Vous vous souvenez du type qui hurlait « J’pète les plombs » dans les années 2000 ? Moi oui. Et franchement, je n’aurais jamais parié qu’un jour je l’écouterais en boucle sur une playlist chill un dimanche matin avec mes gosses. Pourtant c’est exactement ce qui m’arrive depuis trois semaines.
Disiz – oui, le même – vient de sortir ce qui est probablement l’un des disques français les plus aboutis de ces dernières années. Et le plus fou ? Il a presque complètement lâché le rap. À la place, il nous sert une pop racée, élégante, parfois dansante, souvent émouvante. Et ça marche tellement bien que ça en devient presque suspect.
Le grand écart réussi : quand le rappeur devient chanteur
À 47 ans, l’artiste ne joue plus dans la même cour. Fini les punchlines à 200 à l’heure et les flows qui te cassent la nuque. Sur vingt titres, il ne pose en mode rap que deux fois. Le reste ? Une exploration totale : ballades piano-voix, électro légère, guitares acoustiques qui sentent bon les années 70 revisitées, et même des touches de synthé 80’s qui font mouche dès la première écoute.
Le résultat est tellement fluide qu’on a l’impression qu’il a toujours fait ça. Comme si toute sa carrière précédente n’avait été qu’une longue préparation à ce moment précis.
« Melodrama » : le tube qui a tout déclenché
On va être honnête deux secondes : quand j’ai entendu le refrain de Melodrama pour la première fois à la radio, j’ai cru que c’était un nouveau titre de The Weeknd traduit en français. Et puis la voix m’a rattrapé. Cette voix grave, un peu rauque, posée sur une prod hyper léchée avec Théodora qui répond en falsetto… C’était lui.
Le morceau est partout. Dans les playlists Spotify « Pop Française » évidemment, mais aussi dans les stories Instagram des ados, dans les bars le samedi soir, et même ma mère l’a shazamé au supermarché. C’est le genre de tube qui transcende les générations sans jamais faire cheap.
« Je voulais faire une chanson qui donne envie de pleurer en dansant. Je crois qu’on y est arrivés. »
Disiz, en interview récente
Un album qui ne porte pas (du tout) son nom
L’album s’appelle on s’en rappellera pas. Sans majuscule, comme un murmure. Ironie du sort : c’est exactement le contraire qui se passe. On s’en souvient déjà par cœur.
Il y a ces titres qui te prennent aux tripes dès la première seconde, comme cette ballade où il parle de ses enfants et de la peur de vieillir. Il y a ces morceaux up-tempo qui te donnent envie de rouler fenêtres ouvertes même en plein mois de novembre. Et puis il y a ces interludes spoken-word où on sent l’homme derrière l’artiste, plus apaisé que jamais.
- Des mélodies qui restent en tête après une seule écoute
- Des textes toujours aussi fins, mais moins dans la démonstration
- Une production ultra propre sans jamais sonner formatée
- Un équilibre parfait entre introspection et légèreté
Père de famille et artiste : la réconciliation
Ce qui frappe le plus, c’est la sérénité qui se dégage de l’ensemble. L’époque où il se présentait comme « la Peste » semble à des années-lumière. Aujourd’hui, il répète souvent qu’il est « un papa avant tout ». Et ça s’entend.
Les thèmes ont changé. Moins de colère, plus de tendresse. Moins de revendication, plus d’acceptation. Il parle d’amour mature, de transmission, du temps qui file. Et pourtant, ça ne verse jamais dans le pathos larmoyant. C’est juste… vrai.
J’ai rarement ressenti une telle maturité artistique chez un ancien rappeur. D’habitude, quand ils passent à la chanson, ça sonne forcé. Là, c’est naturel. Comme si c’était écrit depuis toujours.
Les collaborations qui font la différence
Théodora sur Melodrama, évidemment, mais pas que. L’album regorge de voix féminines qui viennent contrebalancer parfaitement la gravité naturelle de Disiz. Il y a aussi des feats plus discrets, des musiciens de session qui amènent une vraie richesse sonore.
Et puis il y a cette reprise détournée d’un classique français, réarrangée en version électro-pop. Je n’en dis pas plus, mais quand vous l’entendrez, vous comprendrez pourquoi tout le monde en parle.
Pourquoi cet album arrive pile au bon moment
La pop française n’a jamais été aussi forte. Entre les succès internationaux de certains artistes et l’émergence d’une nouvelle génération qui mélange les genres sans complexe, il y avait une place à prendre pour quelqu’un qui connaît à la fois les codes du rap old-school et ceux de la variété haut de gamme.
Disiz arrive au parfait moment. Il apporte la crédibilité street dont manquait parfois cette nouvelle vague, et en même temps l’expérience d’un mec qui a déjà tout vécu dans cette industrie.
Résultat ? Les gamins de 17 ans le découvrent avec Melodrama et se mettent à écouter ses anciens albums. Les quarantenaires qui l’ont suivi à l’époque redécouvrent un artiste qu’ils croyaient perdu. Tout le monde y trouve son compte.
Et maintenant ?
La question qui brûle toutes les lèvres : est-ce que c’est un one-shot ou le début d’une nouvelle ère ? Personnellement, j’ai du mal à imaginer qu’il retourne au rap pur et dur après ça. Trop de portes se sont ouvertes.
Une tournée des Zénith est déjà annoncée pour 2026, avec une scénographie qui s’annonce complètement folle d’après les bruits de couloir. Et il parle déjà d’un prochain projet « encore plus pop, encore plus libre ».
Une chose est sûre : à 47 ans, Disiz vient de signer l’un des plus beaux chapitres de sa carrière. Et quelque part, ça fait du bien de voir qu’on peut se réinventer aussi élégamment après vingt-cinq ans de route.
« Laurent Voulzy, c’est un Avenger. » Cette phrase, lancée en interview, résume tout : Disiz assume enfin ses influences pop sans complexe, et il a raison.
Alors oui, on s’en rappellera. Longtemps.
Et si vous ne l’avez pas encore écouté, faites-vous ce plaisir. Pas parce que c’est la hype du moment. Mais parce que parfois, rarement, un artiste arrive à capturer l’air du temps avec une telle justesse que ça devient plus qu’un album.
Ça devient un moment.
(Et quelque part entre deux écoutes, vous vous surprendrez à fredonner Melodrama sous la douche. Je vous aurai prévenu.)
