Vous êtes-vous déjà retrouvé au supermarché, le cœur serré, en voyant une maman compter ses pièces pour choisir entre des pâtes et du lait infantile ? Moi oui, récemment. Et cette image me hante encore, surtout quand on sait que ce week-end, des milliers de Français vont tenter de remplir un vide immense : celui des entrepôts des banques alimentaires.
Parce que non, la précarité n’a pas disparu avec la fin officielle de l’inflation galopante. Elle a juste changé de visage. Elle porte désormais un badge d’employé, un contrat CDI et parfois même un uniforme de caissière ou d’aide-soignant.
Une collecte sous tension comme jamais
Ce vendredi 28 novembre, 8 000 points de collecte ouvrent leurs portes dans toute la France. Supermarchés, mairies, entreprises, écoles… L’opération est rodée depuis des décennies. Pourtant cette année, le mot qui revient sans cesse dans la bouche des responsables est simple : urgence.
Les stocks sont au plus bas. Vraiment. On parle de rayons désespérément vides là où d’habitude les palettes débordent encore en octobre. Et quand on demande ce qui manque le plus, la réponse fuse : « De tout, mais surtout l’huile et les produits pour bébés. »
« La demande est forte et nos rayons sont très vides »
Un président de banque alimentaire, dépité mais déterminé
Le nouveau visage de la précarité
Ce qui frappe le plus dans les témoignages recueillis cette année, c’est la transformation du public accueilli. Fini le cliché du chômeur ou de la personne sans domicile. Aujourd’hui, une personne sur cinq qui pousse la porte d’une association partenaire travaille. Oui, vous avez bien lu : elle a un emploi, souvent à temps plein, souvent en CDI.
Ce sont des aides-soignantes qui finissent leur service à 22 h et passent récupérer un panier pour nourrir leurs enfants. Ce sont des agents d’entretien qui se lèvent à 4 h du matin et qui, malgré 35 heures payées chaque mois, ne bouclent pas les fins de mois. Ce sont surtout des femmes, cheffes de familles monoparentales, qui jonglent entre les factures et les courses.
- 20 % des bénéficiaires sont des travailleurs pauvres
- Les familles monoparentales particulièrement touchées
- Augmentation constante depuis trois ans
- La crise inflationniste a durablement modifié le paysage de la précarité
Franchement, ça fait mal au ventre. On parle d’un pays où le SMIC a augmenté, où le chômage est plutôt bas… et pourtant des milliers de gens n’arrivent plus à manger correctement. C’est la réalité brute de 2025.
Que mettre concrètement dans son panier ce week-end ?
Si vous hésitez encore devant les rayons, voici la liste qui circule en interne chez les bénévoles (et qu’ils aimeraient hurler dans les haut-parleurs des magasins) :
- Huile (tournesol, olive, colza – tout fait l’affaire)
- Conserves de légumes, poisson, plats préparés
- Pâtes, riz, semoule, lentilles
- Lait infantile et petits pots pour bébés
- Produits d’hygiène (savon, shampoing, dentifrice, protections hygiéniques)
- Café, thé, chocolat en poudre (le petit plaisir qui change tout)
- Boîtes de céréales, biscuits
Un paquet de pâtes à 1 €, une bouteille d’huile à 2 €, un gel douche… Ce n’est rien pour la plupart d’entre nous. Mais multiplié par des milliers de chariots, ça devient des centaines de milliers de repas.
Comment fonctionne vraiment le système ?
Petit rappel pour ceux qui découvrent : vous achetez les produits, vous les déposez au point de collecte à la sortie des caisses. Des bénévoles en gilet orange (souvent des retraités au sourire inépuisable) les récupèrent. Ensuite :
- Tri et stockage dans les entrepôts départementaux
- Distribution aux 6 000 associations et CCAS partenaires
- Remise gratuite aux familles dans le besoin
Cette grande collecte ne représente que 10 % des approvisionnements annuels. Le reste vient des ramasses quotidiennes dans les supermarchés, des dons de l’industrie agroalimentaire et des subventions européennes. Mais ces 10 % sont cruciaux parce qu’ils permettent d’avoir exactement ce qui manque : des produits variés, adaptés, et surtout choisis avec soin par les donateurs.
Chaque année, l’ensemble de ces sources permet de distribuer l’équivalent de 223 millions de repas. Dit comme ça, ça semble énorme. Et pourtant, ça ne suffit plus.
Pourquoi c’est pire cette année ?
Plusieurs facteurs se cumulent. D’abord, l’inflation alimentaire, même si elle ralentit, a laissé des traces profondes dans les budgets. Ensuite, la hausse des loyers et de l’énergie a mangé le peu de marge que certaines familles avaient retrouvé.
Ajoutez à cela la fin progressive de certaines aides exceptionnelles mises en place pendant la crise sanitaire et vous obtenez une stabilisation à la hausse du nombre de bénéficiaires. Traduction : ça ne redescend pas.
« Les gens viennent de plus en plus souvent. Ce n’est plus une aide ponctuelle, c’est devenu structurel. »
Une responsable nationale, lucide
Et si on parlait des bénévoles ?
Ils seront plusieurs dizaines de milliers ce week-end, postés à l’entrée et à la sortie des magasins, parfois sous la pluie de novembre, avec leur gilet orange et leur sourire inaltérable. Des retraités pour beaucoup, mais aussi de plus en plus d’étudiants, de salariés en congé solidaire, de familles entières.
Je me souviens d’une dame de 78 ans l’année dernière qui m’avait dit : « Tant que je peux tenir debout, je serai là. Parce que moi, j’ai connu la guerre. Je sais ce que c’est d’avoir faim. » Cette phrase m’a poursuivi pendant des jours.
Que faire si on n’a pas le temps de passer au supermarché ?
Toutes les initiatives comptent. Si vous ne pouvez pas faire les courses ce week-end, il reste des solutions :
- Don financier direct (déductible des impôts à 75 % jusqu’à 1 000 €)
- Don en ligne sur les plateformes dédiées
- Organisation d’une collecte dans votre entreprise ou votre école dans les semaines qui viennent
- Partage massif des informations autour de vous
Parce que oui, la solidarité ne s’arrête pas dimanche soir. Les besoins, eux, durent toute l’année.
Un geste qui va plus loin qu’on ne le croit
Quand vous déposez votre sac de courses dans le carton orange, vous ne donnez pas seulement à manger. Vous redonnez de la dignité. Vous permettez à une maman de ne pas choisir entre payer l’électricité et nourrir ses enfants. Vous offrez à un ado le petit-déjeuner qui lui permettra de se concentrer en cours.
Et quelque part, vous participez aussi à maintenir un filet de sécurité sociale qui, soyons honnêtes, montre de plus en plus de trous. Dans un pays riche comme le nôtre, ça devrait nous faire réfléchir. Collectivement.
Alors ce week-end, si vous passez devant un point de collecte, arrêtez-vous. Prenez cinq minutes. Mettez une bouteille d’huile, un paquet de pâtes, un pot de confiture dans votre panier en plus. Ce n’est pas grand-chose.
Mais pour quelqu’un, quelque part, ça change tout.
Et vous, vous irez faire un tour dans votre supermarché ce week-end ? Dites-le moi en commentaire, j’ai vraiment envie de savoir combien nous serons à faire ce petit geste qui pèse lourd.
