Vous souvenez-vous de l’époque où la cocaïne semblait appartenir à un autre monde ? Celui des soirées branchées parisiennes, des agences de pub, des plateaux télé ? Moi oui. Et pourtant, quand je discute autour de moi aujourd’hui, j’ai parfois l’impression que cette drogue s’est faufilée partout, comme une ombre qu’on ne voit plus tellement elle est devenue banale.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et, franchement, ils font froid dans le dos.
Une montée fulgurante qui change la donne
En une décennie à peine, la consommation de cocaïne a été multipliée par trois chez les 18-64 ans. On est passé de moins de 1 % de consommateurs annuels au début des années 2010 à près de 2,7 % en 2023. Dit comme ça, ça peut sembler anecdotique. Mais quand on fait le calcul, cela représente plusieurs centaines de milliers de personnes qui, au moins une fois dans l’année, ont touché à cette substance.
Et le plus troublant ? Ce n’est plus du tout le même public.
Fini le cliché du cadre sup parisien
On avait cette image un peu caricaturale : le mec en costard-cravate qui sort sa carte platinum dans les toilettes d’une boîte du 8e arrondissement. C’était vrai, en partie. Mais aujourd’hui, ce cliché est complètement dépassé.
La réalité est bien plus large. Et bien plus inquiétante.
- Des ouvriers qui se font une trace le samedi soir après l’usine
- Des étudiants qui « boostent » leurs révisions ou leurs soirées
- Des mères de famille en milieu rural qui consomment occasionnellement
- Des retraités qui découvrent la poudre après 50 ans
- Des artisans, des commerçants, des profs, des infirmiers…
La liste est longue. Et elle fait peur, parce qu’elle montre à quel point la cocaïne s’est démocratisée.
Pourquoi maintenant ? Les raisons d’une diffusion massive
Plusieurs facteurs se sont combinés comme une tempête parfaite.
D’abord, le prix. Oui, vous avez bien lu. La cocaïne n’a jamais été aussi abordable. Là où il fallait débourser 100 à 120 euros le gramme il y a quinze ans, on trouve aujourd’hui du produit à 50-60 euros, parfois moins en grosse quantité. La concurrence entre les réseaux a fait chuter les tarifs.
Ensuite, la pureté. Paradoxalement, elle a augmenté. Les trafiquants ont optimisé leurs filières, notamment via l’Albanie et les ports du nord de l’Europe. Résultat : le consommateur occasionnel a l’impression de « mieux profiter » pour moins cher.
« On trouve de la cocaïne absolument partout, dans les grandes villes comme dans les campagnes, dans tous les milieux sociaux. C’est devenu un produit de consommation courante pour certains. »
— Un spécialiste des addictions interrogé récemment
Et puis il y a le facteur culturel. On en parle plus ouvertement. Dans les séries, dans la musique, dans les conversations. Ce n’est plus tabou. On passe presque du statut de drogue « de riches » à celui de drogue « festive », comme l’alcool ou le cannabis avant elle.
Les femmes rattrapent les hommes à grande vitesse
C’est peut-être l’évolution la plus marquante : les femmes consomment désormais presque autant que les hommes.
:– /wp:paragraph –>Il y a dix ans, le ratio était de 3 hommes pour 1 femme. Aujourd’hui, on est proche de la parité chez les 25-40 ans. Certaines études montrent même que dans certaines régions, les jeunes femmes dépassent légèrement les jeunes hommes en consommation expérimentale.
Les raisons ? Plus de pression professionnelle, l’envie de « tenir le rythme » dans une société qui ne s’arrête jamais, et aussi une forme d’émancipation mal assumée : « Si les mecs le font, pourquoi pas nous ? »
L’âge recule… et avance en même temps
On commence plus tôt, on continue plus tard.
Côté jeunes, la première expérimentation descend vers 16-17 ans dans certains lycées professionnels ou zones rurales. Ce n’est plus réservé aux étudiants des grandes écoles.
Et à l’autre bout de la chaîne, on voit des consommateurs réguliers de 50, 55, voire 60 ans. Des gens qui n’avaient jamais touché à rien de dur avant et qui, après un divorce, une perte d’emploi ou simplement par curiosité, se retrouvent piégés.
La campagne n’est plus épargnée
Si vous pensez que ça reste un phénomène urbain, détrompez-vous.
Dans des villages de 2000 habitants, des dealers livrent à domicile via Telegram ou WhatsApp. Le même schéma qu’en ville, mais avec encore moins de contrôles. Les gendarmes le disent eux-mêmes : ils sont débordés.
Un maire d’une petite commune m’a confié un jour, presque résigné : « On a plus de saisies de cocaïne que de cannabis certains week-ends. » Ça donne la mesure du basculement.
Le danger qu’on minimise encore
Le problème, c’est que beaucoup se disent : « Je ne suis pas dépendant, je consomme seulement le week-end. »
Sauf que la cocaïne, même en usage dit « récréatif », abîme le cœur, le cerveau, le sommeil, l’humeur. Et quand on commence à en prendre pour « récupérer » le lundi matin, c’est déjà le début de la spirale.
Les services d’addictologie le voient tous les jours : des patients qui n’ont rien du stéréotype du junkie, mais qui sont en burn-out total à 35 ans à cause de la poudre.
Et maintenant ?
La question qui brûle les lèvres : va-t-on vers une normalisation totale ?
Certains experts le craignent. D’autres estiment qu’on atteindra un plateau, comme pour l’alcool ou le tabac. Mais une chose est sûre : la cocaïne a réussi en quelques années ce que peu de substances ont accompli. Elle a brisé les barrières sociales, géographiques, générationnelles.
Elle n’est plus l’apanage d’une élite. Elle est devenue, pour le meilleur et (surtout) pour le pire, un produit de consommation comme un autre.
Et ça, personnellement, ça me fait réfléchir. Parce que quand une drogue aussi dure devient aussi banale… où est-ce qu’on met la limite ?
Si vous avez été surpris par cet article, partagez-le. Et si vous connaissez quelqu’un qui pourrait avoir besoin d’en parler, il existe des numéros comme Drogues Info Service (0 800 23 13 13). Parler, c’est déjà commencer à sortir du silence.
