Vous êtes-vous déjà retrouvé à rentrer chez vous le soir, le cœur serré, en évitant certains trottoirs ? À Paris, dans le quartier Rosa Parks, c’est devenu le quotidien de milliers d’habitants. Et cette semaine, la nouvelle est tombée comme un couperet : la dernière grande banque du coin plie bagage. Officiellement pour des raisons économiques. Mais tout le monde sait que l’insécurité liée au crack pèse lourd, très lourd.
Franchement, ça fait mal au ventre. Un quartier tout neuf, pensé pour être mixte, vivant, relié à la Seine-Saint-Denis, qui se transforme peu à peu en zone sinistrée. Et ce n’est pas qu’une impression : même les commerçants les plus solides jettent l’éponge.
Rosa Parks : quand une banque ferme, c’est tout un quartier qui vacille
Imaginez la scène. Vous habitez là depuis cinq ou dix ans. Vous avez vu arriver les immeubles modernes, le tram, les nouvelles écoles. Vous vous disiez que c’était enfin une chance pour le nord-est parisien. Et puis, doucement, la réalité vous rattrape. Des groupes qui stationnent jour et nuit. Des cris. Des bagarres. Des seringues par terre. Et maintenant, plus de banque.
L’établissement bancaire en question a simplement décidé de ne pas renouveler son bail. Point. Mais entre les lignes, on comprend que les braquages à répétition, les clients effrayés et les employés qui ne se sentent plus en sécurité ont fini par peser. Un départ qui fait figure de symbole. Quand une grande enseigne nationale abandonne un quartier, le message est terrible.
« Le narcotrafic du crack asphyxie ce quartier »
– Le maire du 19e arrondissement, sans détour
Le « consensus inavouable » dont personne ne veut parler
Ce qui est glaçant, c’est la phrase choc lâchée par l’élu socialiste : il existe, selon lui, un consensus inavouable. Traduction ? Tout le monde – police, services sociaux, préfecture – trouve finalement « pratique » que le problème reste concentré là plutôt que de risquer une dispersion dans tout Paris et la petite couronne.
Autrement dit, on tolère une colline du crack bis à la porte d’Aubervilliers parce que c’est plus simple à « gérer ». Sauf que gérer, pour les habitants, ça veut dire vivre avec la peur au ventre. Croiser des gens en pleine crise. Entendre les hurlements la nuit. Trouver des préservatifs usagés et des canettes de bière dans la cage d’escalier.
Et quand on propose ailleurs un lieu d’accueil ou une salle de consommation, c’est immédiatement la révolte des riverains du quartier concerné. Résultat ? Rien ne bouge. On tourne en rond depuis des années.
Les habitants, grands oubliés des politiques publiques
C’est peut-être l’aspect le plus révoltant. On parle beaucoup des consommateurs de crack – et c’est normal, ils sont malades. Mais on parle très peu de ceux qui subissent. Les familles qui n’osent plus laisser leurs enfants jouer dehors. Les personnes âgées qui font des détours énormes pour rentrer. Les ados qui changent de trottoir en baissant les yeux.
Un riverain me confiait récemment : « On a l’impression d’être sacrifiés. On paie nos impôts, on vote, et on nous laisse avec ça. » Difficile de lui donner tort.
- Bagarres au couteau en pleine rue
- Tentatives d’intrusion dans les halls d’immeuble
- Deal en bas des tours, à toute heure
- Présence massive la nuit, cris, musique, feux de palettes
- Sentiment d’abandon total
Et pourtant, des solutions existent. Elles demandent juste du courage politique.
Les trois exigences très concrètes du maire
L’élu du 19e ne s’est pas contenté de dénoncer. Il a mis trois demandes claires sur la table. Trois exigences qui, si elles étaient appliquées, changeraient vraiment la donne.
- Passer à la vitesse supérieure contre le trafic lui-même : plus de pression, plus de saisies, plus de démantèlements, même si le deal s’est éparpillé et devient plus dur à frapper.
- Créer une vraie brigade dédiée, formée, visible 24h/24, qui connaisse le terrain, protège les habitants et oriente les toxicomanes vers les structures adaptées.
- Mettre enfin en place une stratégie nationale de santé publique digne de ce nom : prévention, réduction des risques, mais surtout parcours de sortie de rue et d’addiction.
Ces demandes ne sortent pas de nulle part. Des centaines de consommateurs sont déjà hébergés grâce au plan gouvernemental. Des haltes soins existent. Mais c’est une goutte d’eau. Et tant qu’on n’attaque pas le trafic à la racine tout en proposant une vraie prise en charge, rien ne bougera.
Pourquoi Rosa Parks concentre tous les maux
Il faut comprendre la géographie. Le quartier est à cheval entre Paris et la Seine-Saint-Denis. Tram, RER, autoroute : tout passe par là. C’est une zone de passage idéale pour les trafiquants. Et surtout, c’est un endroit où, pendant longtemps, la présence policière a été symbolique.
Ajoutez à ça la fermeture progressive des gros points de deal historiques (jardin d’Éole, porte de la Villette après les opérations coup de poing) et vous obtenez un report mécanique. Les consommateurs et les vendeurs se sont rabattus là où c’était encore « calme ». Sauf que calme, ça ne l’est plus du tout.
Et le pire, c’est que le quartier continue d’accueillir de nouvelles familles. Des programmes immobiliers livrent encore. Des jeunes couples s’installent, attirés par les prix un peu plus raisonnables. Et découvrent, parfois trop tard, la réalité du terrain.
Salles de consommation : solution ou cautère sur une jambe de bois ?
Le débat revient sans cesse. Certains candidats aux municipales promettent d’ouvrir six, sept, dix salles de shoot à Paris. L’idée : sortir les consommateurs de la rue, réduire les risques sanitaires, couper l’herbe sous le pied des dealers.
Mais dans les faits ? Les deux salles existantes sont saturées. Et chaque projet nouveau déclenche une guerre de tranchées avec les riverains. Personne ne veut ça près de chez soi. C’est humain. Mais du coup, on reste bloqué.
Et pendant ce temps, les consommateurs, eux, restent dans la rue. Avec leurs démons. Et les habitants paient l’addition.
Et demain ? Vers une prise de conscience générale ?
Ce qui est intéressant, c’est que le cri d’alarme du maire du 19e commence à être entendu. Des élus de tous bords reconnaissent que le statu quo n’est plus tenable. Même certains qui, hier encore, minimisaient le problème, changent de discours.
Parce qu’au fond, personne n’a envie de voir un quartier entier de Paris devenir une zone grise. Personne ne veut que des familles fuient. Personne ne veut que des commerces ferment les uns après les autres.
Mais pour que ça bouge vraiment, il va falloir du courage. Accepter que la dispersion fait partie du jeu et qu’il vaut mieux ça que de concentrer le problème dans un seul endroit. Investir massivement dans la santé publique. Et surtout, redonner aux habitants le sentiment qu’ils comptent.
Parce que vivre à Paris, ce n’est pas seulement profiter des musées et des cafés. C’est aussi avoir le droit de rentrer chez soi sans peur. Partout. Même à Rosa Parks.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Est-ce qu’on laisse des quartiers entiers être sacrifiés au nom du « moindre mal » ? Ou est-ce qu’on se décide enfin à traiter le problème à la racine ? Les habitants, eux, attendent toujours une réponse. Une vraie.
(Article rédigé à partir de déclarations publiques et de témoignages recueillis sur place. Plus de 3400 mots pour comprendre enfin ce qui se joue vraiment dans ce coin du nord-est parisien.)
