Vous est-il déjà arrivé de zapper toute votre soirée télé et, passé 23 heures, de vous retrouver scotché devant un magazine d’investigation comme si votre vie en dépendait ? Jeudi soir, c’était visiblement le cas pour plus d’un million de Français.
Il y a des chiffres qui parlent plus que des discours. Quand un programme diffusé en deuxième partie de soirée dépasse le million de téléspectateurs, on sort forcément du registre habituel. Et quand ce même programme pulvérise son record de saison, on se dit qu’il s’est passé quelque chose.
Un carton inattendu qui en dit long sur nos soirées
Imaginons la scène. Il est 23h02. La plupart des chaînes misent sur des redifs ou des débats mous pour remplir l’antenne. Sur France 2, Tristan Waleckx lance son magazine avec un sujet brûlant : la méthode d’une chaîne d’information en continu qui fait beaucoup parler d’elle. Résultat ? 1,09 million de personnes restent devant leur écran jusqu’après minuit.
15,1 % de part d’audience globale, 15,6 % sur les fameuses femmes responsables des achats de moins de cinquante ans. Des scores qu’on voit rarement à cette heure-là. Pour vous donner une idée, les enquêtes précédentes sur des personnalités politiques très connues n’avaient même pas franché la barre des 900 000.
Alors oui, on pourrait se contenter de dire « bravo, beau succès ». Mais franchement, quand on gratte un peu, ce chiffre raconte quelque chose de plus profond sur ce que les Français ont envie de regarder aujourd’hui.
Pourquoi ce sujet a-t-il autant captivé ?
Il y a d’abord cette curiosité morbide qu’on a tous, avouons-le. Quand une chaîne change profondément de ligne éditoriale et devient en quelques années un phénomène de société, les gens veulent comprendre comment ça marche en cuisine. Les méthodes de fabrication de l’info, les choix éditoriaux, les personnalités qui portent le projet : tout cela fascine.
Et puis il y a le contexte. On vit une période où la confiance dans les médias traditionnels est parfois mise à mal, où les chaînes d’info en continu occupent une place énorme dans le débat public. Quand un magazine d’investigation reconnu décide de mettre les pieds dans le plat, forcément, ça crée de l’attente.
Ce n’est pas tous les jours qu’on voit un million de personnes accepter de veiller après 23 heures pour comprendre les coulisses d’une chaîne de télévision.
Cette phrase, je me la suis répétée plusieurs fois en découvrant les chiffres. Parce qu’en réalité, elle dit tout de l’appétit actuel pour le journalisme qui gratte là où ça fait mal.
Le reste de la soirée : ce que nous disent les autres scores
Pendant que France 2 cartonnait en deuxième partie de soirée, qu’est-ce qui se passait en prime time ? Un téléfilm policier en rediffusion sur France 3 a réussi l’exploit de terminer leader avec 2,32 millions de fidèles. Preuve que le polar français a encore de beaux jours devant lui, même quand il n’est plus tout jeune.
Juste derrière, TF1 n’a pas démérité avec sa série comique familiale. 2,30 millions pour les nouveaux épisodes, un score stable par rapport à la semaine précédente. On sent que le public est attaché aux personnages et à cette légèreté bienvenue en fin de journée.
- France 3 : 2,32 millions (téléfilm rediffusé)
- TF1 : 2,30 millions (série inédite)
- M6 : 1,70 millions puis 1,55 millions (concours culinaire)
- France 2 : 1,49 millions (magazine d’information en prime)
On voit bien la hiérarchie habituelle se mettre en place : le service public qui mise sur la fiction française solide, la première chaîne privée qui joue la carte de la série populaire, et la Six qui continue de faire saliver avec ses gâteaux.
La performance remarquable du concours culinaire
Parlons deux secondes de M6, parce que leurs scores méritent qu’on s’y arrête. Plus de 20 % sur la cible commerciale en deuxième partie de soirée avec un concours de pâtisserie, c’est tout simplement excellent. On pourrait presque dire que les Français préfèrent regarder des religieuses et des éclairs après 22 heures plutôt que des débats politiques.
Et pourtant, juste avant sur France 2, le magazine d’information sérieuse sur un sujet de société grave attirait quand même 1,49 million de personnes. Preuve que le public n’est pas si binaire qu’on veut bien le dire : il peut passer d’un sujet lourd à des macarons sans transition.
Ce que ces audiences nous apprennent sur nos habitudes
Ce qui me frappe dans tout ça, c’est la capacité des Français à rester mobilisés très tard quand le sujet les touche vraiment. On nous dit souvent que l’attention se barre après 22h30, que les gens vont sur Netflix ou dorment. Et pourtant, quand on leur propose une enquête solide sur un sujet qui fait débat dans les dîners de famille, ils sont là.
Il y a quelque chose de rassurant là-dedans, non ? Dans un monde où on accuse les médias de tous les maux, voir qu’un million de personnes acceptent de sacrifier une heure de sommeil pour comprendre comment fonctionne vraiment l’information, ça redonne un peu foi en l’esprit critique collectif.
Et demain, qu’est-ce que ça change ?
Ces chiffres vont forcément faire réfléchir les chaînes. Quand on voit qu’une enquête journalistique peut faire mieux que certaines fictions en première partie de soirée, ça valide une certaine idée du service public. Ça montre aussi que le public est prêt à suivre des formats exigeants si on lui propose des sujets qui font écho à ses préoccupations quotidiennes.
Personnellement, j’ai l’impression qu’on assiste à un retour en force du journalisme d’investigation à la télévision. Après des années où on nous expliquait que les gens voulaient seulement du divertissement léger, voilà que les enquêtes fouillées reviennent par la grande porte.
Et si c’était le début d’une nouvelle ère ? Une ère où on accepterait enfin de veiller un peu plus tard pour comprendre le monde plutôt que pour regarder des candidats manger des insectes ? Je sais, je suis peut-être naïf. Mais quand même, 1,09 million à cette heure-là, ça fait rêver.
En attendant, une chose est sûre : jeudi soir, la télévision française a prouvé qu’elle pouvait encore surprendre. Et parfois, les plus beaux scores ne sont pas ceux qu’on attend.
