Vous vous souvenez de cette sensation bizarre quand, en 2022, on s’est retrouvés sans vrai bulletin écologiste au premier tour ? Moi oui. Et visiblement, Delphine Batho aussi. Hier soir, la députée des Deux-Sèvres a décidé de ne plus attendre que les autres fassent le boulot à sa place : elle sera candidate à la présidentielle de 2027. Pas pour faire de la figuration, mais pour imposer une écologie qui cogne fort, très fort, là où ça fait mal.
Une candidature qui tombe au bon (ou au plus mauvais) moment
Franchement, le calendrier est presque comique. À peine la primaire de la gauche lancée – sans Mélenchon, sans Glucksmann – que Marine Tondelier et son parti décident d’y participer. Traduction : il n’y aura pas de candidature spécifiquement écologiste au premier tour en 2027 si on suit leur logique. Batho, elle, voit ça comme une trahison pure et simple du combat historique de l’écologie politique.
« En rejoignant la primaire, ils ont acté qu’il n’y aurait plus de bulletin écologiste au premier tour. »
Delphine Batho, novembre 2025
Et bim. Le ton est donné. Elle ne vient pas pour négocier une place de ministre de la Transition écologique bis. Elle vient pour prendre l’Élysée ou, au minimum, imposer ses thèmes dans le débat national.
L’écologie qui refuse la croissance verte à tout prix
Ce qui frappe d’entrée, c’est qu’elle assume totalement la décroissance. Pas de langue de bois, pas de “croissance verte” qui va tout arranger”. Non, elle parle de sortir de l’addiction à la croissance économique comme on parle de désintoxication. Et croyez-moi, dans le paysage politique actuel, ça fait l’effet d’un ovni.
Elle ne nie pas le réchauffement, elle dit juste que continuer à produire toujours plus, même en vert, c’est repousser l’échéance. Son credo ? Relocaliser, réduire les besoins énergétiques superflus, sortir du consumérisme effréné. Ça peut sembler utopique, mais quand on voit le prix de l’électricité qui explose et les usines qui ferment, ça commence à parler à pas mal de monde.
- Réduction massive des émissions par la sobriété choisie (pas subie)
- Relocalisation stratégique des industries vitales
- Planification écologique avec des objectifs chiffrés et contraignants
- Sortie progressive de la dépendance aux importations énergétiques
Et là où ça devient passionnant, c’est qu’elle ne s’arrête pas à l’écologie “classique”.
Une écologie républicaine et souveraine : le cocktail explosif
Delphine Batho répète depuis 2023 qu’il existe une autre écologie. Une écologie qui n’a pas honte de parler République, laïcité, féminisme universaliste et lutte contre l’islamisme politique. Ça change des discours parfois trop “woke” ou trop communautaristes qu’on a pu entendre chez certains Verts.
Elle a d’ailleurs été la seule élue écologiste de la NUPES à voter contre la motion de rejet sur les retraites, la seule à soutenir publiquement le chef d’état-major quand il a dit qu’on n’était “pas prêts à perdre nos enfants” face à la menace russe. Autant dire qu’elle ne fait pas dans le pacifisme naïf.
« La question écologique et la question républicaine sont indissociables. »
Et elle va plus loin : elle veut un grand débat national sur l’état réel de notre défense. Elle n’exclut pas un retour du service militaire… mais volontaire et universel. Pas pour faire joujou avec des fusils, mais pour recréer du lien, de la résilience et une conscience collective des enjeux de souveraineté.
Un parcours qui explique tout
Revenons deux minutes sur qui elle est, parce que, soyons honnêtes, elle reste assez méconnue du grand public. Ancienne ministre de l’Écologie de François Hollande – virée en 2013 pour avoir osé critiquer le budget –, elle a depuis tracé une route solitaire mais cohérente.
Elle a quitté le PS en 2018, repris Génération Écologie (le vieux parti de Brice Lalonde, oui oui), et s’est réélu députée en 2022 sous l’étiquette écologiste indépendante dans les Deux-Sèvres. Terrain rural, usines qui ferment, agriculteurs en galère : elle connaît la France des territoires, pas seulement celle des métropoles bobo.
- 2002-2007 : conseillère régionale Poitou-Charentes auprès de Ségolène Royal
- 2012-2013 : ministre de l’Écologie (la plus jeune de la Ve République à ce poste)
- 2013 : éviction fracassante du gouvernement
- 2018 : reprise de Génération Écologie
- 2022 : réélection comme députée indépendante écologiste
- 2025 : annonce candidature présidentielle
Autant dire que la dame a du caractère. Et une certaine habitude des coups durs.
Les chances réelles en 2027 : entre 2 % et surprise ?
Alors oui, on va me dire : “elle va faire 1 ou 2 % max”. Peut-être. Mais rappelons-nous quelques vérités dérangeantes :
Yannick Jadot a fait 4,6 % en 2022 avec tout l’appareil EELV derrière lui. Batho part de beaucoup plus loin, mais elle n’a pas non plus les casseroles judiciaires ou les divisions internes des Verts. Et surtout, elle parle à un électorat déboussolé : celui qui veut de l’écologie mais qui en a marre du mépris de classe et du laxisme sécuritaire parfois prêté à une partie de la gauche.
Ajoutez à ça la crise énergétique, les black-outs à répétition, les tensions géopolitiques… Son discours sur la souveraineté énergétique et alimentaire pourrait trouver un écho bien plus large qu’on ne le pense.
| Thème | Position EELV classique | Position Batho |
| Croissance | Croissance verte | Décroissance assumée |
| Défense | Pacifisme, réduction budget | Réarmement raisonné, débat national |
| Laïcité | Parfois accommodements | Universalisme strict |
| Souveraineté | Europe fédérale | Nation écologique forte |
Le tableau parle de lui-même. On est face à deux visions qui n’ont plus grand-chose à voir.
Et maintenant ?
Delphine Batho a deux ans pour transformer l’essai. Deux ans pour faire grossir Génération Écologie, structurer un réseau militant, trouver des financements (pas simple quand on refuse l’argent des lobbies). Deux ans pour imposer ses mots-clés – décroissance, souveraineté, République – dans le débat public.
Une chose est sûre : elle ne fera pas de compromis sur le fond. Ça peut la condamner à rester marginale. Ou, au contraire, lui permettre de créer la surprise qu’on n’a pas vue venir. Un peu comme un certain Jean-Luc Mélenchon en 2012, qui partait de rien et a fini à 11 %, puis 22 %.
En attendant, une page se tourne. L’écologie politique française ne sera plus jamais tout à fait la même. Entre ceux qui choisissent la primaire de la gauche et ceux qui refusent de diluer leurs idées, la bataille ne fait que commencer.
Et vous, vous en pensez quoi ? Une candidature courageuse ou une aventure sans lendemain ? Les commentaires sont ouverts.
