Imaginez-vous au cœur d’Abidjan, un soir d’octobre, alors que les rues vibrent d’une énergie contrastée : des cris de joie d’un côté, des murmures de colère de l’autre. L’annonce vient de tomber, et elle fait l’effet d’une bombe : Alassane Ouattara, président de la Côte d’Ivoire depuis 2010, vient de décrocher un quatrième mandat avec un score écrasant de 89,77 % des voix. Mais derrière ce triomphe apparent, une question taraude : cette victoire est-elle le reflet d’une démocratie solide ou le symptôme d’un système contesté ? Ce scrutin, marqué par des tensions, des exclusions et des violences, mérite qu’on s’y attarde.
Une Victoire Écrasante, Mais à Quel Prix ?
Le 27 octobre 2025, la Commission électorale indépendante (CEI) a proclamé les résultats provisoires de l’élection présidentielle ivoirienne. Alassane Ouattara, 83 ans, a été réélu dès le premier tour, laissant loin derrière lui son principal adversaire, l’entrepreneur Jean-Louis Billon, crédité de seulement 3,09 % des suffrages. Avec un taux de participation de 50,10 %, le scrutin semble avoir mobilisé une partie significative de la population, mais il a aussi révélé des fractures profondes. Comment en est-on arrivé là ?
Un Scrutin Sans Opposition de Poids
Ce qui frappe d’emblée dans cette élection, c’est l’absence des deux figures majeures de l’opposition : Tidjane Thiam, du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et Laurent Gbagbo, ancien président et leader du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI). Tous deux ont été écartés pour des raisons administratives : des problèmes de nationalité pour le premier, une condamnation pénale pour le second. Une décision qui, selon certains observateurs, a vidé le scrutin de toute compétition réelle.
L’absence d’opposants de taille a transformé cette élection en une formalité pour le pouvoir en place.
– Analyste politique régional
Pour les partisans d’Ouattara, cette situation n’est qu’un détail technique. Ils rappellent que les élections de 2015 et 2020, où le président avait également obtenu des scores écrasants, s’étaient déroulées dans des contextes similaires. Mais pour beaucoup, cette répétition soulève une question : est-il possible de parler de démocratie quand les principaux adversaires sont exclus avant même le vote ?
Des Tensions Électorales Palpables
Si le jour du scrutin s’est globalement déroulé dans le calme, des incidents ont émaillé la campagne et le vote. Depuis mi-octobre, une dizaine de personnes ont perdu la vie dans des violences liées au processus électoral, dont plusieurs le jour même du scrutin. Dans certaines localités du sud et de l’ouest, des affrontements intercommunautaires ont éclaté, faisant des blessés graves et des destructions matérielles.
- Des heurts dans plusieurs villes, notamment dans le centre-ouest.
- Quatre morts confirmés le jour du vote, sept selon l’opposition.
- Un adolescent de 13 ans tué par un tir à Gregbeu.
Ces violences rappellent un passé douloureux. Les élections de 2010, marquées par une crise post-électorale ayant fait 3 000 morts, et celles de 2020, avec 85 morts, restent gravées dans les mémoires. Cette fois-ci, bien que les incidents aient été qualifiés de marginaux par la CEI, ils soulignent une réalité : l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire reste un moment de forte tension.
L’Opposition Crie à l’Injustice
Le Front commun, coalition regroupant le PDCI et le PPA-CI, n’a pas tardé à réagir. Dès le soir du scrutin, il a dénoncé un processus électoral entaché d’irrégularités et a réclamé l’organisation de nouvelles élections. Selon eux, la légitimité d’Alassane Ouattara est nulle, et le silence de la communauté internationale face à ce qu’ils qualifient de répression électorale est inacceptable.
Ce scrutin est une mascarade. La peur et la répression ont remplacé le débat démocratique.
– Porte-parole de l’opposition
Pour appuyer leurs accusations, les opposants pointent du doigt les mesures prises par le pouvoir : interdiction des manifestations en octobre, arrestations massives pour troubles à l’ordre public, et déploiement de 44 000 membres des forces de l’ordre à travers le pays. Ces éléments, selon eux, ont créé un climat d’intimidation peu propice à une élection libre.
