Vous est-il déjà arrivé de pousser la porte d’un restaurant et de sentir, dès les premières secondes, que vous n’allez pas simplement manger, mais vivre quelque chose ? C’est exactement l’impression que donne la maison Troisgros depuis bientôt un siècle. Et aujourd’hui, c’est le plus jeune représentant de cette lignée, César, qui vient d’être couronné Cuisinier de l’Année 2026. Une distinction qui, dans sa famille, commence à ressembler à une habitude… ou plutôt à un héritage vivant.
Une dynastie qui défie le temps
Imaginez un peu : un grand-père sacré en 1987, un père en 2003, et maintenant le fils en 2026. Trois générations, trois fois le même titre prestigieux. Dans l’histoire de la gastronomie française, personne n’avait réalisé ça avant eux. Ce n’est plus seulement une famille de cuisiniers, c’est une véritable institution qui continue de briller alors que tant d’autres maisons historiques ferment ou se reposent sur leurs lauriers.
Ce qui frappe, c’est la continuité sans copie. Chaque génération a su garder l’âme tout en imprimant sa patte. Pierre et Jean, les oncles fondateurs, ont révolutionné la cuisine française dans les années 60-70 avec cette fameuse Nouvelle Cuisine : moins de beurre, plus de légèreté, des produits sublimés plutôt que masqués. Michel, le père de César, a poussé encore plus loin l’exigence produit et la précision. Et aujourd’hui César, à 39 ans seulement, prend le relais avec une sensibilité très contemporaine.
Le Bois sans Feuilles, un nouveau chapitre magnifiquement écrit
En 2017, la famille a fait un choix audacieux : quitter le Roanne historique, face à la gare où tout avait commencé en 1930, pour s’installer à Ouches, à quelques kilomètres. Un domaine entouré de nature, une architecture épurée, presque japonaise dans l’esprit. Le Bois sans Feuilles, c’est son nom, et il porte bien son nom : ici, on cuisine avec le feu, bien sûr, mais aussi avec la lumière, l’air, le silence de la campagne ligérienne.
Quand César reprend officiellement les rênes en 2023, beaucoup se demandent s’il va oser toucher au monument. La réponse ? Oui, mais avec une intelligence rare. Il garde les plats emblématiques – le saumon à l’oseille de son grand-père reste au menu, évidemment – mais il les réinterprète légèrement, les allège encore, les rend plus actuels. Et surtout, il développe une cuisine personnelle où les légumes tiennent une place folle, où les sauces sont d’une pureté cristalline, où chaque assiette raconte une histoire.
« Il fait une cuisine qui est en harmonie avec ce que faisaient son père et son grand-père, mais il a vraiment sa propre patte. »
Un observateur attentif de la scène gastronomique française
Et cette phrase résume tout. L’harmonie, oui, mais pas la redite. C’est peut-être ça, le secret de la longévité des Troisgros : savoir évoluer sans renier.
Un parcours classique… mais jamais banal
César n’est pas tombé dans la marmite par accident. Formé à l’Institut Bocuse – la référence – il part ensuite faire ses armes dans de très grandes maisons, en France comme aux États-Unis. Il passe par des brigades où l’exigence est absolue, où on apprend que la perfection n’est jamais acquise. Et quand il rentre à la maison au début des années 2010, il ne vient pas en héritier gâté : il vient en apprenti, prêt à écouter, à observer, à travailler dans l’ombre de son père pendant des années.
Cette humilité, on la sent encore aujourd’hui. Quand on lui parle de cette triple consécration familiale, il sourit et détourne doucement la conversation vers l’équipe, vers les producteurs, vers la chance d’avoir grandi dans cet environnement. C’est rare, un chef de ce niveau qui reste aussi simple.
2026, l’année des femmes aussi
Ce qui est intéressant avec cette édition 2026, c’est qu’elle ne met pas seulement en lumière un homme, aussi talentueux soit-il. Elle célèbre aussi toute une nouvelle génération de femmes qui prennent enfin la place qu’elles méritent dans les brigades et en salle.
- Anne Coruble, sacrée pâtissière de l’année pour ses desserts d’une finesse incroyable à L’Oiseau Blanc.
- Fanny Perrot, directrice de salle chez Alléno, qui prouve que la salle peut être aussi créative que la cuisine.
- Marion Cirino, sommelière à L’Ambroisie, qui fait parler les vins comme personne.
On sent un vrai vent de renouveau. La gastronomie française, longtemps un univers très masculin, s’ouvre enfin. Et ça fait du bien.
Et demain ?
La question que tout le monde se pose maintenant : est-ce que la magie Troisgros va continuer ? César a deux jeunes enfants que l’on voit parfois courir dans le potager du domaine. Rien n’est écrit, bien sûr, mais on ne peut s’empêcher de sourire en imaginant une quatrième génération…
Ce qui est sûr, c’est que tant que la maison restera animée par cette passion de transmettre, d’innover tout en respectant le passé, elle continuera d’attirer les amateurs du monde entier. Parce qu’au fond, venir au Bois sans Feuilles, ce n’est pas seulement manger trois étoiles. C’est assister, en direct, à la plus belle histoire de la gastronomie française qui s’écrit encore.
Et vous, avez-vous déjà eu la chance de goûter la cuisine de César Troisgros ? Si oui, racontez-nous votre plat préféré en commentaire. Si non… il est peut-être temps de réserver une table pour 2026. Ça risque d’être complet très vite.
(Article mis à jour le 17 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
