fini par réagir. En juillet 2025, après la révélation des premiers témoignages, la FFS a suspendu Chenal de manière provisoire et ouvert une procédure disciplinaire. Peu après, le ministère des Sports a pris une mesure radicale : un arrêté d’urgence interdisant à Chenal d’exercer comme entraîneur, lui retirant sa carte professionnelle d’éducateur sportif.
La FFS s’est également engagée à se constituer partie civile dans l’enquête judiciaire ouverte par le parquet d’Albertville. Mais pour beaucoup, ces mesures arrivent bien tard. Pourquoi a-t-il fallu attendre 2025 pour agir, alors que des signalements existaient depuis plus d’une décennie ?
| Année | Événement | Conséquences |
| 2009 | Première plainte pour harcèlement | Classée sans suite |
| 2015 | Seconde plainte déposée | Rappel à la loi en 2016 |
| 2013-2017 | Chenal entraîne l’équipe féminine | Aucune sanction à l’époque |
| 2025 | Révélations publiques et plainte pour agression | Suspension et interdiction d’exercer |
Ce tableau résume un constat accablant : les institutions ont manqué de vigilance. Même après un rappel à la loi, Chenal a continué à entraîner, y compris dans sa structure privée créée en 2022. Ce n’est qu’avec la pression médiatique que des mesures concrètes ont été prises.
Chenal Brise le Silence : Des Excuses Insuffisantes ?
En août 2025, Joël Chenal a pris la parole pour la première fois, dans une interview accordée à un média régional. « Ce que j’ai fait est impardonnable », a-t-il déclaré, reconnaissant des échanges inappropriés sur une période d’une dizaine d’années. Il affirme avoir suivi une thérapie depuis 2021 et nie les accusations d’agression physique ou de viol. Mais pour les victimes, ces excuses sonnent creux.
Il dit qu’il regrette, mais où était-il quand on avait peur, quand on se sentait seules face à ses messages ?
– Une victime anonyme
Personnellement, je trouve que ces déclarations, bien que nécessaires, arrivent trop tard pour apaiser la colère des victimes. Reconnaître ses torts est une chose, mais comment justifier des années de silence et d’inaction ?
Une Ombre sur le Ski Français
Ce scandale ne se limite pas à un individu. Il met en lumière une culture du silence dans le sport, où la gloire et le prestige peuvent parfois étouffer les alertes. Le ski français, déjà sous pression à l’approche des Jeux olympiques d’hiver de 2030, doit désormais faire face à une crise de confiance. Comment garantir la sécurité des jeunes athlètes ? Quelles mesures concrètes seront prises pour éviter qu’un tel drame se reproduise ?
Les victimes, elles, cherchent avant tout justice et reconnaissance. Certaines ont exprimé leur soulagement de voir l’affaire enfin exposée, mais aussi leur frustration face à l’inaction passée. Une ancienne skieuse a résumé ce sentiment : « On nous a appris à skier, pas à nous défendre contre ceux qui étaient censés nous protéger. »
Vers une Réforme du Système Sportif ?
Ce scandale pourrait être un tournant pour le sport français. Depuis quelques années, des affaires similaires ont secoué d’autres disciplines, révélant des failles dans la protection des mineurs. Pour éviter de nouveaux drames, plusieurs pistes se dessinent :
- Renforcer les contrôles : Mettre en place des vérifications régulières sur les entraîneurs, même ceux ayant un passé prestigieux.
- Former les athlètes : Sensibiliser les jeunes à reconnaître les comportements inappropriés et à les signaler.
- Créer des canaux anonymes : Permettre aux victimes de témoigner sans crainte de représailles.
- Sanctionner rapidement : Adopter une tolérance zéro face aux signalements, même en l’absence de preuves judiciaires.
La ministre des Sports, interrogée sur le sujet, a promis une mobilisation accrue pour protéger les athlètes. Mais les paroles ne suffisent plus : il faut des actes. À titre personnel, je pense que ce scandale pourrait pousser les fédérations à revoir leurs priorités, en plaçant la sécurité des jeunes au-dessus de la quête de médailles.
Un Avenir Incertain pour le Ski Français
L’affaire Chenal n’est pas qu’une histoire de dérive individuelle. Elle questionne la manière dont le sport, en France et ailleurs, gère le pouvoir et l’influence des figures emblématiques. À l’approche des JO de 2030, le ski français devra prouver qu’il peut se relever de ce scandale, non pas en cachant la poussière sous le tapis, mais en affrontant ses erreurs.
Pour les victimes, le chemin vers la guérison sera long. Mais leur courage, en brisant le silence, a déjà changé la donne. Elles ont rappelé une vérité essentielle : aucun titre, aucune médaille ne justifie de fermer les yeux sur l’inacceptable.
Alors, jusqu’où s’étend ce scandale ? Peut-être bien au-delà des pistes de La Rosière, dans les coulisses d’un système qui a trop longtemps privilégié la gloire à la justice. Et vous, que pensez-vous de cette affaire ? Le sport peut-il vraiment changer ?
