Vous savez ce petit frisson quand un joueur que vous adorez pourrait changer de sélection nationale ? Ce moment où l’on se dit « et si… » ? Eh bien, pendant quelques jours, tout le monde du foot francophone a eu ce frisson avec Allan Saint-Maximin et Haïti. Et puis, paf, le principal intéressé a tout balayé d’un message clair et net. Fin de l’histoire ? Pas vraiment. Parce que derrière ce refus, il y a bien plus qu’une simple rumeur éteinte.
Un non qui a surpris tout le monde… ou presque
Quand la nouvelle est tombée, fin novembre 2025, les réseaux sociaux se sont enflammés. Un média mexicain bien informé avait lâché l’info : Saint-Maximin, grâce à ses origines haïtiennes par son père, serait en discussions avancées avec la fédération haïtienne. Qualification historique des Grenadiers pour le Mondial 2026, besoin de renforts d’expérience, profil parfait… Tout collait. Et puis, le joueur lui-même a pris son téléphone.
« Il n’y a aucune démarche et aucun projet concernant la sélection haïtienne. »
Allan Saint-Maximin, sur ses réseaux sociaux
Claque froide. Pas de demi-mesure, pas d’ouverture, pas de « on verra ». Un message respectueux, certes – il félicite même Haïti pour son exploit – mais ferme comme rarement on en voit dans ce genre de situation. Et c’est précisément cette fermeté qui mérite qu’on s’y arrête.
Pourquoi Haïti y croyait vraiment
Remettons les choses en perspective. Haïti vient de réaliser l’impossible : se qualifier pour la Coupe du Monde 2026 après cinquante-deux ans d’absence. Un parcours complètement fou dans les éliminatoires CONCACAF, avec des victoires arrachées dans la douleur, des larmes, des scènes de joie indescriptibles. Quand un petit pays comme ça décroche le graal, chaque joueur éligible devient soudain une cible prioritaire.
Et Saint-Maximin, franchement, c’était le jackpot sur papier :
- 28 ans, l’âge parfait pour un dernier grand défi
- Expérience en Premier League, Ligue 1, Turquie, Arabie Saoudite, maintenant Mexique
- Vitesse, dribbles, capacité à faire basculer un match à lui seul
- Origines haïtiennes directes par son père
Dans ce contexte, imaginer « ASM » sous le maillot rouge et bleu des Grenadiers, ça avait quelque chose de poétique. Un peu comme quand Pierre-Emerick Aubameyang avait choisi le Gabon, ou Kalidou Koulibaly le Sénégal. Sauf que là, le joueur a dit non. Et pas juste non, il a pris le temps d’expliquer pourquoi.
Le message derrière le message
Relisons attentivement ce qu’il a écrit. Au-delà du refus, il y a une phrase qui m’a particulièrement marqué :
« Respect total aux joueurs haïtiens qui ont gagné leur place pour ce Mondial. Ils se sont battus pour cette qualification, et il est important de ne pas les associer à des rumeurs. »
Entre les lignes, on sent une forme de pudeur, presque de la gêne à l’idée d’être perçu comme quelqu’un qui viendrait « voler » une place acquise dans la sueur et les larmes. C’est rare, dans le foot business d’aujourd’hui, d’entendre ce genre de discours. Saint-Maximin aurait pu se contenter d’un « pas d’actualité » laconique. Il a choisi de rendre hommage à ceux qui ont tout donné.
Et ça, ça en dit long sur l’homme. Parce que soyons honnêtes : combien de joueurs auraient sauté sur l’occasion de disputer une Coupe du Monde, même avec une sélection moins prestigieuse que celle qu’ils espéraient initialement ? Beaucoup. Trop.
Le rêve français toujours vivant ?
Car c’est là que ça devient intéressant. À 28 ans, Allan Saint-Maximin n’a toujours connu que les sélections de jeunes françaises. Sept capes avec les Espoirs, jamais le moindre appel chez les A. Didier Deschamps ne l’a jamais retenu, même quand l’ailier flambait à Nice ou explosait à Newcastle.