Un Contexte Historique Chargé
Pour comprendre l’ampleur des tensions actuelles, un retour en arrière s’impose. La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, a une histoire électorale tumultueuse. Les crises de 2010 et 2020 ont laissé des cicatrices profondes, marquées par des conflits intercommunautaires et des accusations de fraude. Chaque élection semble raviver ces blessures, et 2025 ne fait pas exception.
| Année | Événement | Conséquences |
| 2010 | Crise post-électorale | 3 000 morts, tensions intercommunautaires |
| 2020 | Violences électorales | 85 morts, boycott de l’opposition |
| 2025 | Élection controversée | 10 morts, contestation des résultats |
Ce tableau, bien que simplifié, montre une constante : les élections présidentielles en Côte d’Ivoire sont rarement apaisées. À mon sens, ce cycle de tensions reflète un défi plus large : comment construire une démocratie stable dans un pays où les divisions ethniques et politiques restent vives ?
Le Rôle de la Communauté Internationale
Face à ces événements, le silence de la communauté internationale intrigue. Alors que l’opposition appelle à une intervention pour garantir un processus électoral équitable, les grandes puissances semblent adopter une position de non-ingérence. Est-ce par prudence ou par indifférence ? Difficile à dire, mais ce mutisme contraste avec les prises de position parfois fermes dans d’autres contextes électoraux africains.
Selon des experts, ce silence pourrait être lié aux intérêts économiques. La Côte d’Ivoire, avec son cacao et ses ressources naturelles, reste un partenaire clé pour de nombreux pays. Critiquer ouvertement le processus électoral pourrait compliquer ces relations. Mais à quel prix pour la crédibilité démocratique ?
Et Maintenant, Quel Avenir ?
Avec les résultats définitifs attendus en novembre, tous les regards se tournent vers le Conseil constitutionnel. Mais même une validation officielle risque de ne pas apaiser les tensions. L’opposition, déjà mobilisée, pourrait intensifier ses actions, tandis que le pouvoir semble déterminé à maintenir l’ordre à tout prix.
- Consolidation du pouvoir : Ouattara pourrait renforcer son emprise, mais au risque d’alimenter le mécontentement.
- Mobilisation de l’opposition : Le Front commun pourrait organiser des manifestations, malgré les interdictions.
- Réconciliation nationale : Un dialogue inclusif reste possible, mais semble peu probable à court terme.
Personnellement, je trouve que l’aspect le plus troublant est cette impression de déjà-vu. Chaque élection semble suivre le même scénario : un favori qui l’emporte, une opposition qui conteste, et un pays qui retient son souffle. Pourtant, il y a quelque chose d’unique dans ce scrutin de 2025 : il cristallise les espoirs et les frustrations d’une nation qui aspire à la stabilité, mais qui se heurte à des obstacles persistants.
Pourquoi Cela Nous Concerne Tous
Vous vous demandez peut-être : pourquoi s’intéresser à une élection dans un pays africain, à des milliers de kilomètres ? La réponse est simple : la Côte d’Ivoire n’est pas qu’un producteur de cacao. C’est un acteur clé en Afrique de l’Ouest, une région stratégique sur les plans économique et géopolitique. Une instabilité prolongée pourrait avoir des répercussions bien au-delà de ses frontières.
De plus, ce scrutin soulève une question universelle : comment équilibrer pouvoir et démocratie dans des contextes fragiles ? À l’heure où les démocraties du monde entier sont mises à l’épreuve, l’exemple ivoirien nous rappelle l’importance de la transparence et de l’inclusion dans tout processus électoral.
Une élection sans choix véritable n’est qu’un spectacle politique.
– Observateur international
En conclusion, l’élection d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat marque un tournant pour la Côte d’Ivoire. Entre victoire écrasante et contestations virulentes, le pays se trouve à la croisée des chemins. Reste à savoir si ce scrutin sera un pas vers la stabilité ou une nouvelle étape dans un cycle de tensions. Une chose est sûre : les semaines à venir seront décisives.
