Vous vous souvenez de ce sentiment quand vous laissez votre enfant à l’école le matin ? Ce petit pincement, vite balayé parce que, franchement, on n’a pas le choix. On se dit que les gens à qui on le confie sont forcément bienveillants. Et puis un jour, une nouvelle tombe et tout bascule. C’est exactement ce qui vient d’arriver à plusieurs familles dans un coin tranquille de l’Essonne.
Un animateur de 28 ans, que les enfants appelaient affectueusement « Coco », vient d’être placé en garde à vue. Les faits qui lui sont reprochés sont glaçants : des attouchements sexuels sur une dizaine de très jeunes enfants, entre 2023 et 2024, principalement dans un centre de loisirs et en périscolaire. Des gestes imposés, répétés, sous le nez de tout le monde. Ou presque.
Quand la confiance vole en éclats
On a tous en tête l’image du gentil animateur qui fait rire les petits, organise des jeux, rassure les parents pressés. Lui, il avait le sourire facile, il inspirait confiance. Un parent me confiera plus tard : « On le voyait tous les matins, il prenait les enfants dans ses bras pour leur dire bonjour. Jamais je n’aurais imaginé… » Cette phrase, elle revient en boucle chez ceux qui ont croisé cet homme.
Et puis il y a cette autre voix, tremblante, d’une maman qui a appris récemment que son enfant faisait partie des victimes potentielles : « Je m’en veux terriblement de n’avoir rien vu ». Ce sentiment de culpabilité, il ronge. Comme si, en plus du traumatisme infligé à l’enfant, les adultes devaient porter le poids d’avoir été aveugles.
« On se dit qu’on protège nos enfants, qu’on fait attention à tout… et en réalité, le danger était là, tous les jours, à 8 h 15 devant l’école. »
Une mère de famille du village
Des faits qui s’étalent sur presque deux ans
Ce n’est pas un incident isolé. Les enquêteurs parlent d’une période longue, entre 2023 et 2024. Des gestes qui se répètent, sur plusieurs enfants, dans différents lieux : le centre de loisirs, les temps d’accueil du matin ou du soir. Des moments où l’animateur se retrouve seul quelques instants avec un enfant – pour l’aider à enfiler un manteau, pour le consoler, pour un câlin « réconfortant ».
Des situations banales, en apparence. Sauf que derrière le sourire, il y avait une intention criminelle. Et ça, personne ne l’avait détecté. Ni les collègues, ni les responsables, ni les parents. C’est peut-être le plus terrifiant : la banalité du mal, comme on dit.
Comment a-t-on fini par savoir ?
Comme souvent dans ce genre d’affaires, tout a commencé par la parole d’un enfant. Un petit qui, un jour, a dit quelque chose qui a alerté un adulte. Puis un deuxième. Les pièces du puzzle ont commencé à s’assembler. Les signalements se sont multipliés. Les enquêteurs ont pris les choses en main très rapidement.
Le suspect a été interpellé en début de semaine. Placé en garde à vue prolongée. L’enquête est en cours, mais déjà une dizaine de victimes ont été identifiées. Des enfants très jeunes, pour la plupart en maternelle ou en tout début de primaire. L’âge où on ne sait pas encore vraiment nommer ce qui est anormal.
- Des caresses imposées sur les parties intimes
- Des gestes sous les vêtements
- Des situations où l’enfant se retrouve isolé quelques secondes ou minutes
- Une répétition sur plusieurs mois, voire années
Chaque point fait froid dans le dos.
Le profil du suspect : rien ne laissait présager
28 ans. Un casier judiciaire vierge, paraît-il. Pas d’antécédents connus. Il avait passé les vérifications habituelles pour travailler auprès d’enfants. Le genre de profil qui passe tous les filtres. Et pourtant.
J’ai discuté avec des gens qui l’ont côtoyé. Ils tombent des nues. « Il était calme, poli, toujours dispo pour rendre service ». Certains parlent même d’un garçon « un peu timide », « pas très à l’aise avec les adultes mais super avec les gosses ». Une phrase qui, avec le recul, prend une tout autre couleur.
