Imaginez un instant : en pleine nuit, dans le silence oppressant du désert, deux cercueils blancs avancent lentement vers une ligne invisible qui sépare deux mondes. Derrière eux, des humanitaires au brassard rouge. Devant, des soldats en armes. Et entre les deux, une promesse fragile de paix. C’est cette scène, à la fois poignante et lourde de sens, qui s’est déroulée ce mardi soir à Gaza. Deux nouveaux corps d’otages ont été remis. Mais derrière ce geste, que se passe-t-il vraiment ?
Un pas en avant dans un chemin semé d’embûches
Ce n’est pas la première fois. Ni la dernière, sans doute. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, les restitutions de dépouilles se succèdent, au compte-gouttes. Lundi, c’était le corps de Tal Haimi, enlevé le 7 octobre 2023 et mort en captivité. Ce mardi, deux autres. Quinze au total sur les vingt-huit que le Hamas détient encore, selon les chiffres officiels. Quinze cercueils. Quinze familles qui, enfin, pourront faire leur deuil. Ou du moins, commencer à le faire.
Mais ne nous y trompons pas. Ce n’est pas un simple transfert logistique. C’est un acte politique. Un symbole. Une preuve que l’accord tient, même s’il vacille. Et surtout, une pression continue sur le mouvement palestinien, sommé de respecter ses engagements.
Le Hamas doit honorer l’accord et prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre l’ensemble des corps des otages décédés.
– Communiqué de l’armée israélienne
Cette phrase, lâchée sur les réseaux comme un ultimatum, dit tout de la tension qui persiste. On ne parle plus de libération de vivants. On parle de corps. De restes. De dignité rendue, tardivement, à des familles brisées.
Le rôle discret mais crucial de la Croix-Rouge
Dans ce ballet macabre, un acteur reste en retrait, mais indispensable : la Croix-Rouge. Ni juge, ni partie. Juste un pont. Un intermédiaire neutre dans un conflit où la neutralité est souvent accusée de complaisance. Ce mardi soir, c’est elle qui a pris réception des deux cercueils. Elle qui les a transportés. Elle qui les a remis aux troupes israéliennes déployées à la frontière.
Ce n’est pas nouveau. Depuis le début du cessez-le-feu, l’organisation humanitaire joue ce rôle ingrat. Elle ne commente pas. Elle agit. Et pourtant, sans elle, rien ne serait possible. J’ai souvent pensé, en suivant ces événements, que les humanitaires sont les seuls à encore croire que l’humain peut primer sur la guerre. Même quand tout semble perdu.
- Reçoit les corps du Hamas
- Vérifie les identités (dans la mesure du possible)
- Assure le transport sécurisé
- Remet aux autorités israéliennes
Un protocole froid, presque administratif. Mais derrière chaque étape, il y a des vies. Des familles. Des souvenirs. Des photos jaunies qu’on sortira, un jour, pour dire : voilà qui il était.
Un accord bancal et des délais qui s’étirent
L’accord prévoyait que tous les corps seraient rendus avant le 13 octobre. On est le 21. Et treize dépouilles manquent encore à l’appel. Le Hamas, lui, parle de difficultés logistiques. De besoin de matériel supplémentaire. De temps. Des mots qui, dans ce contexte, sonnent comme des excuses. Ou comme une stratégie.
Car rendre un corps, ce n’est pas seulement un geste humanitaire. C’est aussi une carte dans une négociation plus large. Chaque dépouille rendue est une preuve de bonne volonté. Chaque retard est un levier. Et pendant ce temps, les familles attendent. Certaines depuis deux ans.
Je me souviens d’une mère, interviewée il y a quelques mois, qui disait : « Je ne veux pas de héros. Je veux mon fils. Vivant ou mort, mais chez nous. » Sa phrase m’a poursuivi. Parce qu’elle résume tout. Le deuil impossible. L’attente infinie. L’impuissance face à la géopolitique.
Quinze corps rendus : que nous disent les chiffres ?
