Imaginez ouvrir votre porte un soir d’hiver et vous retrouver nez à nez avec un canon de pistolet pointé sur votre front. C’est exactement ce qui est arrivé à un pharmacien de Pomponne, en Seine-et-Marne, le 5 février dernier. Un moment qui aurait pu virer au drame. Et pourtant, l’histoire qui en découle est presque plus déconcertante que l’acte lui-même.
Parce que derrière les cagoules, il n’y avait pas des voyous chevronnés, mais trois gamins de 20 ans à peine. Des étudiants. Un intérimaire. Des profils qu’on imagine plutôt en amphi ou en soirée que devant un tribunal pour tentative de vol aggravé.
Quand le braquage vire au fiasco en quelques secondes
Ce soir-là, tout était pourtant minutieusement préparé. Ou presque. Les quatre complices – trois exécutants et un chauffeur – arrivent dans une rue privée, bordée de maisons cossues. L’un d’eux sonne. Le pharmacien ouvre. L’arme apparaît. Réflexe salvateur : la porte se referme brutalement. Fin de l’histoire ? Pas vraiment. Les malfaiteurs repartent comme ils sont venus, les mains vides, dans un Renault Scénic qui disparaît dans la nuit.
Ce qui aurait pu rester une tentative anonyme va pourtant connaître un épilogue judiciaire rapide. Trois jours plus tard, les enquêteurs de la section criminalité organisée mettent la main sur trois des protagonistes. L’enquête a été rondement menée : bornages téléphoniques, témoignages, reconnaissance sur photo… Tout concorde.
Des profils qui détonnent dans le box des accusés
Quand on pense « braqueur armé », on voit rarement des étudiants en école de commerce ou en BTS banque. Et pourtant.
Slimane prépare un BTS bancaire. Ilyès est en école de commerce. Kevin, lui, enchaîne les missions d’intérim. Des jeunes qui, sur le papier, ont tout pour réussir. Des parents impliqués, des études, un avenir tracé. Et puis il y a ce détail qui glace le sang : le fils du pharmacien est dans la même école qu’Ilyès. Ils sont amis. Voire très proches.
« Jamais je n’aurais fait ça à la famille de mon pote »
Ilyès, lors de son audition
Problème : ses deux complices le mettent directement en cause. C’est lui qui aurait eu l’idée. Lui qui connaissait la maison. Lui qui aurait parlé d’un coffre-fort rempli et distribué les rôles. Lui encore qui aurait demandé d’acheter les serflex et la bombe lacrymogène. Face aux preuves, il nie tout en bloc. Mémoire sélective, dit-il. Complot, avancent même ses avocats.
Un arsenal qui fait froid dans le dos
- Un pistolet automatique (vrai, chargé)
- Une bombe lacrymogène
- Des colliers de serrage type serflex
- Cagoules et gants
- Quatre complices dont trois mineurs recrutés pour l’exécution
Autant dire que le projet n’avait rien d’une blague potache. Le procureur, lors du procès, ne s’y trompe pas :
« On attache les enfants ? On attache la femme ? On frappe avec la crosse ? C’était quoi le plan exactement ? »
Des questions qui restent en suspens. Car le braquage a échoué avant même d’avoir commencé. Mais l’intention, elle, était bien là.
La victime qui refuse de jouer les victimes
Et puis il y a lui. Le pharmacien. Cet homme qui, à la barre, surprend tout le monde. On s’attendait à de la colère. À de la peur rétrospective. À une demande de sanctions exemplaires.
À la place ? De la compréhension. Presque de la compassion.
« Moi j’ai galéré toute ma vie pour réussir. Eux, ils ont tout : des parents qui les aiment, un pays qui leur donne tout. Et ils font ça… »
Il a discuté avec les pères des accusés avant l’audience. Des hommes effondrés, en larmes. Il a vu leur désespoir. Et il a choisi de ne pas se porter partie civile. « Je suis presque soulagé que ce soit des jeunes comme eux », lâche-t-il. Parce qu’eux, au moins, ont encore une chance de s’en sortir.
Un discours rare. Touchant. Qui désarçonne même le tribunal.
Un jugement entre fermeté et seconde chance
Le parquet, lui, ne transige pas. Il requiert de la prison ferme. Notamment pour celui présenté comme le cerveau. Le tribunal suit partiellement : trois ans de prison dont un ferme… sous bracelet électronique.
Une peine aménagée, donc. Qui évite la case prison. Certains y verront de la clémence. D’autres, une reconnaissance que ces jeunes ne sont pas des criminels endurcis. Pas encore.
Pourquoi des jeunes « bien » basculent-ils ?
Cette affaire pose une question lancinante : comment en arrive-t-on là quand on a tout pour réussir ? L’appât du gain facile ? La recherche de sensations fortes ? L’influence d’un mauvais cercle ? Un peu de tout ça, sans doute.
J’ai couvert pas mal de faits divers. Des braquages, des home-jackings, des règlements de comptes. Mais rarement avec des profils pareils. D’habitude, les accusés ont déjà un casier long comme le bras à 20 ans. Là, c’est la première grosse bêtise. Et quelle bêtise.
On parle souvent de « délinquance des beaux quartiers ». L’expression est un peu facile. Mais il y a du vrai. Quand l’ennui, l’argent de poche trop généreux et les réseaux sociaux se mélangent, ça peut donner des idées stupides. Très stupides.
Les leçons d’une tentative ratée
- Une porte fermée à temps peut sauver une famille entière
- Les apparences sont parfois trompeuses : l’ami de votre enfant peut être capable du pire
- La justice peut choisir la seconde chance, même pour des faits graves
- Les parents, même aimants et présents, ne voient pas toujours venir le dérapage
Cette histoire, finalement, n’est pas seulement celle d’un braquage raté. C’est celle d’une génération qui parfois se perd en chemin. Entre rêves de richesse rapide et réalité brutale d’un tribunal.
Le pharmacien, lui, a repris sa vie. Sa fille de 5 ans n’a probablement rien compris à ce qui s’est passé ce soir-là. Les trois jeunes, eux, portent désormais un bracelet électronique. Et une sacrée leçon.
Espérons qu’elle soit suffisante.
Cette affaire résonne particulièrement en cette fin d’année 2025. À l’heure où les home-jackings se multiplient dans certaines zones pavillonnaires d’Île-de-France, elle rappelle que le danger peut venir de là où on l’attend le moins. Pas forcément des cités. Parfois, juste de l’autre côté de la rue. Ou du banc d’à côté en amphi.
Prenez soin de vous. Et gardez un œil sur ceux que vous aimez. Parfois, les signaux sont là. Il suffit de savoir les voir.
