Vous êtes-vous déjà demandé ce qui arriverait si, du jour au lendemain, des milliers de Français renonçaient à leurs trois semaines de cure annuelle ? Pas par manque d’envie, non. Simplement parce que le coût deviendrait trop lourd pour leur portefeuille. Eh bien, on dirait que nous y sommes presque.
Cette année, les professionnels du thermalisme observent quelque chose d’inédit : les pré-réservations pour 2026 sont au plus bas. Historiquement basses. Et tout ça avant même qu’une décision officielle ne tombe.
Une Épée de Damoclès sur le Thermalisme Français
Le sujet n’est pas nouveau, je vous l’accorde. Depuis des années, la question du remboursement des cures thermales revient régulièrement dans les débats sur le budget de la Sécurité sociale. Mais cette fois, ça sent le roussi. Vraiment.
On parle d’une possible réduction drastique du taux de remboursement, passant de 65 % à 15 % pour certaines prises en charge. L’objectif ? Réaliser environ 200 millions d’euros d’économies. Une goutte d’eau dans le déficit global, diront certains. Une bombe à fragmentation pour tout un écosystème, répondent les acteurs du terrain.
Parce que derrière les chiffres, il y a des réalités bien conc, bien plus concrètes.
Des Réservations qui S’effondrent Avant Même la Décision
Ce qui frappe en premier, c’est l’effet psychologique. Les curistes, souvent des personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques, anticipent déjà le pire. Pourquoi réserver une cure à 1200 ou 1500 euros si on risque de ne plus être remboursé qu’à hauteur de quelques centaines d’euros ?
Résultat : les établissements reçoivent des appels d’annulation, des reports, des « on attend de voir ». Dans certaines stations, on parle d’une chute de 30 à 40 % des pré-réservations par rapport à une année normale. À cette période, d’habitude, les plannings sont déjà bien remplis pour le printemps suivant. Là ? Le vide.
« À ce stade de l’année, on n’a jamais connu ça. C’est du jamais-vu depuis quarante ans que je suis dans le métier. »
Un directeur de station thermale en Auvergne
L’EFFET Domino sur l’Économie Locale
Mais le plus inquiétant, c’est ce que cela signifie pour les territoires. Prenez une petite commune de 800 habitants qui vit essentiellement grâce à sa station thermale. Pendant la saison, la population triple. Les commerces tournent, les restaurants affichent complet, les locations saisonnières sont prises d’assaut.
Et puis ? Si les curistes ne viennent plus…
- Les hôtels ferment ou réduisent fortement leur activité
- Les commerçants mettent la clé sous la porte
- Les emplois saisonniers disparaissent
- Les artisans locaux perdent leurs clients
- La mairie voit ses recettes fiscales fondre comme neige au soleil
On parle là de communes qui pourraient, à terme, devenir ce que certains appellent déjà des stations fantômes. Le parallèle avec certaines villes minières américaines abandonnées après l’épuisement des filons est glaçant. Et pourtant, il est fait.
J’ai personnellement vu, lors d’un reportage il y a quelques années, à quel point ces stations structurent la vie économique de territoires entiers. Sans elles, c’est tout un modèle qui s’effondre.
Un Calcul Économique Qui Ne Tient Pas la Route ?
Ce qui rend beaucoup de monde perplexe, c’est le rapport coût/bénéfice de l’opération. Oui, l’État économiserait 200 millions d’euros. Mais les professionnels avancent un chiffre autrement plus vertigineux : 4 milliards d’euros de pertes économiques directes et indirectes.
Comment arrive-t-on à ce chiffre ? Facile.
Chaque curiste dépense en moyenne bien plus que le simple coût de sa cure. Il faut ajouter :
- L’hébergement (souvent en hôtel ou résidence)
- La restauration
- Les transports
- Les activités annexes
- Les achats dans les commerces locaux
Multiplié par plusieurs centaines de milliers de curistes chaque année, ça donne une masse économique colossale. Sans compter les emplois directs et indirects générés par le thermalisme : on parle de plusieurs dizaines de milliers de postes.
Et137 La Santé Publique Dans Tout Ça ?
Mais il y a un aspect qu’on oublie souvent, et qui me semble pourtant crucial : la dimension santé.
Les cures thermales, ce ne sont pas des vacances déguisées. Pour beaucoup de patients atteints de rhumatismes, de troubles respiratoires ou digestifs chroniques, c’est un traitement reconnu, validé scientifiquement, qui permet souvent de réduire la consommation de médicaments.
Si ces personnes renoncent à leur cure, que va-t-il se passer ? Elles vont se rabattre sur des traitements médicamenteux plus lourds, plus coûteux à long terme, avec tous les effets secondaires que cela implique.
« On revient à une médecine purement chimique, alors qu’on dispose d’une alternative naturelle et préventive. C’est un non-sens en termes de santé publique. »
Un médecin thermaliste expérimenté
Et là, les économies réalisées sur les cures risquent d’être largement annulées par l’explosion des dépenses pharmaceutiques. Sans parler de la dégradation de la qualité de vie des patients.
Des Pistes Pour s’Adapter à l’Inévitable ?
Certains professionnels, lucides, commencent déjà à réfléchir à l’après. Car même si la mobilisation actuelle porte ses fruits (et il faut l’espérer), le thermalisme médicalisé tel qu’on le connaît aujourd’hui vit probablement ses dernières années sous sa forme actuelle.
Deux grandes pistes se dessinent :
- Le virage vers la prévention santé : développer des programmes courts, non remboursés mais accessibles, centrés sur le changement d’hygiène de vie, la gestion du stress, l’alimentation… Un peu à l’image de ce qui se fait déjà dans certains pays nordiques.
- Le renforcement de l’offre touristique : transformer les stations en véritables destinations bien-être, avec des infrastructures modernes, des activités complémentaires, une mise en valeur du patrimoine et de la gastronomie locale.
Des villes comme Vichy ou Aix-les-Bains ont déjà entamé cette mutation. Avec succès, d’ailleurs. Mais toutes les stations n’ont pas les mêmes atouts ni les mêmes moyens.
Une Mobilisation Qui Monte en Puissance
Face à la menace, le secteur se réveille. Pétitions en ligne, tribunes, rassemblements… Les initiatives se multiplient. Et pour cause : c’est toute une filière qui joue sa survie.
Les élus locaux, toutes tendances confondues, montent au créneau. Parce qu’ils savent ce que représente le thermalisme pour leurs territoires. Parce qu’ils voient déjà les conséquences concrètes de cette simple rumeur de déremboursement.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Les cures thermales sont-elles un luxe dont on pourrait se passer ? Ou font-elles partie intégrante de notre modèle de santé à la française ? Le débat est ouvert. Et il est loin d’être anodin.
Une chose est sûre : ce qui se joue en ce moment autour du thermalisme dépasse largement le simple cadre médical. C’est tout un pan de notre identité territoriale, tout un modèle économique local, et surtout une certaine idée de la prévention en santé qui sont en train de vaciller.
À suivre de très près.
