Vous avez déjà eu cette impression bizarre quand vous regardez votre fiche de paie ? Cette sensation que, quoi qu’on fasse, la Sécurité sociale ressemble à un tonneau des Danaïdes version XXIe siècle ? Moi, oui. Et puis hier soir, en pleine nuit, le Sénat a décidé de nous redonner un peu d’espoir… ou du moins de nous montrer qu’on peut encore limiter la casse.
Après une semaine de débats parfois musclés, la chambre haute a bouclé l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Résultat ? Le déficit, qui flirtait avec les 24 milliards d’euros après le passage à l’Assemblée nationale, a été ramené à 17,6 milliards. Presque le chiffre initial du gouvernement. Presque.
Un retour à la case départ… ou presque
Franchement, quand on suit la politique budgétaire depuis quelques années, on finit par avoir le tournis. Le texte arrive au Parlement avec un objectif raisonnable, les députés le chargent comme un sapin de Noël avec des mesures sociales financées sur une jambe, et hop, le Sénat remet les pendules à l’heure. C’est devenu un classique.
Cette fois-ci, la majorité sénatoriale de droite n’y est pas allée avec le dos de la cuillère. Objectif affiché dès le départ : revenir à l’équilibre initial prévu par l’exécutif. Mission accomplie, ou presque. La ministre de la Santé elle-même a reconnu en séance que le solde final, après tous les amendements, se situerait à 17,6 milliards de déficit, soit à peine 100 millions de plus que la cible du gouvernement.
« On est très proche des 17,5 milliards du texte initial », a-t-elle résumé avec un sourire un peu crispé à 3 heures du matin.
Les grandes manœuvres du Sénat, mesure par mesure
Alors concrètement, qu’est-ce qui a changé ? Beaucoup de choses, et pas des moindres.
- Suppression pure et simple de la hausse de la CSG sur les revenus du capital, cette mesure phare obtenue par la gauche à l’Assemblée.
- Rétablissement du gel des prestations sociales et des pensions de retraite… mais avec une exception notable : les pensions inférieures à 1 400 euros net restent protégées. Un petit geste social qui coûte cher en communication mais moins en milliards.
- Rétablissement de la surtaxe sur les contrats responsables des mutuelles. Oui, celle qui fait grimper vos cotisations santé.
- Refus catégorique de la suspension de la réforme des retraites – cette fameuse concession arrachée au gouvernement pour éviter une motion de censure.
Et puis il y a cette mesure qui a fait couler beaucoup d’encre : l’augmentation de douze heures la durée annuelle du travail. Douze heures, ça paraît rien dit comme ça. Sauf que multiplié par des millions de salariés, ça commence à faire des économies sérieuses… ou pas.
Le gouvernement, après avoir brandi la menace de 2 milliards d’économies, a fini par rétropédaler en séance. Traduction : l’effet sera probablement marginal en 2026. Dommage pour les comptes, mais peut-être une bonne nouvelle pour ceux qui rêvaient déjà de finir à 18 h 12 au lieu de 18 h.
La CMP de ce soir ? Un échec presque annoncé
Ce soir à 19 h 30, députés et sénateurs se retrouvent en commission mixte paritaire. Autant vous dire que l’ambiance risque d’être polaire. Quand on voit l’ampleur des divergences – on parle de plusieurs milliards et de mesures symboliques fortes – il est difficile d’imaginer un accord.
En clair ? Le texte repartira la semaine prochaine à l’Assemblée nationale, où la majorité relative va devoir sortir l’artillerie lourde (49.3 ou pas 49.3, telle est la question). Et là, tout peut arriver.
« En quelques jours, on a perdu gros », a lâché la rapporteure générale centriste avec une pointe d’amertume.
Élisabeth Doineau, en séance
Et si on allait encore plus loin ?
Ce qui est intéressant, c’est que certains sénateurs estiment qu’on pourrait faire encore mieux. Selon eux, en intégrant les effets d’une réforme des allègements généraux votée l’an dernier, le déficit pourrait descendre sous la barre des 15 milliards. Mais ça, ça dépendra du projet de budget de l’État, examiné à partir de demain au Sénat.
Autrement dit, le feuilleton n’est pas terminé. Loin de là.
Ce que ça change vraiment pour vous
Parce qu’au-delà des chiffres, il y a votre quotidien.
Si le texte reste en l’état (ce qui est peu probable), voilà ce qui vous attend :
- Vos cotisations mutuelle risquent d’augmenter avec la surtaxe rétablie.
- Si votre retraite dépasse 1 400 euros, elle sera gelée en 2026.
- La réforme des retraites continue son chemin, sans pause.
- Pas de hausse de CSG sur vos dividendes ou plus-values (bonne nouvelle pour certains, moins pour les comptes publics).
Mais soyons honnêtes : entre le retour à l’Assemblée, les éventuels recours au 49.3 et les négociations de dernière minute, la version finale risque de ressembler à un compromis bancal. Comme souvent.
Un déficit de 17,6 milliards, c’est grave docteur ?
On nous bassine avec la dette depuis des années. 17,6 milliards de déficit pour la Sécu seule, c’est énorme. Mais dans le contexte actuel – inflation, vieillissement de la population, dépenses de santé post-Covid – c’est presque un exploit de ne pas être à 30 milliards.
Le vrai problème, c’est qu’on soigne les symptômes sans jamais s’attaquer à la maladie. Vieillissement démographique, déserts médicaux, explosion des arrêts de travail, gestion parfois douteuse de certaines branches… Tant qu’on ne mettra pas ces sujets sur la table sans tabou, on continuera à jouer au chat et à la souris avec les comptes.
Le Sénat, en revenant à une version plus rigoureuse, envoie un signal. Mais est-ce que quelqu’un l’écoute vraiment ?
Et maintenant ?
Prochain épisode : la CMP de ce soir (qui va probablement échouer), puis le retour à l’Assemblée la semaine prochaine. Et là, tout est possible. Nouveau 49.3 ? Nouvelles concessions à la dernière minute ? Motion de censure surprise ? On a déjà vu pire.
Une chose est sûre : ce budget 2026 ne ressemblera probablement ni à la version initiale du gouvernement, ni à celle des députés, ni à celle des sénateurs. Il sera, comme toujours, le fruit d’un compromis politique. Avec ses gagnants et ses perdants.
Et nous, au milieu, on continuera à payer la note. Mais au moins, cette fois, elle sera un peu moins salée que prévu.
(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
