Vous vous souvenez de cette sensation quand un vieux tube passe à la radio et vous ramène direct en enfance ? Pour moi, « Couleur menthe à l’eau » d’Eddy Mitchell, c’est exactement ça : une madeleine de Proust musicale, avec sa mélodie douce-amère et ses paroles qui parlent d’amour un peu désabusé. Et puis un jour, on apprend que cette même chanson a été détournée, salie même, par des paroles remplies de haine antisémite. Franchement, ça fait un choc. Comment une œuvre d’art peut-elle être récupérée à ce point ? C’est ce genre d’histoire qui nous pousse à nous interroger sur les limites de la liberté d’expression et sur la vigilance nécessaire face à la propagation de la haine.
Un détournement qui ne passe pas inaperçu
L’affaire a éclaté récemment, même si les faits remontent à 2023. Lors d’un rassemblement organisé par un mouvement d’extrême droite bien connu pour ses positions racistes, un participant a repris le célèbre titre de 1980 en modifiant complètement les paroles. Au lieu des mots romantiques et nostalgiques, on a eu droit à des textes antisémites et négationnistes, du genre qui glace le sang. Une vidéo de cette performance a circulé, et c’est seulement tout récemment que l’artiste et son label ont été mis au courant.
Eddy Mitchell, à 83 ans, n’a pas hésité une seconde. Avec Universal Music France, il a immédiatement condamné ces agissements. Ils ont exigé le retrait pur et simple de la vidéo en question, qualifiant les paroles substituées d’« extrêmement graves » et d’une gravité antisémite incontestable. On sent dans leur réaction une indignation sincère, celle d’un artiste qui voit son œuvre profanée.
Ils ont demandé le retrait immédiat de cette vidéo et condamnent avec la plus grande fermeté les paroles antisémites et négationnistes d’une extrême gravité que cet individu a substituées aux paroles originales.
Communiqué officiel du label
Ce qui frappe, c’est la rapidité de la réaction une fois l’information connue. On imagine le choc en découvrant ça des années après les faits. Parce que oui, l’événement date de 2023, mais la vidéo n’a été largement relayée que plus tard. Ça pose la question : combien de contenus haineux circulent encore dans des recoins du net sans que les concernés en soient informés ?
Le contexte d’un festival controversé
Le festival en question était organisé par un mouvement dirigé par une figure multicondamnée pour incitation à la haine raciale et négationnisme. Ce n’est pas un rassemblement anodin : on parle d’un groupe qui fait régulièrement parler de lui pour ses idées extrêmes. Dans ce cadre, reprendre une chanson populaire pour y injecter du venin idéologique n’a rien d’étonnant, malheureusement. C’est une vieille tactique : utiliser des airs connus pour diffuser plus facilement des messages nauséabonds.
Mais là, le choix de « Couleur menthe à l’eau » ajoute une couche d’ironie amère. Cette chanson, sortie en 1980, est un classique de la variété française, un titre qui parle d’amour impossible, de souvenirs doux et mélancoliques. La transformer en vecteur de haine, c’est non seulement une insulte à l’artiste, mais aussi une perversion totale de l’esprit de l’œuvre.
J’ai repensé aux paroles originales : « Couleur menthe à l’eau, c’est tellement plus beau quand c’est inutile ». Une phrase poétique, presque philosophique. La remplacer par des insultes antisémites, c’est comme taguer une cathédrale avec des graffitis racistes. Inacceptable.
La réaction politique ne tarde pas
L’affaire n’est pas restée cantonnée au monde musical. Une ministre déléguée chargée de la lutte contre les discriminations a rapidement réagi, annonçant un signalement au procureur de la République. Elle a été claire : la banalisation de l’antisémitisme, qu’elle vienne de l’extrême gauche ou de l’extrême droite, ne sera pas tolérée. Dans ce cas précis, le caractère antisémite ne fait « aucun doute ».
Cette prise de position politique montre que l’affaire dépasse le simple cadre artistique. Elle touche à des questions de société profondes : comment lutter efficacement contre la haine en ligne ? Quelles sont les responsabilités des plateformes qui hébergent ce type de contenus ? Et surtout, comment protéger les œuvres culturelles de ce genre de récupération ?
- Signalement immédiat auprès de la justice
- Condamnation ferme de toute forme d’antisémitisme
- Rappel que la haine n’a pas de camp politique exclusif
- Insistance sur la nécessité d’une vigilance constante
On sent une volonté de ne pas laisser passer ce genre de dérapage. Et franchement, c’est rassurant de voir les institutions réagir aussi vite.
