Vous vous souvenez quand la Coupe de France rapportait encore plus de 20 millions d’euros par an ? Moi oui. C’était il y a quelques années à peine, et pourtant on a l’impression que c’était dans une autre vie du football français. Aujourd’hui, la reine des coupes nationales doit se battre pour ne pas tomber sous la barre des 12 millions. Et franchement, ça fait mal au cœur.
La Fédération vient de lancer un appel d’offres qui sent la poudre. Pas parce qu’il va y avoir dix candidats, non. Mais parce que, pour une fois, elle a vraiment essayé de secouer le cocotier. Et dans un marché des droits TV qui ressemble de plus en plus à un champ de ruines, c’est déjà énorme.
Un contexte financier plus que tendu
Commençons par le plus brutal : la FFF va boucler l’exercice 2024-2025 avec un déficit de 8 millions d’euros. Philippe Diallo, le président, l’assume totalement. Il parle même de « décisions courageuses », notamment cette aide exceptionnelle de 10 millions versée au football pro. Beau joueur.
Mais soyons honnêtes deux minutes. Sans les 20 millions tombés du ciel grâce à l’opération CVC l’an dernier, on parlerait plutôt d’un trou de 18 millions. Et là, ça commence à faire sérieusement peur. Dans ce contexte, la Coupe de France n’est plus seulement la compétition romantique des petits poucets. C’est devenu un actif vital pour remplir les caisses.
« La Coupe de France est l’une des épreuves sportives les plus populaires, mais cela n’a pas empêché de voir les droits quasiment divisés par deux entre les deux derniers contrats. J’espère que les diffuseurs répondront présents. »
Philippe Diallo, président de la FFF
Quand le boss dit ça avec cette petite pointe de regret dans la voix, on sent que ça le travaille. Et il a raison d’être inquiet.
Comment la FFF a construit son appel d’offres
L’appel d’offres est malin. Vraiment malin. On sent que les équipes juridiques et commerciales ont passé des nuits blanches pour trouver le bon équilibre entre sécuriser le contrat actuel… et rêver d’un gros coup.
Le schéma est le suivant :
- Lot A : 10 matches premium (5 matches des 32es + le meilleur match à chaque tour + la finale). C’est exactement ce que diffuse actuellement le service public.
- Lot B : les 53 autres matches, avec droit de co-diffusion sur les 10 du lot A. C’est le lot beIN Sports d’aujourd’hui.
- Lot AB’ (le piège génial) : la totalité des 63 matches en exclusivité dès les 32es de finale.
Et là, attention, la règle d’or : si une offre sur le lot AB’ est supérieure à l’addition des lots A + B, alors le candidat rafle tout. Peu importe qui a proposé quoi sur les lots séparés. C’est du jamais-vu pour la Coupe de France.
En clair ? La FFF fait semblant de vouloir reconduire le duo historique (8 millions du service public + environ 4 millions de la chaîne qatarie), tout en laissant une porte grande ouverte à un acteur qui voudrait tout prendre. Amazon, Apple, DAZN, Netflix même ? Pourquoi pas. On a vu plus fou ces dernières années.
Les exigences techniques et financières sont costaudes
Parce que le football français a déjà été échaudé par des diffuseurs qui promettent monts et merveilles puis se retrouvent en cessation de paiement (coucou Mediapro), la Fédération a blindé son cahier des charges.
- Production intégrale des matches à la charge du diffuseur (et avec un niveau d’exigence très élevé)
- Envoyer sur place au minimum deux commentateurs + un journaliste bord terrain
- Garanties financières béton : garantie bancaire à première demande, caution de la maison mère, accélération des paiements…
- Paiement en quatre fois dans l’année (15 juillet, octobre, janvier, avril)
- Prix de réserve secret fixé au dernier moment par Philippe Diallo lui-même
Traduction : on ne veut plus de chèques en bois. On veut du cash, et vite.
Petit détail qui a son importance : la FFF se dit « sensible à l’augmentation de la proposition financière d’une saison sur l’autre ». En gros, si tu commences à 15 millions la première année et que tu montes à 20 la dernière, tu marques des points. C’est une façon détournée d’attirer les plateformes qui ont besoin de temps pour rentabiliser leur investissement.
Quatre saisons fermes, une cinquième en option
Les candidats doivent obligatoirement enchérir sur les saisons 2026-2027 à 2029-2030. Mais ils peuvent ajouter la saison 2030-2031 en option. Pourquoi ? Parce que les gros acteurs du streaming pensent sur le long terme. Ils savent qu’il faut plusieurs années pour fidéliser un public sur un nouveau contenu sportif.
C’est exactement la stratégie qu’a utilisée Amazon avec la Ligue 1 en 2021 : accepter un prix élevé au début pour construire une base d’abonnés, puis rentabiliser ensuite. La FFF espère manifestement qu’un nouvel entrant raisonnera pareil.
Le calendrier : ça va aller très vite
Les offres doivent être déposées le 9 décembre à 12h précises. Oui, dans moins de deux semaines au moment où j’écris ces lignes. Ensuite ?
- Analyse des offres initiales
- Possibilité d’un second tour d’enchères entre les meilleurs candidats
- Ou négociations directes en gré à gré
- Décision finale avant la fin de l’année, probablement
Autant dire que Noël risque d’être agité du côté de la Fédération.
Et la Coupe de France féminine et la Gambardella dans tout ça ?
Elles sont incluses dans le même appel d’offres. Logique : personne ne veut d’un diffuseur différent pour chaque compétition, ça deviendrait ingérable. Mais du coup, ça gonfle encore la valeur potentielle du lot exclusif.
Imaginez une plateforme qui propose la Coupe de France hommes + femmes + Gambardella en package complet, avec des magazines, des documentaires sur les petits clubs, des formats courts pour les réseaux… Il y a de quoi construire quelque chose de très puissant.
Mon pronostic personnel (et je me mouille)
Soyons réalistes : la probabilité de voir le duo historique reconduit reste la plus élevée. Le service public adore la Coupe de France, ça fait partie de son ADN. Et beIN a besoin de contenu français pour justifier son prix d’abonnement.
Mais… j’ai un petit faible pour l’idée qu’une plateforme fasse une offre surprise sur le lot AB’. Pas forcément pour gagner tout de suite. Juste pour faire monter les enchères. Un peu comme quand DAZN était entré dans la danse pour la Ligue 1 en 2021.
Parce que si une plateforme propose 18 ou 20 millions par an pour tout prendre, même en perdant de l’argent les premières années, la FFF dira oui sans hésiter. Et là, ça ferait très mal aux diffuseurs traditionnels.
On a déjà vu des compétitions historiques basculer du jour au lendemain vers le streaming. Regardez la Supercoupe d’Italie, la Copa del Rey, même certaines coupes nationales en Allemagne. Rien n’est écrit d’avance.
Ce qui est sûr, c’est que ce 9 décembre 2025 va être un jour à marquer d’une pierre blanche. Soit on reste dans la continuité rassurante, soit on entre dans une nouvelle ère pour la plus belle des coupes nationales.
Et quelque part, j’espère presque le scénario fou. Parce que la Coupe de France mérite mieux que de vivoter avec des droits divisés par deux en quelques années. Elle mérite qu’on se batte pour elle. Vraiment.
Et vous, vous en pensez quoi ? Reconduction tranquille ou révolution streaming ? Dites-moi tout en commentaire, je suis curieux de connaître votre avis !
