Imaginez-vous en train de marcher seul sur une route de campagne, le téléphone à la main, après une dispute un peu trop vive. Il fait chaud, vous êtes énervé, vous voulez juste rentrer chez vous, même si c’est à plus de cinquante kilomètres. Et puis plus rien. Plus de nouvelles. Pendant six longues années. C’est exactement ce qui est arrivé à Chance Englebert un soir de juillet 2019… jusqu’à ce qu’un simple randonneur ne tombe, presque par hasard, sur ce qui restait de lui.
Une disparition qui a marqué tout un État
Ce genre d’histoire, on croit toujours que ça n’arrive qu’aux autres. Et pourtant, dans le petit monde rural du Wyoming et du Nebraska, tout le monde ou presque connaît le nom de Chance Englebert. Un jeune père de famille de 25 ans, souriant sur les photos, disparu sans laisser la moindre trace tangible après une banale sortie golf entre amis et belle-famille. Rien de bien méchant au départ, juste des mots qui dépassent la pensée, une tension qui monte, et puis ce départ rageur à pied sous un soleil de plomb.
Ce que beaucoup oublient, c’est que ce jour-là, le 6 juillet 2019, la météo allait jouer un rôle déterminant. Une violente tempête s’est abattue sur la région en début de soirée, exactement au moment où Chance envoyait son dernier message. Un texto anodin, puis plus rien. Le silence absolu.
La journée qui a tout fait basculer
Tout commence pourtant comme une journée ordinaire. Chance, sa femme et leur bébé sont en visite chez les beaux-parents à Gering, Nebraska. Direction le terrain de golf avec le beau-père et des amis. L’ambiance est détendue, quelques bières, des blagues. Et puis, mine de rien, une remarque de trop, un ton qui monte. Rien de grave en apparence, mais Chance, qui a son caractère, prend la mouche.
Il décide de rentrer à Torrington, Wyoming, où le couple vit habituellement. À pied. Plus de 50 km. Sa femme tente de le raisonner, lui propose de venir le chercher. Il refuse. Il veut marcher, se calmer, réfléchir. Sur les images de vidéosurveillance d’une supérette, on le voit encore, téléphone à la main, l’air déterminé. Quelques minutes plus tard, il passe devant une dernière caméra. Et disparaît.
« Il était juste énervé, il avait besoin de prendre l’air. Personne n’imaginait que c’était la dernière fois qu’on le voyait vivant. »
– Un proche de la famille, encore bouleversé des années après
Des recherches titanesques… et vaines
Quand Chance ne donne plus signe de vie le lendemain, l’alerte est donnée. Très vite, les moyens déployés sont impressionnants pour une petite région comme celle-ci :
- Hélicoptères et drones survolent des centaines de kilomètres carrés
- Plongeurs fouillent les canaux et les points d’eau
- Chiens spécialisés en recherche de cadavres ratissent les berges
- Bénévoles, quads, bateaux… toute la communauté se mobilise
- Des détectives privés sont même engagés par la famille
Rien. Absolument rien pendant six ans. L’enquête piétine, les hypothèses se multiplient : accident, suicide, fugue, crime ? Chaque piste est explorée, puis refermée faute de preuves.
J’ai suivi cette affaire de loin à l’époque, comme beaucoup de gens passionnés par les cold cases. Ce qui m’avait marqué, c’était cette impression tenace que quelque chose clochait. Un jeune homme en bonne santé physique, qui connaît un peu la région, qui disparaît purement et simplement sur une route fréquentée… ça ne collait pas.
Octobre 2025 : la découverte macabre
Et puis arrive ce début octobre 2025. Un randonneur, loin des sentiers battus, au nord du Scotts Bluff National Monument, tombe sur des ossements humains. Le coin est sauvage, escarpé, rarement fréquenté. Avec les restes, des objets personnels qui ne laissent guère de doute. Les autorités contactent immédiatement la famille.
Quelques semaines plus tard, l’analyse ADN tombe : c’est bien Chance Englebert. Six ans et trois mois après sa disparition, le mystère trouve enfin une forme de réponse… mais pas forcément celle qu’on attendait.
Un trajet qui défie la logique
C’est là que ça devient vraiment troublant. Selon les autorités, Chance aurait quitté la route principale pour emprunter un « raccourci » à travers une zone particulièrement hostile :
- Traverser à la nage un canal de plus de 4 mètres de large
- Franchir des broussailles épaisses et un terrain très accidenté
- Grimper sur des pentes raides sans véritable sentier
Pour les habitants du coin, c’est tout simplement impensable.
« Franchement, c’est le chemin le plus long et le plus dangereux qu’on puisse imaginer pour aller à Torrington. Personne ne passerait par là, surtout pas de nuit et avec une tempête qui arrive. »
– Un résident de longue date de la région
Même les randonneurs chevronnés confirment : cette zone n’est presque jamais fréquentée. Alors pourquoi Chance y serait-il allé ? La thèse officielle parle d’un accident – chute, hypothermie, désorientation sous l’orage. Mais pour la famille, c’est non seulement improbable, c’est impossible.
La famille refuse la version officielle
Dawn Englebert, la mère de Chance, l’a dit sans détour : cette conclusion ne clôt rien pour eux, elle ouvre au contraire de nouvelles questions. Comment son fils, qui connaissait les dangers de la région, aurait-il pu faire un choix aussi absurde ? Pourquoi aucun effet personnel n’avait été retrouvé plus tôt si le corps était là depuis le début ?
Et il y a cette altercation, quelques minutes avant la disparition, dans une supérette. Un échange tendu avec un inconnu, filmé par les caméras. L’information avait été mise de côté à l’époque, faute de suite. Aujourd’hui, elle resurgit dans l’esprit de beaucoup.
Je comprends parfaitement le scepticisme de la famille. Quand on perd un enfant dans des circonstances aussi floues, on s’accroche à toutes les hypothèses possibles plutôt que d’accepter une explication qui semble bancale.
Et maintenant ?
Le procureur doit publier un communiqué officiel dans les prochains jours. La dépouille sera enfin rendue à la famille pour des obsèques dignes. Mais pour beaucoup, l’histoire est loin d’être terminée.
Cette affaire illustre parfaitement à quel point la vérité peut parfois rester enfouie très longtemps, même dans des zones que l’on croit bien connues. Elle rappelle aussi que derrière chaque disparition, il y a des proches qui vivent l’enfer au quotidien, refusant d’abandonner l’espoir… ou la quête de réponses.
Chance Englebert laisse derrière lui un petit garçon qui n’aura presque aucun souvenir de son père. Et une question qui, je le crains, risque de hanter encore longtemps les plaines du Nebraska : était-ce vraiment un accident ?
Parfois, la nature garde jalousement ses secrets. Parfois, elle finit par les rendre. Mais même rendus, ils ne sont pas toujours ceux qu’on voulait entendre.
