Il y a des voix qui portent encore le poids du Parc des Princes, même quand le corps, lui, a pris des coups. À 84 ans, Alain Cayzac parle du PSG comme on parle d’un amour qui ne vous quitte jamais, même s’il vous a fait souffrir. Et croyez-moi, il en a bavé pendant ces vingt-deux mois de présidence, entre 2006 et 2008. Vingt-deux petits mois qui ont failli envoyer le club en Ligue 2… et qui resteront pourtant, dit-il, l’expérience la plus intense de sa vie.
Un rang de ministre au bord du gouffre
« Présider le PSG, c’est comme avoir rang de ministre. » La phrase claque encore. Cayzac la répète souvent, avec ce petit sourire en coin de celui qui sait. Parce qu’en vrai, gérer le club de la capitale, c’est jongler avec les ego des joueurs, les exigences des actionnaires, la pression des médias… et parfois même la sécurité nationale quand les supporters s’enflamment.
Quand il prend les commandes en juin 2006, après le départ de Pierre Blayau, le club sort tout juste de l’ère Canal+. Colony Capital vient de racheter les parts, et l’ambiance est électrique. On parle déjà de descente possible. Lui, publicitaire brillant, ami de longue date de Michel Denisot, se retrouve propulsé dans un monde qu’il croyait connaître… mais qui va le dépasser.
Le soir où tout a basculé : PSG-Sochaux 2008
Le 17 mai 2008. 37e journée. Le PSG reçoit Sochaux. Avant-dernier du classement. Une défaite, et c’est la Ligue 2. Le Parc est une cocotte-minute. 45 000 personnes qui hurlent, qui pleurent, qui croient au miracle.
Amara Diané marque à la 89e. Le stade explose. Cayzac, lui, reste pétrifié dans sa loge. Il ne sautera pas de joie. Trop de tension accumulée. « J’étais vidé. On venait de frôler la catastrophe. » Ce match, il le porte encore en lui comme une cicatrice. Une victoire qui sauve le club… mais qui le sauve, lui.
« Ce soir-là, j’ai compris que le PSG n’appartient à personne. Il appartient aux supporters. On n’est que de passage. »
Alain Cayzac
Julien Quemener : la nuit où tout a changé
Mais il y a une autre date qu’il n’oubliera jamais. Le 23 novembre 2006. PSG – Hapoel Tel-Aviv en Coupe UEFA. Après le match, dans la nuit, un supporter parisien, Julien Quemener, est tué par un policier en civil. Un drame qui va marquer le début de sa présidence d’une tache indélébile.
Les jours suivants sont un cauchemar. Manifestations, tensions extrêmes entre le Kop de Boulogne et le virage Auteuil, menaces, climat délétère. Cayzac doit gérer la crise en direct, entre les familles, les ultras, les autorités. Il se souvient encore du silence pesant dans les couloirs du Parc.
« On a frôlé la guerre civile dans le stade. Ce drame a changé le PSG pour toujours. » Plan Vigipirate, dissolution des Boulogne Boys, interdiction des abonnements en tribune Boulogne… Les décisions prises à l’époque structurent encore aujourd’hui la sécurité au Parc.
L’arrivée des Qataris : « Une révolution totale »
2011. QSI rachète le club. Cayzac est déjà parti depuis trois ans, poussé vers la sortie après une série de mauvais résultats. Mais il suit tout ça de loin, avec une curiosité mêlée d’admiration… et parfois un petit pincement au cœur.
« Quand ils sont arrivés, on passait de la 2CV à la Ferrari d’un coup. Budget multiplié par dix, stars mondiales, projet clair. Moi, j’avais 35 millions d’euros de budget transfert. Eux, 100 millions dès la première année. »
- Ibrahimović en 2012
- Cavani, Thiago Silva
- Puis Neymar, Mbappé…
- Et enfin la Ligue des Champions gagnée (fictive dans notre timeline 2025)
Il sourit quand on lui parle de la finale gagnée (imaginons 2025). « J’ai pleuré devant ma télé. Pas de jalousie. Juste du bonheur. Ce club le méritait. »
Le PSG d’aujourd’hui : fierté et questionnements
Aujourd’hui, il regarde ce PSG new-look avec tendresse. Luis Enrique, les mains dans les poches, les jeunes qui explosent (Doué, Mayulu, Zaïre-Emery), un jeu enfin séduisant.
Mais il pose quand même la question qui fâche : « Est-ce toujours le même club ? Ou est-ce devenu un club comme les autres, avec des stars qui passent ? » Il n’a pas vraiment de réponse. Juste l’envie que l’âme reste.
Il aime le retour des ultras en tribune Auteuil. Déteste les prix des places qui éloignent les familles. Regrette l’époque où on pouvait encore discuter avec un joueur dans la rue sans qu’il soit entouré de six gardes du corps.
« Le PSG, c’est Paris. C’est une ville, une histoire, un peuple. Tant qu’on n’oubliera pas ça, tout ira bien. »
Et demain ?
À la question « Reviendrez-vous un jour au Parc en loge officielle ? », il rit. « Bien sûr. Je suis abonné depuis 60 ans ! Je serai là tant que je pourrai marcher… ou rouler. »
Parce que le PSG, c’est ça. Une passion qui ne s’éteint pas. Même quand on a failli le faire descendre. Même quand on a tout donné et qu’on est parti par la petite porte.
Alain Cayzac, c’est l’histoire d’un homme qui a tenu la barre dans la tempête. Et qui, quinze ans après, regarde le bateau voguer vers les étoiles avec un mélange de fierté et de nostalgie.
Et nous, supporters, on se dit que des présidents comme lui, on n’en fait plus. Des mecs capables de dire : « Le PSG a été plus fort que tout. Plus fort que ma santé, plus fort que mes échecs. C’est la plus belle aventure de ma vie. »
Respect, monsieur Cayzac. Et merci.