Et c’est là que ça devient vertigineux : les prédateurs sexuels qui agissent auprès d’enfants ne correspondent pas toujours à l’image du monstre qu’on se fait. Parfois, c’est justement celui qui inspire le plus confiance.
Les enfants parleront-ils un jour ?
On sait que les très jeunes enfants mettent parfois des années à verbaliser ce qu’ils ont subi. Certains se taisent par peur, par honte, ou simplement parce qu’ils n’ont pas les mots. D’autres enfouissent si profond que ça resurgit à l’adolescence, ou jamais.
Les psychologues qui accompagnent déjà certaines familles le répètent : il faut du temps. Beaucoup de temps. Et surtout, ne jamais forcer. L’important, c’est que l’enfant sente qu’on le croit, qu’on est là, sans jugement.
« Un enfant qui a subi ça peut mettre dix, quinze, vingt ans avant de pouvoir en parler. Parfois, il ne le fera jamais complètement. »
Une psychologue spécialisée dans les traumas infantiles
Et les parents dans tout ça ?
Ils oscillent entre rage, tristesse et culpabilité. Certains ne dorment plus. D’autres refusent de laisser leurs enfants à quiconque, même à la famille. Il y a ceux qui veulent déménager, ceux qui veulent comprendre comment le système a pu faillir à ce point.
Une réunion a été organisée dans le village. Ambiance lourde. Des pleurs. Des cris. Des questions sans réponses. « Comment a-t-on pu laisser ça arriver ? » « Qui savait et n’a rien dit ? » La défiance est totale.
Un problème bien plus large qu’un village
Cette affaire, aussi terrible soit-elle, n’est malheureusement pas isolée. Chaque année, des dizaines de cas similaires éclatent dans des écoles, des colonies, des clubs sportifs. Des animateurs, des professeurs, des éducateurs. Des gens qui ont choisi un métier au contact des enfants… parfois pour de mauvaises raisons.
En France, on estime à plusieurs milliers le nombre d’enfants victimes d’agressions sexuelles chaque année dans des cadres éducatifs ou de loisirs. Et encore, ce ne sont que les affaires qui sortent. Le chiffre noir est immense.
Que faudrait-il changer, concrètement ?
On parle beaucoup de contrôles renforcés, de casiers judiciaires, de formations. Mais est-ce suffisant ? Personnellement, je pense qu’on rate quelque chose d’essentiel : la supervision réelle sur le terrain.
- Plus jamais un adulte seul avec un enfant dans une pièce fermée
- Des caméras dans les couloirs et espaces communs (je sais, c’est polémique, mais…)
- Des binômes systématiques pour les gestes d’hygiène ou d’habillage
- Des formations obligatoires et récurrentes sur la détection des comportements inappropriés
- Un vrai suivi psychologique des personnels en contact avec les enfants
Ce n’est pas de la paranoïa. C’est juste prendre la mesure du risque.
Et maintenant ?
L’enquête continue. D’autres victimes pourraient se manifester. Le suspect, lui, risque gros : jusqu’à 20 ans de prison pour agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité. Mais la justice, aussi nécessaire soit-elle, ne réparera pas ce qui a été brisé chez ces enfants.
Dans le village, on parle déjà de fermer le centre de loisirs. Certains parents ne veulent plus entendre parler d’activités périscolaires. La blessure est profonde. Elle mettra des années à cicatriser.
Moi, ce qui me reste, c’est cette phrase d’une maman : « On ne pourra plus jamais faire confiance comme avant. » Et quelque part, c’est peut-être le plus triste.
Cette histoire nous renvoie à notre propre vulnérabilité. À celle de nos enfants. Elle nous oblige à regarder en face une réalité qu’on préfère ignorer : le danger n’est pas toujours là où on l’attend. Parfois, il a le sourire d’un animateur qu’on appelle « Coco ».
Prenez soin de vos petits. Écoutez-les. Vraiment. Et n’ayez pas peur de poser les questions qui dérangent.
