Vous est-il déjà arrivé de sortir d’un restaurant en vous disant que vous venez de vivre quelque chose d’un peu magique, sans pouvoir exactement mettre le doigt dessus ? C’est exactement ce qui m’a traversé l’esprit l’autre midi, en poussant la porte d’un bouillon tout neuf à Saint-Ouen. De l’extérieur, rien de clinquant. À l’intérieur, pourtant, une salle qui bouillonne déjà à 13 heures pile et une addition qui fait sourire.
Je ne vais pas tourner autour du pot : le Bouillon du Coq est devenu, en à peine plus d’un an, l’endroit où tout le monde veut aller déjeuner quand on travaille ou qu’on habite du côté de la porte de Clignancourt. Et quand je dis tout le monde, je pèse mes mots.
Quand un chef doublement étoilé remet les bouillons au goût du jour
L’histoire commence à l’été 2024. Un chef qu’on ne présente plus, habitué des plateaux télé et des tables gastronomiques, décide de revenir à l’essentiel. Pas de nappe blanche, pas de menu dégustation à 300 euros. Non. Des grandes tables à partager, des plats qu’on a tous aimés enfant et des prix qui rappellent ceux qu’on voyait sur les ardoises quand on était gosses.
Le concept ? Reprendre l’esprit des bouillons parisiens du XIXe siècle – ces cantines populaires où l’on mangeait correctement pour trois francs six sous – et le dépoussiérer juste ce qu’il faut. Résultat : une brasserie immense, lumineuse, avec son comptoir en zinc, ses banquettes rouges et ses serveurs qui slaloment entre les tables à une vitesse impressionnante.
Une carte qui donne envie de tout commander
Entrons dans le vif du sujet : ce qu’il y a dans l’assiette.
Les classiques sont là, exécutés avec une précision qui fait plaisir à voir. Les œufs mayonnaise, par exemple, sont tout simplement parfaits. Une mayo maison légère, des jaunes encore coulants, un petit croûton frit pour le croustillant. On pourrait s’arrêter là et déjà être heureux.
Mais non. Viennent ensuite des plats qu’on n’osait plus commander ailleurs tellement ils avaient disparu des cartes : blanquette de veau fondante, poireau vinaigrette qui claque, hachis Parmentier revisité avec juste ce qu’il faut de modernité. Et en dessert ? La mousse au chocolat reste une valeur sûre, aérienne, intensément cacao, servie dans un bol généreux qui rappelle les cantines d’autrefois – en mieux.
- Œufs mayonnaise : 3,50 €
- Poireau vinaigrette : 4,20 €
- Plat du jour (ex : sauté de veau marengo) : 11,90 €
- Mousse au chocolat : 4,50 €
- Café gourmand : 5,80 €
Avec un verre de vin au pichet et un café, on s’en sort largement sous la barre des 20-22 euros. Franchement, à Paris et en proche banlieue en 2025, c’est presque suspect de générosité.
500 couverts par jour : le chiffre qui donne le vertige
Le succès est tel que l’équipe tourne aujourd’hui à plein régime. Environ cinq cents personnes passent les portes chaque midi, un peu moins le soir. Les habitués ont déjà leurs habitudes : la table près de la fenêtre pour les retraités du quartier, le grand comptoir pour les solos, les grandes tablées du fond pour les équipes qui sortent du bureau.
Ce qui frappe, c’est le mélange. Vraiment. On croise pêle-mêle des ouvriers en bleu de travail, des cadres en sneakers hors de prix, des familles avec poussette, des étudiants qui partagent une carafe d’eau pour faire durer le plaisir. C’est rare de voir une salle aussi vivante et aussi peu sectaire.
« On vient ici parce qu’on mange bien, vite, et qu’on ne se ruine pas. Et puis il y a cette chaleur humaine qu’on ne trouve plus beaucoup dans les restos parisiens. »
– Martine, fidèle depuis l’ouverture
Saint-Ouen, nouveau spot gourmand de la banlieue nord ?
Il faut dire que le quartier change à toute allure. Entre les puces qui attirent les touristes du monde entier, les nouvelles résidences qui poussent comme des champignons et la ligne 14 qui a tout rapproché, Saint-Ouen n’est plus vraiment la ville dortoir qu’on imaginait il y a dix ans.
Le Bouillon du Coq n’est d’ailleurs pas arrivé par hasard près de l’hôtel de ville. C’est un peu le porte-drapeau de cette mutation douce : une adresse populaire mais pas populiste, accessible mais pas cheap, ancrée dans le quartier tout en regardant vers Paris.
Et ça fonctionne. Tellement bien que certains soirs, il faut maintenant réserver si on veut être sûr d’avoir une table après 20 heures. Chose impensable il y a encore quelques mois.
Ce qui fait la différence (et qu’on ne voit pas forcément)
Derrière l’apparente simplicité, il y a un travail de dingue. Les produits sont choisis avec soin – beaucoup viennent de producteurs franciliens –, les cuissons sont millimétrées, les sauces travaillées pendant des heures. On sent la patte d’un grand chef qui a décidé de mettre son savoir-faire au service du plus grand nombre plutôt que de l’élite.
Et puis il y a cette petite touche d’élégance discrète : les assiettes sont joliment dressées sans être prétentieuses, le service est rapide mais jamais expéditif, on vous resserre du pain sans que vous ayez à le demander. Ce sont ces détails qui transforment un simple déjeuner en moment agréable.
Et demain ?
Le succès appelle le succès. On murmure déjà que d’autres projets du même genre pourraient voir le jour dans d’autres villes de banlieue. Parce qu’au fond, c’est peut-être ça la vraie révolution : prouver qu’on peut manger une cuisine française généreuse, faite avec de bons produits, sans exploser son budget et sans avoir à traverser Paris.
En attendant, si vous passez par Saint-Ouen, faites un détour. Prenez le temps de vous poser, de regarder la salle vivre, de commander des œufs mayo et de vous dire que oui, parfois, les meilleures choses sont les plus simples.
Et si un jour on vous dit que le meilleur restaurant du 93 se trouve à deux pas de l’hôtel de ville, dans une grande brasserie aux banquettes rouges, vous saurez de quoi on parle.
Parce qu’en 2025, le luxe, c’est peut-être ça : manger correctement, être bien accueilli, et ressortir avec le sourire et la poche pas vide.
Infos pratiques : ouvert 7/7 midi et soir – réservation conseillée le week-end – métro Garibaldi ou Mairie de Saint-Ouen.
