Vous êtes déjà entré dans un grand magasin un jour de Black Friday ? Cette frénésie, ces files interminables, ces promos qui font perdre la tête… Et si, d’un coup, une odeur pestilentielle vous prenait à la gorge ? C’est exactement ce qui s’est passé ce vendredi après-midi à Paris, en plein cœur du quartier Opéra. Franchement, je n’aurais jamais imaginé que la révolte contre la surconsommation puisse sentir aussi mauvais – au sens propre.
Quand la désobéissance civile s’invite dans les rayons mode
Vers 15 heures, alors que des milliers de Parisiens se ruaient sur les – 70 %, un petit groupe bien organisé a décidé que ça suffisait. Pas de violence, pas de dégradations spectaculaires, mais deux actions simultanées qui ont suffi à marquer les esprits. D’un côté une friperie gratuite improvisée, de l’autre des fioles puantes discrètement déposées dans quatre enseignes ultra-connues de fast fashion. Le message ? Clair et net : stop à cette folie consumériste qui détruit la planète.
J’ai suivi ce genre d’actions depuis des années et, je dois le dire, celle-ci avait une certaine élégance dans sa radicalité. Pas de colle sur les mains, pas de blocage total des rues, juste de quoi déranger suffisamment pour qu’on parle enfin du vrai coût de nos garde-robes à prix cassés.
Une friperie gratuite au milieu des temples de la consommation
Imaginez la scène : entre deux bâtiments des Galeries Lafayette, un portant avec une trentaine de vêtements seconde main, impeccables, posés là avec une pancarte « Servez-vous, c’est gratuit ». Des jeans, des pulls en laine, des chemises… Rien de luxueux, mais tout était propre et en bon état. Les militants invitaient les passants à discuter, à essayer, à repartir avec ce dont ils avaient vraiment besoin.
Ce qui m’a marqué, c’est la réaction des gens. Certains rigolaient nerveusement, d’autres prenaient carrément trois pièces en disant « merci, de toute façon je n’allais rien acheter aujourd’hui ». Une dame d’un certain âge est repartie avec un manteau en laine beige, les yeux brillants : « Ma petite-fille va adorer, et en plus c’est écolo ! ».
« On voulait montrer qu’on peut s’habiller sans participer à cette machine infernale de la fast fashion. Ces vêtements viennent de nos placards ou de dons, ils ont déjà une histoire. »
Un militant présent sur place
Cette action-là, elle touche au cœur. Elle ne juge pas ceux qui consomment, elle propose une alternative concrète, immédiate, et surtout joyeuse.
Les fioles puantes : l’arme olfactive qui ne laisse personne indifférent
Pendant ce temps, à quelques mètres de là, d’autres activistes entraient calmement dans les magasins Zara, H&M, Mango et Uniqlo. Rien d’agressif. Juste un petit geste discret : poser de minuscules fioles remplies d’acide butyrique (l’odeur de vomi, pour ceux qui ont la chance de ne pas connaître). Quelques minutes plus tard, l’odeur se répandait dans les rayons.
Résultat ? Des clients qui froncent le nez, qui sortent en vitesse, qui pestent contre « les toilettes bouchées ». Personne n’a été évacué officiellement, mais beaucoup ont préféré abandonner leur panier. Mission accomplie pour les militants : transformer le plaisir d’achat en expérience désagréable.
Est-ce que ça va trop loin ? La question mérite d’être posée. Personnellement, je trouve l’idée brillante dans sa simplicité. Pas de danger physique, pas de dégâts matériels, juste une odeur qui rappelle qu’il y a quelque chose qui pue littéralement dans notre façon de consommer.
Pourquoi cibler précisément le Black Friday ?
Le Black Friday, c’est le symbole parfait de tout ce que les écologistes dénoncent depuis des années. En quelques jours, des millions de vêtements neufs sont vendus à prix cassés, souvent fabriqués dans des conditions sociales et environnementales désastreuses. Et une grande partie finira à la poubelle dans moins d’un an.
- Plus de 100 milliards de vêtements produits chaque année dans le monde
- 92 millions de tonnes de déchets textiles par an
- La mode est la 2e industrie la plus polluante après le pétrole
- Un t-shirt en coton conventionnel nécessite 2 700 litres d’eau (soit 900 jours de boisson pour une personne)
Ces chiffres, on les connaît. Mais le Black Friday, lui, les rend visibles, palpables. C’est le moment où tout le monde voit les files d’attente, les cartons débordants, les camions de livraison qui tournent à plein régime. C’est le moment parfait pour frapper un grand coup.
Fast fashion : le modèle économique qui nous tue à petit feu
Derrière les enseignes ciblées, il y a un système bien rodé. Produire toujours plus, toujours moins cher, pousser à l’achat compulsif avec des collections qui changent toutes les deux semaines. Le consommateur devient accro à cette sensation de « bonne affaire », sans jamais voir le prix réel payé ailleurs.
Je me souviens d’un reportage au Bangladesh, dans les décombres d’une usine effondrée. Plus de 1 100 morts pour fabriquer nos t-shirts à 5 euros. Quand on sait ça, difficile de regarder une promo – 50 % de la même façon.
Et puis il y a l’impact environnemental. Teinture toxique rejetée dans les rivières, microplastiques des vêtements synthétiques qui finissent dans l’océan, émissions de CO2 colossales… La mode jetable, c’est une bombe à retardement climatique.
Les réactions : entre agacement et prise de conscience
Sur place, les avis étaient tranchés. Certains clients étaient furieux : « J’ai fait la queue deux heures pour rien ! ». D’autres, une fois l’explication donnée, hochaient la tête : « En fait… ils n’ont pas complètement tort ».
Les réseaux sociaux ont rapidement relayé les images de la friperie gratuite, avec des commentaires souvent positifs. L’action « odeur » a été plus clivante, certains parlant de « terrorisme olfactif ». Mais c’est précisément l’objectif : provoquer le débat.
Et après ? Vers une consommation vraiment différente ?
Ces actions spectaculaires ne vont pas faire disparaître la fast fashion du jour au lendemain. Mais elles participent à un mouvement plus large. Partout en Europe, des initiatives similaires ont lieu. Des villes interdisent la pub pour la fast fashion, des marques se lancent dans le vrai upcycling, des consommateurs se tournent vers la seconde main.
Ce qui est intéressant, c’est que la friperie gratuite a montré qu’on peut proposer autre chose. Pas juste dire non, mais dire oui à un modèle différent. Et ça, c’est peut-être le début d’un vrai changement.
En rentrant chez moi ce soir-là, j’ai ouvert mon armoire. Combien de vêtements que je n’ai pas mis depuis un an ? Combien achetés sur un coup de tête lors d’un Black Friday précédent ? La prochaine fois, je sais que je réfléchirai autrement. Et vous ?
Ce genre d’action nous rappelle une chose essentielle : consommer moins, mais consommer mieux, ce n’est pas une punition. C’est une libération. Et parfois, il faut une bonne odeur de révolte pour s’en rendre compte.