Alors pourquoi refuser Haïti ? Parce qu’au fond de lui, le rêve bleu est peut-être encore vivant ? C’est ce que beaucoup pensent. Changer de sélection sportive, c’est une décision définitive (sauf cas très rares). En disant oui à Haïti, il fermait définitivement la porte à l’équipe de France. Et ça, visiblement, il n’est pas prêt à le faire.
J’ai presque envie de dire : je comprends. Quand tu as grandi avec le maillot bleu sur les épaules à tous les niveaux de formation, quand tu as côtoyé les Mbappé, Dembélé et compagnie chez les jeunes, abandonner ce rêve-là, ça doit être terriblement dur. Même à 28 ans. Même sans la moindre sélection A à ton actif.
Le cas des autres binationaux haïtiens
Ce qui rend le choix de Saint-Maximin encore plus marquant, c’est qu’il n’est pas seul dans ce cas. Ces derniers mois, plusieurs joueurs français ou évoluant en Europe ont dit oui à Haïti :
- Jean-Ricner Bellegarde (ex-Strasbourg, maintenant Wolverhampton)
- Josué Casimir (Auxerre)
- D’autres profils comme Wilson Isidor ou Odsonne Édouard restent éligibles
Pour ces joueurs, souvent bloqués dans leur progression en France ou sans réelle perspective chez les A, Haïti représente une chance unique de goûter au très haut niveau. Une forme de plan B magnifique. Saint-Maximin, lui, a choisi de ne pas avoir de plan B. Quitte à peut-être ne jamais disputer de Coupe du Monde.
C’est un pari. Un énorme pari. Parce qu’à 28 ans, le temps commence à presser. La prochaine Coupe du Monde, c’est dans quatre ans. Il en aura 32. Et entre-temps, il faudra performer au plus haut niveau pour espérer taper dans l’œil du prochain sélectionneur français – car Deschamps, on le sait, partira probablement après 2026.
Le contexte mexicain change-t-il la donne ?
Depuis cet été, Saint-Maximin évolue au Club América, au Mexique. Un choix qui a surpris à l’époque. Passer de la Premier League et de la Turquie à la Liga MX, beaucoup y ont vu un recul sportif. Lui parle d’un projet ambitieux, d’un club mythique, d’un championnat sous-coté.
Et force est de constater qu’il s’éclate. Des statistiques solides, des actions de grande classe, une visibilité énorme en Amérique du Nord – d’autant plus importante avec un Mondial qui se jouera aux États-Unis, au Canada et au Mexique. Paradoxalement, ce choix mexicain pourrait être le plus malin de sa carrière s’il veut se rappeler au bon souvenir des observateurs européens.
Rester visible, performer dans un championnat relevé, et surtout éviter les blessures qui l’ont trop souvent freiné. Si tout se passe bien, qui sait ? Peut-être qu’un sélectionneur français, nouveau ou pas, se dira qu’un ailier capable de déstabiliser n’importe quelle défense à 31-32 ans, ça ne se refuse pas.
Ce que ce refus dit du foot moderne
Au-delà du cas Saint-Maximin, cette histoire pose une question plus large : jusqu’où est-on prêt à aller pour disputer une Coupe du Monde ? Certains diront qu’il a raison de rester fidèle à son rêve d’enfance. D’autres estimeront qu’à 28 ans, sans sélection A, refuser Haïti relève de l’orgueil ou de l’aveuglement.
Personnellement, je trouve ça beau. Dans un foot où tout va trop vite, où les agents poussent souvent à prendre la voie la plus « rentable », voir un joueur refuser une porte de sortie dorée par respect pour son histoire personnelle, ça fait du bien. Ça rappelle qu’il reste encore un peu de romantisme dans ce sport.
Et puis, qui sait ? Peut-être que dans quelques mois, on reparlera de Saint-Maximin en bleu. Peut-être que non. Mais une chose est sûre : en disant non à Haïti, il a écrit une page forte de sa carrière. Une page qui, paradoxalement, pourrait bien être celle qui le fera enfin basculer du côté des grands.
En attendant, les Grenadiers continueront leur préparation sans lui. Avec fierté. Avec ceux qui ont choisi de porter ce maillot par passion plus que par opportunité. Et quelque part, Saint-Maximin, en refusant poliment, leur a peut-être rendu le plus bel hommage qui soit.
