Quand j’ai lu les chiffres, j’ai eu besoin de m’asseoir. Quinze. Quinze enquêtes ouvertes en une seule année pour des agressions sexuelles sur des enfants de moins de cinq ans, dans des écoles maternelles. À Paris. En 2025. On parle d’enfants qui savent à peine lacer leurs chaussures et qui, parfois, reviennent de l’école avec des secrets trop lourds pour leur âge.
Ce n’est pas une rumeur, pas un fait divers isolé. C’est une vague. Et le plus glaçant, c’est que les soupçons se concentrent presque exclusivement sur un seul corps de métier : les animateurs périscolaires.
Une recrudescence qui secoue la capitale
Personne ne s’y attendait à cette échelle. Les professionnels qui entourent les tout-petits le disent eux-mêmes : quelque chose a changé cette année. Les signalements pleuvent. Et pas n’importe où : dans les maternelles, ces lieux qu’on imagine encore comme des bulles de douceur, avec les odeurs de peinture fraîche et les rires dans la cour.
Derrière chaque dossier, il y a un enfant. Un enfant qui a dit un mot de trop à table, dessiné quelque chose d’étrange, ou qui s’est soudain mis à avoir peur des toilettes de l’école. Parfois, c’est un autre enfant qui rapporte les faits. Parfois, c’est l’animateur lui-même qui, sous le coup du stress, laisse échapper une attitude suspecte remarquée par un collègue.
« On voit une augmentation très nette, spécifiquement parisienne »
Une magistrate spécialisée dans la protection des mineurs
Paris, donc. Pas Lyon, pas Marseille, pas les petites communes de campagne. Paris. La ville-lumière qui se retrouve sous un projecteur bien sombre.
Des affaires qui s’enchaînent à un rythme inquiétant
Prenez le 11e arrondissement, par exemple. Plusieurs écoles touchées en quelques semaines seulement. Des plaintes pour viol aggravé, des suspicions d’attouchements dans les sanitaires du centre de loisirs, des enfants qui parlent soudain de « jeux secrets » qu’on leur aurait imposés.
Dans une seule école, trois animateurs suspendus depuis septembre. Dans une autre, deux. Et ce n’est pas fini. Chaque semaine ou presque apporte son lot de nouvelles suspensions. Trente animateurs écartés rien qu’en 2025, dont plus de la moitié pour des faits présumés à caractère sexuel.
- Un animateur accusé d’attouchements sur cinq enfants et de harcèlement sur des collègues
- Un autre soupçonné d’exhibition
- Un troisième qui aurait fait entrer une personne extérieure dans l’école, avec des conséquences dramatiques
- Des plaintes déposées des mois après les faits, quand l’enfant a enfin réussi à parler
Et puis il y a ces cas où l’enfant se rétracte le lendemain. Où l’enquête finit par classer sans suite. Mais le mal est fait : l’animateur est déjà écarté à vie, les parents restent traumatisés, et l’école entière vit dans la suspicion générale.
Pourquoi maintenant ? Pourquoi Paris ?
C’est la question que tout le monde se pose. Est-ce que les enfants sont plus victimes qu’avant ? Probablement pas. Est-ce que les prédateurs se sont soudain multipliés dans les rangs des animateurs ? Ça paraît peu crédible à cette échelle.
Non, l’explication la plus sérieuse, c’est qu’on écoute enfin.
Les professionnels sont mieux form unflés. On leur apprend à repérer les signaux faibles. Les parents, eux, ont changé. Ils connaissent les mots justes, les questions à poser sans influencer. Ils savent que le silence n’est plus une option. Et parfois, oui, il y a des effets boule de neige : un signalement dans une école en déclenche trois autres la semaine suivante.
« Les parents sont plus affûtés, et sans doute plus suspicieux qu’avant »
Moi je trouve ça plutôt sain, cette vigilance. Même si elle fait mal. Même si elle crée parfois des injustices. Parce que l’alternative – ne rien voir, ne rien entendre – est bien pire.
La réponse de la ville : un plan d’urgence
Face à la tempête, la municipalité a sorti l’artillerie lourde. Un plan spécifique contre les violences sexuelles dans les temps périscolaires. Parmi les mesures :
- Création d’un poste de défenseur des enfants
- Renforcement massif des formations (détection, prise en charge de la parole, etc.)
- Suspension définitive des agents mis en cause, même en cas de non-lieu
- Nouveau protocole de signalement ultra-rapide
Est-ce que ça suffira ? Difficile à dire. Mais au moins, on ne peut plus accuser la ville de fermer les yeux.
Et les enseignants dans tout ça ?
Petite précision importante : les enseignants, eux, sont très peu concernés. Sur les dizaines de suspensions, on compte seulement quelques cas isolés. Le phénomène touche massivement les animateurs périscolaires – ceux qui encadrent la cantine, les études, les centres de loisirs.
Pourquoi eux ? Peut-être parce que le recrutement est plus rapide, les contrôles moins poussés, les contrats précaires. Peut-être parce que les temps périscolaires sont moins surveillés que les heures de classe. Peut-être aussi parce que ces moments-là sont ceux où l’enfant est le plus vulnérable : fatigue, foule, moins d’adultes pour le même nombre d’enfants.
Le poids du silence brisé
Ce qui me frappe le plus dans cette affaire, c’est le courage des enfants. À quatre ans, cinq ans, réussir à dire « il m’a touché là », ou « il m’a fait mal », ça demande une force incroyable. Et derrière chaque parole libérée, il y a souvent des parents qui ont su écouter sans paniquer, sans juger, sans minimiser.
Je pense aussi à ces animateurs innocents pris dans la tourmente. Ceux dont la vie bascule sur un doute, une parole mal interprétée. Parce que oui, ça arrive. Et c’est le prix à payer, malheureusement, pour que plus aucun enfant ne passe entre les mailles du filet.
Entre la présomption d’innocence et la protection absolue des enfants, il n’y a pas de juste milieu facile. Mais une chose est sûre : on préfère mille fois se tromper dans le sens de la prudence que de laisser passer un seul prédateur.
Vers une nouvelle ère de vigilance
Cette année 2025 marque peut-être un tournant. On sort de l’ère du « ça n’arrive pas chez nous ». On entre dans celle où plus rien ne sera toléré. Où chaque adulte qui approche des enfants sait qu’il sera scruté, formé, contrôlé.
Est-ce que ça rendra les maternelles plus froides ? Peut-être un peu. Mais je préfère mille fois une école où on se méfie un peu trop qu’une école où on fait trop confiance.
Parce qu’un enfant, ça n’a pas de seconde chance sur ce genre de blessures.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Est-ce qu’on va trop loin dans la suspicion généralisée ? Ou est-ce que c’était nécessaire, vital même ? Je suis curieux de lire vos réactions – dans le respect, bien sûr, parce que le sujet est sensible et les blessures réelles.
Une chose est sûre : en 2025, Paris a ouvert les yeux. Brutalement. Et maintenant, impossible de les refermer.
