Imaginez la scène : on est début décembre, l’hémicycle est plein à craquer, les caméras braquées, et tout d’un coup… le budget de la Sécurité sociale, ce texte que tout le monde présente comme vital, se prend un non massif. Pas de 49.3 en vue, pas de plan B. Juste un rejet clair et net. Improbable ? Pourtant, en ce moment, c’est la peur qui hante les couloirs du pouvoir.
Je ne vous cache pas que ça m’obsède un peu depuis quelques jours. Parce que, franchement, on a déjà vu des scénarios dingues sous cette législature, mais là, on touche à quelque chose d’essentiel : la protection sociale des Français. Et le plus fou, c’est que ceux qui pourraient faire basculer le vote… ce sont parfois les propres députés de la majorité relative.
Un vote solennel qui sent la poudre
Le gouvernement l’a répété à l’envi : cette fois, pas question de dégainer l’arme nucléaire du 49.3 dès le premier accroc. On veut un vrai vote, un débat jusqu’au bout. Belle intention sur le papier. Sauf que quand votre majorité ne tient qu’à un fil et que même vos propres troupes commencent à grincer des dents, c’est un pari plus que risqué.
Le texte doit revenir en deuxième lecture après le passage au Sénat. Et là, surprise : certaines mesures qui étaient passées à l’arrache en première lecture pourraient bien être retoquées ou fortement amendées. Résultat ? Des députés centristes ou de l’aile droite du groupe majoritaire qui risquent de trouver le texte final trop à gauche, ou trop rigide, ou tout simplement pas assez ambitieux sur les économies.
Pourquoi certains macronistes veulent faire mal
Il y a d’abord ceux qui n’ont jamais digéré la manière dont le budget a été bricolé en commission mixte paritaire l’an dernier. Vous savez, ce sentiment tenace qu’on a cédé trop facilement à la pression de l’opposition de gauche sur les arrêts maladie ou le remboursement de certains soins.
Puis il y a les élus des territoires, ceux qui reçoivent chaque semaine des directeurs d’hôpital au bord de la crise de nerfs. Ils veulent plus de moyens, pas des coupes supplémentaires. Et quand ils voient que le PLFSS reste sur une trajectoire d’économies assez sévère, ils serrent les dents.
« On ne peut pas continuer à dire aux Français qu’on protège l’hôpital public et en même temps voter un budget qui le met encore plus en difficulté. »
Un député de la majorité, sous couvert d’anonymat
Et enfin, il y a la petite musique politicienne : certains voient dans ce vote l’occasion rêvée de se repositionner avant les municipales de 2026 ou, soyons fous, avant une éventuelle dissolution. Montrer qu’on est libre, qu’on ne suit pas comme des petits soldats.
Le scénario cauchemar en trois actes
Acte 1 : une quinzaine de députés de la majorité votent contre ou s’abstiennent. Avec les oppositions de gauche et de droite qui, elles, ont déjà annoncé leur rejet, le texte n’obtient pas la majorité absolue.
Acte 2 : branle-bas de combat à Matignon et à l’Élysée. On tente le coup du 49.3 en catastrophe, mais trop tard : le vote a déjà eu lieu. Le texte est rejeté.
Acte 3 : crise politique ouverte. L’opposition dépose une motion de censure. Si elle passe (ce qui est peu probable mais pas impossible avec des frondeurs), c’est la chute du gouvernement. Et même si elle échoue, l’image d’une majorité incapable de voter son propre budget de la Sécu est catastrophique à dix-huit mois de la présidentielle.
Les garde-fous (théoriques) du gouvernement
Évidemment, ils n’attendent pas les bras croisés. Depuis plusieurs semaines, c’est la grande opération séduction. Dîners à Matignon, appels téléphoniques personnalisés, promesses d’aménagements sur tel ou tel point sensible.
- Rapatriement de certaines mesures sur les déserts médicaux
- Assouplissement des règles sur les arrêts de travail
- Engagements sur le financement des Ehpad
- Petites annonces ciblées dans les circonscriptions récalcitrantes
Même le patron des députés du groupe majoritaire passe ses soirées au téléphone. On dit qu’il a dressé une liste très précise des « fragiles » et des « définitivement perdus ». Objectif : ramener tout le monde dans le rang avant le 9 décembre.
Et si ça passait quand même ?
Paradoxalement, un vote positif serait presque aussi problématique sur le plan politique. Car pour l’obtenir, il faudra probablement lâcher beaucoup de lest. Et là, nouvelle équation : comment expliquer aux Français qu’on a dû céder sur des économies pourtant présentées comme indispensables il y a encore quelques mois ?
Le déficit de la Sécu reste abyssal, autour de 12 milliards d’euros prévus pour 2026. Chaque concession faite à un député frondeur, c’est un trou supplémentaire. Et derrière, il y a les agences de notation, les partenaires européens, la crédibilité globale de la parole publique.
Ce que ça dit de plus profond sur la situation politique
Au-delà du budget lui-même, c’est toute la mécanique de cette législature qui est en train de craquer. Une majorité relative, ça veut dire négocier en permanence. Sauf que là, on arrive à un point où même les négociateurs les plus chevronnés commencent à fatiguer.
J’ai discuté récemment avec un vieux routier du Parlement. Il m’a dit un truc qui m’a marqué : « Avant, on avait des majorités solides ou des oppositions responsables. Aujourd’hui, on a ni l’un ni l’autre. » Et c’est exactement ce qu’on vit avec ce PLFSS : plus personne n’a intérêt à jouer le jeu collectif.
« On est dans une forme de guerre de positions où chacun attend que l’autre craque en premier. »
La gauche veut montrer qu’elle peut bloquer. La droite veut prouver qu’elle existe encore. Et au milieu, une majorité qui se déchire entre ceux qui veulent survivre politiquement et ceux qui rêvent déjà de l’après-2027.
Les dates à retenir absolument
- Fin novembre : retour du texte en nouvelle lecture à l’Assemblée
- 1er au 8 décembre : examen en séance, amendements, discussions
- 9 décembre : vote solennel final
- 10 décembre : éventuel 49.3 de la dernière chance ou motion de censure
Autant dire que les deux prochaines semaines vont être tendues comme un élastique prêt à lâcher.
Mon pronostic personnel (et je me mouille)
Je pense qu’on va frôler la catastrophe. Vraiment. Il y aura des absences stratégiques, des abstentions qui pèseront lourd, peut-être même quelques votes contre venus du groupe majoritaire. Mais au final, je mise sur un sauvetage in extremis. Parce que personne n’a réellement intérêt à ce que ça explose maintenant.
Trop tôt pour la gauche qui veut garder des cartouches. Trop risqué pour la droite qui sait qu’une dissolution la mettrait en difficulté. Et trop dangereux pour la majorité qui jouerait sa survie.
Mais une chose est sûre : même si le texte passe, il laissera des traces. Des rancœurs. Des promesses non tenues. Et probablement un affaiblissement supplémentaire d’un exécutif qui marche déjà sur des œufs depuis trois ans.
Le budget de la Sécu 2026 ne sera peut-être pas rejeté le 9 décembre. Mais il pourrait bien marquer le début de la fin d’une certaine manière de gouverner. Et ça, c’est peut-être le plus inquiétant.
À suivre de très près. Très très près.
