Vous souvenez-vous de l’été 2019 ? Ce moment où l’on a appris que le financier le plus sulfureux de la planète s’était « suicidé » dans sa cellule, laissant derrière lui un océan de questions et presque aucune réponse. Six ans plus tard, on y est encore. Et cette fois, ça sent la poudre.
Au moment où j’écris ces lignes, nous sommes le 18 novembre 2025 et, dans quelques heures, les élus de la Chambre des Représentants vont appuyer sur un bouton qui pourrait tout faire basculer. Un vote, un seul, pour obliger le ministère de la Justice à ouvrir en grand les armoires où dorment les milliers de pages du dossier Jeffrey Epstein. Pas juste quelques courriels déjà leakés, non : tout. Absolument tout.
Un revirement qui laisse tout le monde pantois
Revenons deux semaines en arrière. À l’époque, l’idée même de ce vote faisait bondir la Maison Blanche. Des sources internes parlaient de coups de fil furieux, de menaces à peine voilées, de lobbying intense dans les couloirs du Capitole pour étouffer la proposition dans l’œuf. Et puis, dimanche soir, patatras. Le président sort un communiqué laconique : « Nous n’avons rien à cacher. » Sous-entendu : allez-y, votez.
Comment expliquer ce virage à 180° ? Les plus cyniques y voient un calcul politique pur et dur. Les plus optimistes, une prise de conscience tardive. Moi, je penche plutôt pour la première option – l’expérience prouve qu’en politique, les miracles arrivent rarement un dimanche soir sans raison.
« Les traces de ce vote survivront au-delà de ma présidence. »
Thomas Massie, représentant républicain et co-auteur du texte
Cette phrase, lancée comme une bombe le week-end dernier, a visiblement fait mouche. Massie, connu pour ne pas avoir la langue dans sa poche, a annoncé s’attendre à plus de cent voix républicaines en faveur du texte. Cent. Chez les républicains. Autant dire que le mur de silence commençait à sérieusement fissurer.
Les victimes au premier rang, enfin
Hier, à Los Angeles, Alicia Arden a pris le micro et les larmes aux yeux. Ancienne mannequin, elle accuse Epstein de l’avoir agressée sexuellement en 1997 dans une suite d’hôtel californienne. Sa voix tremblait mais elle n’a pas lâché :
« En tant que victime, je vous supplie de publier ces documents une bonne fois pour toutes. »
Difficile de rester insensible. Pendant des années, ces femmes (et parfois ces très jeunes filles) ont vu leurs histoires reléguées au rang de ragots people. Aujourd’hui, elles sont en première ligne et, pour une fois, on les écoute vraiment.
- Des dizaines de victimes identifiées
- Des centaines de noms cités dans les documents déjà partiellement dévoilés
- Des milliers de pages encore scellées par la justice
- Et toujours cette question : qui savait quoi ?
Larry Summers, premier domino à tomber ?
Lundi, en fin de journée, un communiqué laconique a fait l’effet d’une petite bombe : Larry Summers, ex-secrétaire au Trésor de Bill Clinton, ex-président de Harvard, annonce qu’il se retire de la vie publique. Motif ? La révélation de messages échangés avec Epstein bien après la première condamnation de 2008.
Dans son texte, Summers parle de « décision malavisée » et de volonté de « réparer la relation avec ses proches ». Traduction : il a compris que la vague arrivait et qu’il valait mieux sauter du train avant le déraillement.
Question que tout le monde se pose maintenant : qui sera le prochain ? Car si un poids lourd comme Summers préfère disparaître plutôt que d’affronter la lumière, c’est que les documents à venir doivent être particulièrement brûlants.
Le précédent des e-mails déjà publiés
Il y a une semaine, des parlementaires ont mis en ligne une série de courriels où Epstein, sans la moindre gêne, écrit qu’un certain milliardaire new-yorkais – que tout le monde reconnaît – « savait à propos des filles » et aurait même passé « plusieurs heures » avec l’une d’elles.
