Il y a des nouvelles qui vous tombent dessus comme une masse. Ce lundi matin, alors que beaucoup prenaient leur café en lisant les titres habituels, une information a fait l’effet d’une bombe dans le petit monde du droit français : un avocat pénaliste très en vue, basé à Lyon, a été placé en garde à vue pour des faits présumés de viols et d’agressions sexuelles. Et pas n’importe lesquels : les plaignantes seraient d’anciennes stagiaires de son propre cabinet.
Difficile de ne pas être saisi par le vertige que provoque ce genre d’affaire. Celui qui passe sa vie à défendre les autres, parfois les pires criminels, se retrouve soudain de l’autre côté de la barre. Et pas pour une broutille. On parle de crimes graves, commis, semble-t-il, sur des jeunes femmes qui venaient apprendre le métier auprès de lui. Le symbole est terrible.
Un ténor du barreau soudain muet
David Metaxas – le nom circule partout depuis 24 heures – n’est pas un inconnu. Habitué des cours d’assises, il a défendu des figures du grand banditisme, des affaires retentissantes, des clients que beaucoup d’avocats refusent de prendre. Son absence, ce lundi, à un procès pour assassinat dans le Vaucluse, a d’ailleurs forcé la cour à reporter l’audience. Motif officiel : « raisons insurmontables ». On comprend mieux aujourd’hui ce que cela recouvrait.
Placé en garde à vue dès le matin à Chambéry, il est entendu dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour viols, viols aggravés et agressions sexuelles. Le parquet reste discret, mais les premiers éléments laissent peu de place au doute : plusieurs femmes auraient porté plainte. Et toutes auraient un point commun : elles ont effectué un stage dans son cabinet lyonnais.
Lorsqu’un avocat est mis en cause pour des faits aussi graves, c’est tout le système qui vacille. On attend de ces professionnels une exemplarité absolue.
– Un ancien bâtonnier, sous couvert d’anonymat
Le stage, ce passage presque obligé… et parfois dangereux
Dans le milieu du droit, le stage est une étape sacrée. On y entre souvent à 20-22 ans, plein d’idéaux, avec l’envie de toucher enfin à la réalité du métier. On accepte de travailler tard, de faire les tâches ingrates, parce qu’on sait que c’est le prix à payer pour apprendre auprès d’un « grand ». Mais quand ce « grand » abuse de sa position, le rêve peut virer au cauchemar.
Ce n’est malheureusement pas la première fois qu’on entend parler de dérives dans des cabinets. Des gestes déplacés, des remarques sexistes, des invitations insistantes… Beaucoup de jeunes femmes (et parfois des hommes) ont déjà vécu ça. Mais là, on franchit un cap. On parle de viols. De faits répétés. D’un schéma qui, s’il est avéré, ressemble à une véritable emprise.
- Un avocat en position de pouvoir absolu sur la carrière de la stagiaire
- Une relation de dépendance quasi totale (notes, recommandations, embauche future)
- Un huis clos quotidien dans un bureau où la porte reste parfois fermée trop longtemps
- La peur de parler, parce que « c’est lui ou rien » dans le milieu
Ces ingrédients, hélas, on les retrouve trop souvent dans les récits qui finissent par sortir. Et quand ils sortent, c’est généralement après des années de silence.
Le précédent Ursulet : la goutte d’eau ?
Le timing n’est pas anodin. Le même jour, la justice rendait un verdict dans une autre affaire impliquant un avocat : Alex Ursulet, acquitté pour le viol d’une stagiaire en 2018. Le parquet a fait appel immédiatement. Deux affaires en quelques heures. Deux avocats connus. Deux stagiaires. Le parallèle est saisissant.
Est-ce que l’acquittement dans l’affaire Ursulet a pu encourager d’autres victimes à parler ? C’est une hypothèse que beaucoup formulent dans les couloirs des palais de justice. Parfois, il faut qu’une porte s’entrouvre pour que d’autres osent la pousser.
Un passé déjà encombrant
Ce n’est pas la première fois que le nom de David Metaxas apparaît dans une procédure judiciaire. En 2012, il avait été mis en examen pour recel de violation du secret professionnel dans l’affaire Michel Neyret, cet ex-numéro 2 de la PJ de Lyon tombé pour corruption. À l’époque, il avait été relaxé. Mais l’épisode avait déjà laissé des traces.
Certains y voient une forme de continuité : un avocat qui navigue souvent dans les eaux troubles, qui côtoie des milieux borderline, et qui, peut-être, finit par croire que les règles ne s’appliquent pas vraiment à lui. C’est une lecture sévère, mais elle circule.
Le silence assourdissant du barreau
Pour l’instant, les réactions officielles sont rares. Le bâtonnier de Lyon n’a pas souhaité s’exprimer. L’avocat de David Metaxas, une pointure lui aussi, reste injoignable. Dans les groupes WhatsApp des avocats, c’est la sidération. Certains parlent d’un « tremblement de terre ». D’autres, déjà, s’inquiètent pour l’image de toute la profession.
Car c’est bien ça, le cœur du problème : quand un avocat est accusé de tels actes, ce n’est pas seulement sa réputation qui prend un coup. C’est celle de toute une profession qui se retrouve éclaboussée. On attend d’eux qu’ils soient irréprochables. Pas seulement compétents, mais moralement au-dessus de tout soupçon.
Un avocat qui viole, c’est comme un médecin qui tue. Ça remet en question tout le système de confiance sur lequel repose notre société.
Et maintenant ?
La garde à vue peut durer jusqu’à 96 heures dans ce type d’affaires. Après, soit une mise en examen avec ou sans contrôle judiciaire, soit une libération si les éléments sont jugés insuffisants. Vu la gravité des faits et le nombre supposé de plaignantes, l’hypothèse d’une détention provisoire n’est pas à exclure.
Mais au-delà du sort de cet homme, c’est tout un système qu’il faudra peut-être revoir. Les stages en cabinet d’avocat, leur encadrement, le signalement des comportements inappropriés, la protection des plus jeunes… Des questions que l’on reposait déjà après #MeToo dans le cinéma ou la politique. Apparemment, le milieu du droit n’y a pas échappé.
Ce qui est sûr, c’est que cette affaire ne fait que commencer. Et qu’elle risque de faire jurisprudence, non pas sur le plan juridique, mais sur le plan sociétal. Parce que quand ceux qui sont censés défendre les victimes en deviennent les bourreaux, c’est tout notre rapport à la justice qui s’effrite.
À suivre, donc. De très près.
(Article mis à jour le 18 novembre 2025 à 8h30 – l’avocat a été déféré au parquet de Chambéry en vue d’une possible mise en examen)
