Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il reste quand tout semble s’écrouler autour ? Quand les annonces de fermetures et de suppressions d’emplois pleuvent sur une région entière, il y a toujours cette petite lumière qui refuse de s’éteindre. Dans l’Oise, en ce moment, cette lumière a un nom : le site Arkema de Villers-Saint-Paul.
J’ai roulé récemment sur la D200 entre Creil et Compiègne. Partout, les panneaux « usine à vendre » ou les grillages rouillés racontent la même histoire. Et puis, au milieu de ce paysage un peu gris, on tombe sur cette plateforme chimique qui tourne à plein régime. Franchement, ça fait du bien.
Un îlot de prospérité dans un océan de difficultés
Le secteur de la chimie traverse une zone de turbulences sérieuse dans le département. Des noms historiques vacillent, des plans sociaux s’enchaînent. Pourtant, à quelques kilomètres seulement, 230 personnes – dont 140 directement sur le site de production – continuent de fabriquer des résines qui partent aux quatre coins du monde.
Ce n’est pas un petit exploit. C’est même ce qu’on appelle, dans le jargon, une exception qui confirme la règle. Ou plutôt une exception qui donne de l’espoir.
Des résines qui voyagent plus que nous
Ce que produit exactement Villers-Saint-Paul ? Des résines techniques très spécifiques. Collage haute performance, revêtements de pointe, additifs qui améliorent la durée de vie des matériaux… Des produits que l’on retrouve dans l’aéronautique, l’automobile de luxe, l’électronique ou même les équipements sportifs haut de gamme.
Le genre de petites merveilles discrètes mais indispensables. Un peu comme ces pièces minuscules dans votre smartphone qui font que tout fonctionne parfaitement. Sauf qu’ici, on est dans la vraie vie, avec des cuves de plusieurs mètres et des salariés qui connaissent leur métier sur le bout des gants.
« On exporte dans plus de 50 pays. Quand je vois nos palettes partir pour l’Asie ou les États-Unis, je me dis que l’on fait encore des choses dont la France peut être fière. »
Un technicien du site, croisé à la pause café
Un modèle qui résiste (pour l’instant)
Comment expliquer cette résilience ? Plusieurs ingrédients, à mon sens.
- Une spécialisation sur des niches à forte valeur ajoutée
- Une stratégie d’exportation agressive et bien menée
- Des investissements réguliers dans la sécurité et la modernisation
- Une culture d’entreprise qui mise sur la formation continue
- Et, soyons honnêtes, un peu de chance aussi – mais surtout beaucoup de travail
Le site n’est pas immense. Il n’a pas vocation à employer des milliers de personnes. Mais il est rentable. Et dans le contexte actuel, c’est presque un luxe.
Le contraste est saisissant avec les voisins
À quelques kilomètres, d’autres usines historiques traversent l’enfer. Des centaines d’emplois menacés, des négociations tendues, des élus qui courent dans tous les sens. Pendant ce temps, à Villers-Saint-Paul, on recrute même ponctuellement.
Je ne dis pas ça pour enfoncer qui que ce soit – croyez-moi, chaque fermeture me fend le cœur – mais simplement pour souligner à quel point les stratégies d’entreprise peuvent faire toute la différence.
Il y a ceux qui misent tout sur le volume et les coûts bas. Et il y a ceux qui choisissent la qualité, l’innovation et les marchés mondiaux. Devinez qui s’en sort le mieux quand la conjoncture se tend ?
L’avenir ? « Le site a du potentiel », dit-on en interne
On entend souvent cette phrase : « C’est un site qui a de l’avenir ». Elle revient dans la bouche des syndicats, des cadres, même des élus locaux qui passent de temps en temps.
Concrètement, ça veut dire quoi ?
- Des projets de développement de nouvelles résines biosourcées
- Des investissements pour réduire encore l’empreinte carbone
- Une volonté de renforcer les partenariats avec les universités locales
- Et peut-être, un jour, quelques embauches supplémentaires
Rien n’est jamais acquis, surtout dans l’industrie. Mais pour une fois, on parle d’avenir avec le sourire plutôt qu’avec des larmes.
Et la question environnementale dans tout ça ?
On ne va pas se mentir : une plateforme chimique, ça suscite toujours des interrogations. Surtout dans une région où les souvenirs des pollutions passées restent vifs.
Mais ici, les efforts sont réels. Contrôles renforcés, réduction des émissions, dialogue régulier avec les riverains. Ce n’est pas parfait – rien ne l’est jamais – mais on sent une vraie volonté d’avancer proprement.
D’ailleurs, certains produits développés sur place participent même à la transition écologique ailleurs : résines plus légères pour l’automobile électrique, colles qui permettent de recycler mieux… C’est paradoxal, mais la chimie peut aussi faire partie de la solution.
Ce que ça nous dit de l’industrie française
L’histoire d’Arkema à Villers-Saint-Paul, c’est un peu le miroir de ce que la France peut encore faire de bien en matière d’industrie.
On n’est plus compétitifs sur les produits de masse ? OK. Alors concentrons-nous sur ce que les autres ne savent pas faire aussi bien que nous. La qualité, le sur-mesure, l’innovation. C’est exactement ce qui se passe ici.
Et ça marche. Pas partout, pas pour tout le monde, mais ça marche.
Quand je suis reparti du site, en fin de matinée, j’ai croisé un camion qui chargeait des big bags estampillés « Made in France » direction le port du Havre. Destination finale : la Corée du Sud.
Dans le rétro, les cheminées continuaient de tourner doucement. Pas de fumée noire, pas de sirène d’alarme. Juste une usine qui travaille, qui exporte, qui embauche.
Dans l’Oise, en 2025, c’est déjà beaucoup.
Et peut-être le début d’autre chose.
(Article basé sur des observations terrain et des échanges avec des salariés et responsables du site – novembre 2025)
