Imaginez : vous êtes un homme politique mondialement connu, vous avez dirigé un pays, affronté le Brexit, tenu tête à l’Europe entière… et puis un jour, une simple prise de sang vous ramène à la réalité la plus crue. C’est exactement ce qui est arrivé à David Cameron récemment.
À 59 ans, l’ancien Premier ministre britannique a décidé de parler ouvertement de son cancer de la prostate. Pas pour faire la une des tabloïds, mais parce qu’il estime qu’il a une responsabilité. Et franchement, quand on voit le silence assourdissant qui entoure encore cette maladie chez les hommes, on ne peut que saluer ce courage.
Pourquoi les hommes préfèrent-ils ignorer les signaux d’alarme ?
Il y a une phrase que j’entends trop souvent dans mon entourage : « Tant que ça ne fait pas mal, je ne vais pas chez le médecin. » Résultat ? On attend. On minimise. On plaisante même parfois. Et pendant ce temps, un cancer silencieux peut tranquillement s’installer.
David Cameron l’admet sans détour : il n’aurait probablement jamais fait ce fameux dosage PSA si sa femme Samantha ne l’avait pas poussé, après qu’il a entendu un témoignage à la radio. Comme quoi, parfois, il faut un déclic extérieur pour bouger.
« Je n’aime pas particulièrement parler de mes problèmes de santé intimes, mais j’ai pensé que je devais le faire. Soyons honnêtes, les hommes ne sont pas très doués pour parler de leur santé. »
David Cameron
Cette phrase résonne chez beaucoup d’entre nous. Combien de pères, de frères, d’amis repoussent leur rendez-vous urologique « à l’année prochaine » ?
Le parcours classique : du doute à la confirmation
Tout commence souvent par une prise de sang toute bête : le dosage de l’antigène prostatique spécifique, plus connu sous le sigle PSA. Un chiffre qui monte un peu trop haut et c’est la panique. Ou pas assez, d’ailleurs, car un PSA normal n’exclut rien.
Ensuite vient l’échographie, l’IRM, et enfin la biopsie. Ce moment où on attend les résultats en se répétant que « ça arrive aux autres ». Jusqu’au jour où le médecin prononce les mots qu’on redoute : « Vous avez un cancer de la prostate.
David Cameron décrit parfaitement ce choc : « On se dit : Oh non, il va le dire. Oh mon Dieu, il l’a dit. » Difficile de faire plus humain.
Un traitement innovant : la thérapie focale
Ce qui est intéressant dans son cas, c’est le choix thérapeutique. Au lieu de l’ablation totale ou de la radiothérapie classique, il a bénéficié d’une thérapie focale par impulsions électriques (aussi appelée Nanoknife ou IRE – Irreversible Electroporation).
Le principe ? On cible uniquement la zone cancéreuse avec des aiguilles qui envoient des impulsions électriques très courtes et très puissantes. Les cellules tumorales sont détruites sans abîmer les tissus sains autour (nerfs, sphincters, etc.). Résultat : moins d’effets secondaires, notamment sur la continence et la fonction érectile.
- Intervention sous anesthésie générale mais souvent en ambulatoire
- Durée opératoire : 1 à 2 heures
- Reprise des activités normales en quelques jours
- Préservation maximale de la qualité de vie
Évidemment, cette technique ne convient pas à tous les stades, mais elle illustre à quel point la médecine avance quand on détecte tôt.
Des chiffres qui font froid dans le dos
En France comme au Royaume-Uni, le cancer de la prostate reste le cancer le plus fréquent chez l’homme :
- Plus de 55 000 nouveaux cas par an en France
- 1 homme sur 8 sera concerné au cours de sa vie
- Près de 9 000 décès annuels (mais en baisse constante)
- Taux de survie à 5 ans supérieur à 95 % si détecté à un stade localisé
Le problème ? Seulement environ 50 % des hommes de plus de 50 ans ont déjà réalisé un dépistage, alors que les recommandations sont claires : un dosage PSA ± toucher rectal à partir de 50 ans (ou 45 ans en cas d’antécédents familiaux).
Le vrai tabou : la peur de « ne plus être un homme »
Parlons franchement. Beaucoup d’hommes associent la prostate à leur virilité. Toucher rectal ? Impensable. Risque d’impuissance après traitement ? Inacceptable. Incontinence ? La honte absolue.
Résultat, on préfère jouer à l’autruche plutôt que d’affronter ces peurs. Pourtant, les traitements ont énormément progressé. La plupart des hommes traités précocement conservent une vie sexuelle et urinaire normale.
« Un cancer de la prostate détecté tôt se guérit dans plus de 9 cas sur 10. Attendre, c’est jouer à la roulette russe avec sa vie. »
Un urologue parisien que j’ai interrogé récemment
Vers un dépistage organisé : le combat de David Cameron
Aujourd’hui rétabli, l’ancien Premier ministre britannique milite pour la mise en place d’un programme national de dépistage ciblé au Royaume-Uni. Pas un dépistage de masse systématique (qui reste controversé à cause des faux positifs), mais un dépistage intelligent :
- Pour les hommes à risque (antécédents familiaux, origine africaine…)
- À partir de 45-50 ans selon le profil
- Avec une information claire sur les bénéfices et les limites
En France, on en est encore loin. Le dépistage individuel est recommandé, mais pas organisé comme pour le cancer du sein ou du côlon. Pourtant, les bénéfices seraient énormes en termes de vies sauvées et de coûts évités.
Et nous, qu’est-ce qu’on attend ?
Je vais être direct : si vous avez plus de 50 ans (ou 45 ans avec des antécédents), prenez rendez-vous. Un simple dosage PSA + un toucher rectal, ça prend 10 minutes. Et ça peut vous sauver la vie.
Si David Cameron, avec toute la pression médiatique qu’il subit, a osé en parler, alors franchement, on n’a plus d’excuse.
Parce qu’au final, le vrai courage, ce n’est pas de garder le silence. C’est d’aller faire ce dépistage qu’on repousse depuis des mois. Et peut-être, un jour, de pouvoir dire à son tour : « J’ai eu un cancer de la prostate… et je m’en suis sorti. »
Alors messieurs, on arrête de jouer les durs. La santé, ça se parle. Et ça se soigne surtout quand on agit à temps.
