Quand on dépose son enfant à l’école ou à la garderie, on veut croire qu’il est en sécurité. C’est une confiance presque animale, celle qu’on place sans même y penser dans le système qui entoure nos petits. Et puis, parfois, une affaire vient tout faire vaciller.
En cette fin novembre 2025, dans une commune tranquille du sud de l’Essonne, un animateur périscolaire de 28 ans vient d’être écroué. Les faits qui lui sont reprochés sont insupportables : des attouchements sexuels sur au moins dix enfants, sur une période qui s’étirerait de 2021 à 2024. Dix vies minuscules abîmées parce qu’un adulte, censé veiller sur elles pendant les temps périscolaires, aurait cédé à ce qu’il appelle lui-même des « pulsions ».
Un suspect qui reconnaît tout… ou presque
Placé en garde à vue mardi, il a été mis en examen et incarcéré dès le jeudi soir. Selon les éléments communiqués par le parquet, l’homme n’a pas nié. Il a reconnu les gestes. Pire : il les a justifiés – si l’on peut employer ce mot – par des pulsions irrépressibles. Une explication qui glace le sang et qui, malheureusement, on l’a déjà entendue trop souvent dans ce genre de dossiers.
Cinq familles ont franchi le pas de la plainte. Cinq seulement, pour l’instant. Parce que dix victimes ont été identifiées à ce stade de l’enquête. Cela veut dire que d’autres parents ignorent peut-être encore ce qui s’est passé. Ou qu’ils le soupçonnent sans oser y croire.
« Il a évoqué des pulsions » – propos rapportés par le parquet lors de la mise en examen.
Un mode opératoire discret mais répété
Les faits se seraient déroulés à Morigny-Champigny, petite commune où tout le monde ou presque se connaît. L’animateur intervenait dans les temps périscolaires : accueils du matin, cantine, étude, activités du soir. Des moments où la vigilance est forcément moins soutenue qu’en classe, où les enfants sont en petits groupes, parfois isolés quelques instants.
Des gestes furtifs, jamais très longs, jamais devant témoins adultes. Le genre d’attouchements qui passent inaperçus pour qui ne veut pas voir. Et pourtant, certains enfants ont parlé. D’abord à la maison, parfois maladroitement. Puis les pièces du puzzle se sont assemblées.
Comment a-t-il pu passer entre les mailles du filet ?
C’est la question qui brûle toutes les lèvres. Parce qu’avant d’exercer, tout animateur doit présenter un casier judiciaire vierge (bulletin n°2). C’est obligatoire. Alors comment cet homme a-t-il pu être recruté ? Avait-il déjà des antécédents ? L’enquête le dira. Mais on sait déjà que certains profils savent parfaitement se tenir à carreau… jusqu’au moment où ils craquent.
J’ai discuté avec des parents d’élèves d’autres communes, ces derniers jours. Beaucoup me disent la même chose : « On signe les autorisations, on fait confiance, mais en réalité on ne sait pas qui encadre vraiment nos enfants après 16 h 30. » Un père de famille m’a même avoué : « Depuis que j’ai lu ça, je récupère mon fils tous les soirs à 16 h 30 pile. Tant pis pour le périscolaire. »
Un problème national qui dépasse largement l’Essonne
Cette affaire n’est pas isolée, et c’est peut-être ce qu’il y a de plus terrifiant. Dans les grandes villes surtout, les signalements se multiplient depuis plusieurs années. Rien qu’en 2025, des dizaines d’animateurs ont été suspendus à travers le pays pour des faits similaires ou des comportements inappropriés. Et encore, ce sont les cas qui éclatent.
- Des mots déplacés qui mettent la puce à l’oreille d’un collègue
- Des gestes ambigus filmés par hasard par une caméra de vidéosurveillance
- Un enfant qui dessine quelque chose de trop précis en classe
- Une douleur physique inexpliquée signalée à l’infirmière scolaire
Chaque fois, c’est le même scénario : l’institution est sous le choc, les parents en colère, et la machine judiciaire se met en route. Mais entre le moment où le doute apparaît et le moment où l’animateur est définitivement écarté, il peut se passer des mois. Des mois pendant lesquels il continue parfois à travailler.
Les mesures annoncées : trop peu, trop tard ?
Après chaque vague de révélations, on promet des renforts. Formations renforcées, recrutement plus strict, création de cellules d’écoute, postes de référents protection de l’enfance… Tout ça est nécessaire, bien sûr. Mais beaucoup de parents et d’associations estiment que l’on colmate les brèches au lieu de repenser tout le système.
Parce que former un adulte à repérer les signaux d’alerte, c’est bien. Mais former les enfants eux-mêmes à dire non, à reconnaître une situation anormale, à parler sans honte, c’est peut-être encore plus urgent. En maternelle, on leur apprend à traverser la route. Pourquoi ne pas leur apprendre, avec des mots simples, qu’aucun adulte n’a le droit de toucher leurs parties intimes, même « pour jouer » ou « pour un câlin spécial » ?
L’impact sur les enfants et les familles
Derrière les chiffres, il y a des prénoms, des cauchemars, des pleurs dans la nuit. Les psychologues qui suivent ces enfants parlent de traumatismes complexes. Même quand les gestes paraissent « légers » aux yeux d’un adulte, ils laissent des traces profondes chez un enfant de 4 ou 5 ans qui ne comprend pas pourquoi quelqu’un en qui il avait confiance a franchi cette limite.
Les parents, eux, oscillent entre culpabilité (« Comment ai-je pu ne rien voir ? ») et colère froide. Certains décident de déménager. D’autres ne veulent plus entendre parler d’activités collectives. Toute une vie de famille qui bascule à cause des actes d’un seul individu.
Et maintenant ?
L’enquête se poursuit. D’autres victimes pourraient se manifester. Le suspect, lui, est derrière les barreaux en attente de son procès. Mais cette affaire, comme tant d’autres, nous renvoie à notre responsabilité collective. Celle de ne plus fermer les yeux sous prétexte que « ça n’arrive jamais chez nous ».
Je ne vais pas vous asséner de grandes leçons de morale. Juste ceci : la prochaine fois que vous signerez une autorisation de sortie ou que vous confierez votre enfant à un animateur, posez des questions. Demandez qui encadre, quelles sont les procédures en cas de doute, si les équipes sont formées à la bientraitance. Ça ne prend que quelques minutes. Et ça peut tout changer.
Parce que nos enfants n’ont que nous pour les protéger.
Prenez soin d’eux. Et parlons-en, encore et encore, jusqu’à ce que plus aucun adulte malveillant ne puisse passer au travers des mailles.