Faisons un point, calmement. Depuis le cessez-le-feu :
| Date | Nombre de corps rendus | Identité connue |
| Lundi 20 octobre | 1 | Tal Haimi |
| Mardi 21 octobre | 2 | Non communiquée |
| Total depuis le cessez-le-feu | 15 | Partiellement |
| Restants | 13 | À identifier |
Quinze. Un chiffre sec. Mais derrière, il y a des histoires. Tal Haimi, par exemple, était un père de famille. Enlevé lors de l’attaque du 7 octobre. Mort en captivité – on ignore encore dans quelles conditions. Les deux corps rendus mardi ? Leurs noms n’ont pas été dévoilés. Sans doute pour protéger les familles. Ou parce que l’identification est en cours.
Et ces treize qui restent ? Certains sont peut-être encore vivants. D’autres, non. Le Hamas parle de corps conservés dans des conditions difficiles. Ce qui veut tout dire, et rien.
La situation humanitaire : un désastre qui ne s’arrête pas
On parle beaucoup des otages. À juste titre. Mais derrière, il y a Gaza. Une bande de terre où deux millions de personnes survivent dans des conditions indignes. Le cessez-le-feu a permis quelques camions d’aide. Mais pas assez. Loin s’en faut.
Emmanuel Macron l’a encore répété récemment : la situation est très fragile. L’aide doit arriver en urgence. Et pourtant, les blocages persistent. Les checkpoints. Les vérifications. Les suspicions mutuelles. Pendant ce temps, des enfants meurent de malnutrition. Des hôpitaux manquent de tout. Des familles dorment sous des tentes.
La situation humanitaire à Gaza est catastrophique. Il faut un cessez-le-feu durable et un accès total à l’aide.
– Responsable humanitaire international
Et si la restitution des corps est un pas, elle ne résout rien. Elle soulage quelques familles. Mais elle n’efface pas les destructions. Ni les traumatismes. Ni les haines accumulées.
Et maintenant ? Vers une sortie de crise ou un nouveau cycle ?
La grande question, celle que tout le monde se pose sans oser la formuler : et après ? Les treize corps restants seront-ils rendus ? Le cessez-le-feu tiendra-t-il ? Ou va-t-on replonger dans la violence ?
Certains y croient. Les diplomates. Les médiateurs. Ceux qui, dans l’ombre, tissent des accords fragiles. D’autres, non. Ils voient dans chaque retard une provocation. Dans chaque corps rendu, une mise en scène.
Personnellement, je penche pour une troisième voie : celle du ni guerre ni paix. Un statu quo tendu, où chaque geste est calculé. Où la dignité des morts sert de monnaie d’échange. Où l’on avance d’un pas, pour reculer de deux.
- Le Hamas rend les corps au compte-gouttes pour maintenir la pression
- Israël accepte, mais menace de reprendre les hostilités
- La communauté internationale observe, impuissante
- Les familles, elles, attendent toujours
Un cercle vicieux. Mais pas forcément sans issue. Car chaque corps rendu est aussi un rappel : derrière les ideologies, il y a des êtres humains. Et peut-être, un jour, ce rappel finira par peser plus lourd que les armes.
Ce que ces restitutions nous apprennent sur le conflit
Au-delà des chiffres, il y a une leçon. Dure, mais claire. Ce conflit ne271 ne se règle pas seulement par les armes. Ni par les discours. Il se règle, aussi, par des gestes. Par la reconnaissance de l’autre dans sa souffrance. Même tardive.
Rendre un corps, ce n’est pas gagner la guerre. Mais c’est reconnaître que l’adversaire a une mère. Un père. Une histoire. Et ça, dans un conflit où l’on déshumanise l’autre à longueur de journée, c’est déjà énorme.
Je ne dis pas que c’est suffisant. Loin de là. Mais c’est un début. Un fil. Fragile. À saisir.
Alors oui, deux cercueils de plus ont franchi la ligne ce mardi soir. Deux familles vont pouvoir enterrer les leurs. Treize attendent encore. Et Gaza, elle, continue de saigner en silence. Mais dans ce chaos, il y a peut-être, tout petit, un début d’humanité retrouvée. À condition de ne pas le laisser s’éteindre.
Parce qu’au fond, c’est ça, le vrai défi. Pas seulement rendre les corps. Mais rendre possible une vie après la mort. Pour tous.
