Vous avez déjà eu cette sensation, en ouvrant votre relevé de pension, que quelque chose cloche sans pouvoir mettre le doigt dessus ? C’est exactement ce qui risque d’arriver à des centaines de milliers de retraités en 2026 si le Sénat obtient gain de cause.
Jeudi 20 novembre, la chambre haute a décidé de remettre sur la table deux mesures que l’Assemblée nationale avait pourtant balayées d’un revers de main. Et pas n’importe lesquelles : le gel du barème de la CSG sur les revenus de remplacement et une taxe d’un milliard d’euros sur les complémentaires santé. Autrement dit, on touche directement au portefeuille des retraités, des chômeurs et, indirectement, de tous ceux qui ont une mutuelle.
Le retour en force du gel de la CSG : ce que ça change vraiment
Commençons par le plus sensible. Le barème de la Contribution Sociale Généralisée, cette taxe qui touche les pensions de retraite et les allocations chômage, n’avait pas été revalorisé l’an dernier pour suivre l’inflation. Le gouvernement voulait prolonger ce gel une année de plus. Les députés avaient dit non. Le Sénat, lui, a dit oui. À main levée, et sans trop se poser de questions.
Concrètement ? Un retraité seul qui touche 2 700 € brut par mois – ce qui n’a rien d’extravagant – pourrait basculer dans la tranche supérieure et perdre 46 euros nets chaque mois. Multiplié par douze, ça fait 552 € par an. De quoi payer une bonne partie des hausses d’électricité ou des courses qui flambent.
« Ce n’est pas un choix qui nous fait plaisir, mais nous l’assumons avec courage »
– La rapporteure générale du texte au Sénat
Le courage, c’est bien. Mais on a quand même le droit de se demander pourquoi c’est toujours aux mêmes qu’on demande de faire preuve de courage financier.
Pourquoi 300 millions d’euros, et pourquoi maintenant ?
Le gouvernement explique qu’il faut absolument revenir à un déficit de la Sécu « supportable ». L’Assemblée avait fait grimper la note à 24 milliards d’euros en 2026. Le texte initial visait 17,5 milliards. Ces 300 millions récupérés sur le gel de la CSG permettent de combler une partie du trou.
Est-ce énorme ? Non. Est-ce symbolique ? Complètement. Parce que ça touche une catégorie de la population qui a déjà encaissé la réforme des retraites, la désindexation partielle des pensions, et qui voit ses dépenses de santé exploser avec l’âge.
- Le seuil de la tranche médiane de CSG passe de 24 812 € à 25 816 € de revenu fiscal de référence pour une personne seule
- Celui de la tranche haute grimpe de 38 488 € à 40 000 €
- En 2026, sans gel, ces seuils auraient suivi l’inflation (+2,5 % environ)
- Résultat : des milliers de retraités modestes basculent dans la tranche supérieure
C’est le genre de mesure technique qui passe inaperçue dans les grands débats… jusqu’au jour où on la ressent sur son compte en banque.
La taxe sur les mutuelles : un milliard qui va faire mal
L’autre coup dur, c’est le rétablissement de la taxe sur les contrats responsables des complémentaires santé. Un milliard d’euros en 2026. Là encore, les députés avaient supprimé la mesure. Le Sénat l’a remise, sans aller jusqu’à l’alourdir comme le souhaitait initialement le gouvernement.
Qui va payer ? Vous et moi. Parce que les mutuelles, quand elles se prennent une taxe, ont une fâcheuse tendance à la répercuter sur les cotisations. Et on sait tous que les hausses de mutuelle, ça ne fait jamais plaisir, surtout quand on est déjà à la retraite avec un budget serré.
Le plus cocasse ? Le gouvernement voulait même ajouter 100 millions supplémentaires pour financer la suspension partielle de la réforme des retraites. Le Sénat a dit non… parce qu’il compte bien rétablir cette réforme plus tard dans le texte. Stratégie politique ou simple jeu de chaise musicale budgétaire ? Un peu des deux, sans doute.
Ce que le Sénat a refusé (et c’est plutôt une bonne nouvelle)
Tout n’est pas noir. Les sénateurs, comme les députés avant eux, ont refusé de toucher aux tickets-restaurants et aux chèques-vacances. La cotisation patronale sur ces avantages, qui aurait rapporté près d’un milliard, passe à la trappe. Ouf.
Ils ont aussi étendu la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 250 salariés. Une mesure qui va dans le sens du pouvoir d’achat des salariés… même si elle creuse un peu plus le déficit. Cohérence, quand tu nous tiens.
La petite victoire de la gauche (parce qu’il en faut bien une)
Très minoritaire au Sénat, la gauche a quand même réussi à faire passer un amendement : les primes d’intéressement et de participation deviendront cotisables dès qu’elles dépassent 6 000 € par an pour les salariés gagnant plus de trois Smic. Une mesure de justice sociale, selon eux. Une goutte d’eau dans l’océan du déficit, selon les autres.
Et maintenant ? Le ping-pong parlementaire continue
Rien n’est définitif. Le texte va repartir à l’Assemblée nationale début décembre. Nouvelle lecture, nouvelle bataille. On peut s’attendre à ce que les députés tentent à nouveau de supprimer ces mesures impopulaires. Et si jamais ça bloque, le gouvernement sortira probablement le 49.3. Comme d’habitude.
Ce qui est sûr, c’est que le déficit de la Sécurité sociale reste un problème colossal. 17,5 milliards, 24 milliards… on joue sur des chiffres qui donnent le vertige. Et à chaque fois, la question revient : qui va payer ?
J’ai tendance à penser que, dans ce genre de débat, on finit toujours par taper sur les mêmes : ceux qui n’ont plus la force de manifester, ceux qui votent peu, ceux qui croient encore que l’État va protéger leur retraite. Les seniors, en somme.
Est-ce juste ? Non. Est-ce efficace ? Peut-être. Est-ce inévitable ? C’est là toute la question.
En attendant, si vous êtes retraité ou proche de la retraite, gardez un œil sur votre revenu fiscal de référence. Et peut-être commencez à prévoir une petite ligne « CSG surprise » sur votre budget 2026. Parce que, malheureusement, l’histoire nous a appris une chose : quand le Sénat et le gouvernement sont d’accord sur une mesure d’économie, elle a de grandes chances de passer.
Même si ça fait mal.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Êtes-vous prêt à payer plus de CSG pour sauver les comptes de la Sécu ? Ou trouvez-vous qu’on demande déjà trop à ceux qui ont travaillé toute leur vie ? Dites-le moi en commentaire, le débat ne fait que commencer.
