Imaginez-vous dans un métro bondé, un soir d’été à Paris. L’air est lourd, les gens pressés. Soudain, une détonation déchire le silence. Ce 25 juillet 1995, la station Saint-Michel devient le théâtre d’une tragédie qui marque la capitale à jamais. Huit vies s’éteignent, des dizaines de blessés affluent vers les hôpitaux. À l’origine de ce chaos : Boualem Bensaïd, membre du Groupe islamique armé (GIA). Presque trente ans plus tard, cet homme, aujourd’hui âgé de 57 ans, s’apprête à quitter sa cellule. Sa libération, prévue pour le 1er août 2025, soulève des questions brûlantes. Qui est cet homme ? Comment en est-on arrivé là ? Et surtout, que signifie cette sortie pour la société française ?
Un nom gravé dans l’histoire sombre de Paris
Quand on évoque Boualem Bensaïd, on replonge dans une période trouble de l’histoire française. Les années 1990, marquées par la guerre civile en Algérie, ont vu déferler une vague de violence sur le sol français. Le GIA, un groupe armé islamiste, cherchait à punir la France pour son soutien au régime militaire algérien. Bensaïd, alors jeune homme d’une vingtaine d’années, devient l’un des visages de cette terreur. Mais qui est-il vraiment ? D’où vient-il ? Et comment un homme issu d’une famille modeste d’Alger a-t-il basculé dans l’extrémisme ?
Les origines d’un parcours chaotique
Né dans les hauteurs d’Alger, Boualem Bensaïd grandit dans une fratrie de dix enfants. Son père, marchand ambulant, lutte pour joindre les deux bouts. Dès son adolescence, Bensaïd se distingue par son énergie : il pratique le karaté, décroche un diplôme d’éducateur sportif et se lance dans le commerce entre l’Algérie et la France. Mais quelque part dans ce parcours, il bascule. Les détails de cette radicalisation restent flous, mais une chose est sûre : au début des années 1990, il rejoint les rangs du GIA, un groupe connu pour sa brutalité.
La guerre civile algérienne des années 1990 a poussé de nombreux jeunes dans les bras de l’extrémisme, un cocktail de désespoir et d’idéologie.
– Expert en géopolitique
Ce choix le mène à Paris, où il opère dans la clandestinité sous le pseudonyme de « Mehdi ». Ses empreintes digitales le trahissent finalement en novembre 1995, lorsqu’il est arrêté aux côtés d’un complice, Smaïn Aït Ali Belkacem, l’artificier présumé des attentats. À l’époque, Bensaïd est déjà recherché en Algérie pour meurtre et atteinte à la sûreté de l’État. Pourtant, face aux enquêteurs, il se présente comme un simple étudiant. Un mensonge qui ne tiendra pas longtemps.
L’été 1995 : une vague de terreur à Paris
L’été 1995 reste gravé dans la mémoire collective française. Le 25 juillet, une bombe artisanale explose dans une rame du RER B à la station Saint-Michel. Le bilan est effroyable : huit morts, 150 blessés. Les images de l’époque montrent des quais envahis par la fumée, des pompiers débordés, des victimes évacuées en urgence. J’ai encore en tête ces témoignages de passants décrivant une « boule de feu » surgissant du métro. La panique s’installe dans la capitale.
Mais Saint-Michel n’est que le début. Quelques semaines plus tard, une autre explosion secoue la place de l’Étoile, blessant 17 personnes. Puis, début octobre, une bombe devant la station Maison-Blanche fait 16 blessés. Une tentative d’attentat à la cocotte-minute, chargée de clous et d’écrous, échoue de justesse en septembre. Enfin, le 17 octobre, une nouvelle déflagration à la station Musée-d’Orsay blesse 30 personnes. À chaque fois, le GIA revendique ces actes, visant à déstabiliser la France.
- 25 juillet 1995 : Attentat de Saint-Michel, 8 morts, 150 blessés.
- 17 août 1995 : Explosion près de la place de l’Étoile, 17 blessés.
- 3 septembre 1995 : Tentative d’attentat à la cocotte-minute, 4 blessés légers.
- 3 octobre 1995 : Bombe à Maison-Blanche, 16 blessés.
- 17 octobre 1995 : Attentat au Musée-d’Orsay, 30 blessés.