Le milliardaire en question ? Un habitué des soirées de Palm Beach et de Manhattan à la fin des années 80 et dans les années 90. Un homme qui, à l’époque, prêtait volontiers son avion privé. Un homme qui, aujourd’hui, occupe à nouveau le Bureau ovale.
Officiellement, leur brouille remonte au début des années 2000. Officieusement… personne n’a jamais vraiment compris pourquoi ils ont cessé de se fréquenter. Peut-être que les dossiers vont enfin nous l’apprendre.
Et après la Chambre ? Le vrai test au Sénat
Supposons – et tout laisse penser que c’est probable – que le texte passe cet après-midi à la Chambre. Direction le Sénat. Et là, ça se complique.
Le leader de la majorité républicaine peut très bien décider de ne jamais l’inscrire à l’ordre du jour. Techniquement légal. Politiquement explosif. Car refuser la transparence alors que les victimes supplient et que l’opinion publique gronde… ce serait offrir sur un plateau l’arme parfaite aux opposants.
« Donald Trump doit juste s’écarter et laisser le sort en décider. »
Hakeem Jeffries, chef de la minorité démocrate à la Chambre
Cette phrase, prononcée hier sur les marches du Capitole, résume assez bien l’état d’esprit d’une partie de Washington : on veut des réponses, et on est prêt à tout pour les obtenir.
Pourquoi maintenant ?
La vraie question que peu de gens posent, c’est : pourquoi ce vote arrive-t-il précisément en novembre 2025 ?
Plusieurs éléments se combinent :
- Les midterms de 2026 approchent, certains élus veulent se démarquer
- La base la plus radicale du parti républicain n’a jamais digéré que « les promesses de révélations » de campagne soient restées lettre morte
- Les fuites successives ont créé un effet boule de neige impossible à endiguer
- Et surtout, les victimes ne lâchent rien – jamais
Le résultat ? Un de ces moments rares où la politique, la justice et la morale publique se retrouvent dans le même bateau. Et le bateau tangue sévère.
Ce que l’on risque vraiment de découvrir
Officiellement, on parle de « transparence pour les victimes ». En réalité, tout le monde sait que l’ouverture complète des dossiers pourrait faire tomber des têtes dans plusieurs camps.
On parle de :
- Listes de passagers ultra-précises des vols Lolita Express
- Vidéos de surveillance des propriétés d’Epstein (certaines auraient survécu)
- Enregistrements téléphoniques
- Et surtout le fameux « carnet d’adresses » dans sa version non expurgée
Autant dire que des deux côtés de l’échiquier politique, on retient son souffle. Car si Epstein avait effectivement des amis partout, il avait aussi des ennemis partout. Et certains ennemis d’hier pourraient bien devenir les héros du jour… ou l’inverse.
Et nous, dans tout ça ?
Je vais être honnête : une partie de moi redoute ce qui va sortir. Pas parce que j’ai quelque chose à cacher ( Dieu merci), mais parce que l’on risque de découvrir à quel point le système a pu être pourri pendant des décennies.
L’autre partie de moi – la plus grande, je crois – pense que c’est exactement le prix à payer. On ne peut pas construire quoi que ce soit de sain sur des secrets aussi lourds. Les victimes méritent la vérité. Le public aussi.
Au fond, ce vote d’aujourd’hui n’est pas seulement technique. C’est un test. Un test de courage pour les élus. Un test de maturité pour le pays tout entier.
Dans quelques heures, on saura si les États-Unis sont prêts à regarder enfin en face une de leurs pages les plus sombres.
Ou si, une fois de plus, on préférera refermer la boîte.
Je mettrai à jour cet article dès que le résultat du vote sera connu. En attendant, une seule chose est sûre : ce 18 novembre 2025 restera dans les mémoires. Quelle que soit l’issue.