Eddy Mitchell, une icône qui traverse les époques
Pour comprendre l’ampleur du choc, il faut revenir sur qui est Eddy Mitchell. À 83 ans, il reste une figure incontournable de la chanson française. Sa voix grave, son style crooner, son amour du rock’n’roll américain mâtiné de textes bien français… Il a marqué des générations.
Ses tubes ? Une liste interminable : « Pas de boogie woogie », « La dernière séance », « Il ne rentre pas ce soir »… Et bien sûr « Couleur menthe à l’eau », qui a été un énorme succès à sa sortie. L’homme a derrière lui plus de soixante ans de carrière, quarante albums studio, des tournées mythiques. Même récemment, il a sorti « Amigos », un disque qui montre qu’il n’a rien perdu de sa verve.
Malheureusement, des problèmes de santé l’ont forcé à annuler une tournée prévue. Mais ça ne l’empêche pas de rester actif et de défendre ses valeurs. Voir un artiste de cette stature obligé de gérer ce genre de polémique à son âge, ça fait réfléchir sur la violence de certains discours actuels.
Pourquoi ce genre de détournement est si dangereux
On pourrait se dire : « Ce n’est qu’une chanson reprise bêtement lors d’un festival marginal ». Mais non. Ce type de récupération est particulièrement insidieux. En utilisant un air connu, populaire, presque affectif pour beaucoup de Français, les messages haineux s’insinuent plus facilement dans les esprits.
C’est une forme de banalisation. Les gens chantent, rient peut-être, et les paroles passent presque inaperçues sur le moment. Pourtant, elles distillent du poison. L’antisémitisme, le négationnisme, ce ne sont pas des opinions anodines : ce sont des délits, et moralement, c’est indefendable.
L’aspect le plus inquiétant, c’est que ce n’est pas un cas isolé. On a vu par le passé d’autres chansons détournées à des fins politiques extrêmes. La musique, parce qu’elle touche directement les émotions, est un vecteur puissant. Quand elle est utilisée pour propager la haine, les dégâts peuvent être considérables, surtout auprès des plus jeunes qui découvrent ces vidéos sans contexte.
Les responsabilités des artistes et des labels
Dans cette affaire, la réaction d’Eddy Mitchell et de son label est exemplaire. Ils n’ont pas minimisé, ils ont agi. Demander le retrait de la vidéo, condamner publiquement, c’est le minimum, mais beaucoup d’artistes ne le font pas toujours avec autant de fermeté.
Ça soulève une question plus large : jusqu’où les créateurs sont-ils responsables de l’utilisation de leurs œuvres ? Légiquement, le droit d’auteur protège contre les modifications non autorisées. Moralement, quand une chanson devient un symbole de haine, l’artiste a-t-il le devoir de réagir ? Je pense que oui. Le silence pourrait être perçu comme une forme de complaisance.
Les labels, eux, ont un rôle technique important : surveiller l’utilisation de leur catalogue, signaler les abus. Avec les outils actuels de veille sur internet, c’est de plus en plus faisable, même si ça demande des moyens.
Et nous, public, on fait quoi ?
On ne peut pas tout mettre sur le dos des artistes ou des politiques. Nous, en tant qu’auditeurs, consommateurs de contenu, on a aussi notre part. Signaler les vidéos haineuses, ne pas les partager même pour les dénoncer sans précaution, éduquer autour de nous.
Personnellement, quand je tombe sur ce genre de contenu, je me dis qu’il faut réagir calmement mais fermement. Partager la condamnation officielle, expliquer pourquoi c’est grave. Parce que l’indifférence, c’est le terreau de la haine.
Et puis, il y a une action positive : réécouter les versions originales, célébrer l’œuvre telle qu’elle a été pensée. Redonner du sens à « Couleur menthe à l’eau » en la partageant dans son intégrité. C’est une petite résistance culturelle, mais elle compte.
Vers une meilleure protection des œuvres culturelles ?
Cette affaire pourrait-elle faire bouger les choses ? On peut l’espérer. Peut-être que les plateformes seront plus vigilantes, que les lois sur la haine en ligne seront renforcées. En attendant, elle nous rappelle une évidence : la culture n’est pas neutre. Elle peut guérir, rassembler, mais aussi, quand elle est détournée, blesser profondément.
Eddy Mitchell, avec sa carrière exemplaire, mérite mieux que de voir un de ses plus beaux titres associé à la laideur de l’antisémitisme. Espérons que cette condamnation ferme marque un tournant et que ce genre de détournement deviendra plus rare. Parce que la musique, la vraie, celle qui touche le cœur, devrait toujours rester du côté de la beauté et de l’humanité.
En attendant, je vous laisse avec cette pensée : la prochaine fois que vous entendrez « Couleur menthe à l’eau », savourez-la. C’est une chanson d’amour, de nostalgie, de liberté. Rien d’autre.