Face à cette vague de violence, la France renforce ses mesures de sécurité. Les gares, aéroports et frontières sont placés sous haute surveillance. Les autorités diffusent des portraits-robots, et l’enquête s’accélère. Mais pour beaucoup, ces attentats rappellent une vérité glaçante : la guerre civile algérienne a des répercussions bien au-delà des frontières.
Un procès sous haute tension
En 2001, Boualem Bensaïd et son complice Smaïn Aït Ali Belkacem comparaissent devant une cour d’assises spéciale. Les accusations sont lourdes : participation aux attentats de Saint-Michel, Maison-Blanche et Musée-d’Orsay. Lors du procès, leur attitude choque. Ils nient tout en bloc, affichant un détachement glaçant, même lorsque les noms des 212 victimes sont énoncés. Pour les parties civiles, c’est un coup dur. Comment peut-on rester aussi impassible face à tant de souffrance ?
En 2002, le verdict tombe : les deux hommes sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Bensaïd est reconnu coupable d’avoir posé la bombe à Maison-Blanche et complice pour Saint-Michel et Musée-d’Orsay. Un an plus tard, lors de son procès en appel, il persiste dans son attitude provocatrice, critiquant le juge, ses avocats et l’administration pénitentiaire. Cette fois, il est jugé directement responsable de l’attentat de Saint-Michel. « Dieu est grand ! » lance-t-il en quittant la salle, selon des témoignages d’époque. Une phrase qui résonne encore dans l’esprit des victimes.
Le procès a été un moment de vérité, mais aussi de frustration pour les victimes, face à l’absence de remords.
– Observateur judiciaire
Une libération controversée
Après presque trois décennies derrière les barreaux, Boualem Bensaïd sera libéré le 1er août 2025. Cette décision, validée par la Cour d’appel, suscite des réactions mitigées. D’un côté, les défenseurs des droits des prisonniers y voient une victoire. L’un des avocats de Bensaïd déclare que cette libération est « un espoir pour tous ceux qui luttent contre la prison à vie ». De l’autre, les associations de victimes, encore marquées par les événements de 1995, restent silencieuses ou expriment leur incompréhension.
Depuis 2017, Bensaïd a essuyé quatre refus de libération conditionnelle. Chaque fois, il a contesté ces décisions, mais la justice a tenu bon. Ce n’est qu’en 2025 que la Cour d’appel a donné son feu vert, marquant la fin de sa période de sûreté de 22 ans. Mais que va-t-il se passer après sa sortie ? Expulsé vers l’Algérie, Bensaïd retrouvera-t-il une vie normale ? Ou risque-t-il de devenir un symbole pour d’autres ?
| Événement | Date | Conséquences |
| Attentat de Saint-Michel | 25 juillet 1995 | 8 morts, 150 blessés |
| Arrestation de Bensaïd | Novembre 1995 | Fin de la vague d’attentats |
| Condamnation | 2002-2003 | Réclusion à perpétuité |
| Libération | 1er août 2025 | Expulsion vers l’Algérie |
Que retenir de cette histoire ?
La libération de Boualem Bensaïd rouvre une plaie encore vive pour beaucoup. Elle nous pousse à nous interroger : comment une société peut-elle pardonner sans oublier ? La justice a-t-elle trouvé le bon équilibre entre punition et réhabilitation ? En tant que rédacteur, je ne peux m’empêcher de penser que cette affaire dépasse le simple cadre judiciaire. Elle touche à des questions de mémoire, de sécurité et de résilience.
Les attentats de 1995 ont changé la manière dont la France perçoit le terrorisme. Ils ont aussi renforcé la lutte antiterroriste, avec des lois plus strictes et une surveillance accrue. Mais ils nous rappellent aussi que la violence, qu’elle soit motivée par l’idéologie ou la vengeance, laisse des cicatrices indélébiles. Alors que Bensaïd s’apprête à quitter sa cellule, une question demeure : saura-t-on tirer les leçons du passé pour construire un avenir plus sûr ?
La justice doit punir, mais aussi permettre à une société de tourner la page, sans jamais oublier ses blessures.
– Spécialiste en criminologie
En attendant, Paris continue de vivre, de vibrer, de se souvenir. Les quais de Saint-Michel, aujourd’hui si animés, portent encore l’écho de ce jour d’été 1995. Et si l’histoire de Boualem Bensaïd nous enseigne une chose, c’est que la mémoire collective, elle, ne s’efface jamais.
