Quand j’étais gamin, je me souviens encore de l’effervescence dans ma petite ville quand l’équipe locale grimpait les échelons du foot français. Les gradins vibraient, les discussions au café tournaient autour des exploits des joueurs, et l’espoir d’un retour au sommet était palpable. Aujourd’hui, une figure inattendue ravive cette flamme dans une ville qui a connu des jours sombres : Élise Bussaglia, ancienne star du football féminin, entraîne désormais l’équipe masculine de Sedan avec une ambition claire – ramener le club là où il mérite d’être. Son histoire, c’est celle d’une passion viscérale pour le foot, d’un retour aux racines et d’un défi qui pourrait bien redéfinir les codes du ballon rond.
Une Légende au Service de Sedan
Élise Bussaglia n’est pas une inconnue dans le monde du football. Avec 192 sélections en équipe de France féminine, elle est l’une des joueuses les plus capées de l’histoire des Bleues. Milieu de terrain à l’OL et au FC Barcelone, elle a marqué son époque par son intelligence tactique et sa vision du jeu. Mais c’est à Sedan, sa ville natale, qu’elle écrit aujourd’hui un nouveau chapitre. Nommée entraîneuse de l’équipe masculine senior du CS Sedan Ardennes pour la saison 2024-2025, elle est devenue la femme officiant au plus haut niveau dans le football masculin en France. Son objectif ? Une montée en N3, après avoir déjà décroché une promotion en R1 l’an dernier.
Revenir à Sedan, c’était une évidence. C’est ma ville, mon club de cœur. Je veux participer à sa reconstruction.
– Élise Bussaglia
Ce retour aux sources n’a rien d’un hasard. Sedan, un club chargé d’histoire avec deux Coupes de France à son palmarès, a traversé des années noires, marquées par un dépôt de bilan en 2023 et une rétrogradation en R3. Pourtant, sous l’impulsion de Bussaglia et du nouveau propriétaire, l’international sénégalais Kalidou Koulibaly, le club retrouve des couleurs. Mais comment une ancienne gloire du foot féminin parvient-elle à s’imposer dans un univers encore largement dominé par les hommes ?
Un Parcours Forgé par la Passion
Née à Sedan, Élise Bussaglia a grandi avec les exploits des Sangliers dans le sang. Son père, fervent supporter, l’emmenait au stade Émile-Albeau, où elle vibrait devant les matchs. Cette connexion émotionnelle avec le club l’a poussée à accepter le défi d’entraîner l’équipe masculine, malgré un parcours qui aurait pu la mener ailleurs. Après une carrière de joueuse à Dijon, où elle a brièvement entraîné les U14, elle est revenue dans les Ardennes en 2020 pour coacher l’équipe féminine de Charleville-Mézières, tout en reprenant son métier de professeure des écoles.
Son parcours n’est pas sans rappeler celui d’une autre légende sedanaise, Louis Dugauguez, instituteur devenu entraîneur mythique du club. Comme lui, Bussaglia allie rigueur et passion. Mais là où Dugauguez a marqué l’histoire avec des trophées, Bussaglia doit d’abord composer avec les réalités du football amateur.
- Rigueur tactique : Inspirée par son passage à Barcelone, elle impose un 4-3-3 axé sur la possession.
- Discipline : Retards à l’entraînement ? Attendez-vous à des tours de terrain !
- Adaptation : Elle conduit elle-même le minibus pour emmener ses joueurs sur des terrains éloignés.
Ces contraintes, loin de la décourager, lui rappellent ses débuts dans le foot féminin, avant sa professionnalisation. « Ça me remet les pieds sur terre », confie-t-elle avec un sourire. Et les résultats suivent : l’an dernier, Sedan a terminé premier de R2, invaincu sur le terrain.
Briser les Plafonds de Verre
Dans un sport encore marqué par des stéréotypes de genre, Bussaglia fait figure de pionnière. Si elle n’a pas encore rencontré de comportements sexistes à Sedan, elle sait que le chemin est long. « Le football reste un monde d’hommes, mais les mentalités évoluent », note-t-elle. Ailleurs, des femmes comme Helena Costa, directrice sportive à Estoril, ou Sabrina Wittmann, entraîneuse à Ingolstadt, montrent que l’Europe avance plus vite que la France sur ce terrain.
Si Élise était un homme, elle serait déjà sur un banc pro depuis longtemps. Sa carrière parle pour elle.
– Un ancien membre du staff sedanais
Son passé de joueuse lui confère une légitimité immédiate. « On a tous vu ses matchs à la télé, ça impose le respect », témoigne le capitaine Axel Villière. Mais Bussaglia ne se repose pas sur ses lauriers. Elle suit actuellement une formation pour obtenir le DES, un diplôme qui lui permettra d’entraîner jusqu’en N2. Dans sa promotion, seules cinq femmes sur 66 candidats. Un chiffre qui en dit long sur les défis à venir.
| Aspect | Détails | Impact |
| Carrière de joueuse | 192 sélections, OL, FC Barcelone | Légitimité auprès des joueurs |
| Formation | BEF obtenu, DES en cours | Accès à des niveaux supérieurs |
| Philosophie | 4-3-3, possession | Style de jeu ambitieux |
Ce qui frappe, c’est sa capacité à transformer les contraintes en opportunités. En imposant un cadre strict et une philosophie de jeu audacieuse, elle prouve que le genre n’a pas sa place dans l’évaluation des compétences. Mais jusqu’où peut-elle mener Sedan ?
Un Projet Ambitieux pour l’Avenir
Le rachat du club par Kalidou Koulibaly en mai 2024 a donné un nouvel élan à Sedan. Avec des investissements comme une pelouse synthétique au stade Louis-Dugauguez, le club se structure pour viser plus haut. L’objectif à moyen terme ? La N2 d’ici quatre ans. Mais Bussaglia voit plus grand. « Mon rêve, c’est d’entraîner Sedan en Ligue 1 », confie-t-elle, les yeux brillants.
Ce rêve peut sembler fou, mais il est ancré dans une réalité tangible. La saison dernière, le club attirait déjà 1500 à 2000 spectateurs en R2. Avec une communauté locale mobilisée et un projet porté par des figures comme Koulibaly et Bussaglia, Sedan pourrait redevenir une place forte du foot français. Mais le chemin est semé d’embûches : cinq promotions seront nécessaires pour atteindre l’élite.
- Stabilisation en R1 : Consolider les bases après la montée.
- Montée en N3 : Objectif prioritaire pour 2025-2026.
- Structuration du club : Investissements dans les infrastructures et le staff.
Pour y parvenir, Bussaglia s’appuie sur une méthode éprouvée : discipline, tactique et passion. Son 4-3-3, inspiré par des entraîneurs comme Gérard Prêcheur, mise sur la possession face à des équipes souvent retranchées en bloc bas. « Quand elle parle foot, on sent qu’elle vit pour ça », confie un membre du staff. Et moi, en tant que passionné de foot, je ne peux m’empêcher de trouver ça inspirant. Combien de clubs amateurs peuvent se vanter d’avoir une entraîneuse de ce calibre ?
Un Symbole d’Égalité et de Renouveau
Si Bussaglia réussit, elle ne fera pas seulement renaître Sedan. Elle enverra un message fort : dans le football, les compétences priment sur le genre. À une époque où les femmes gagnent du terrain dans les instances sportives, son parcours pourrait inspirer une nouvelle génération d’entraîneuses. Mais, soyons honnêtes, le chemin reste long. Dans les clubs amateurs, les femmes sont encore souvent cantonnées à des rôles administratifs ou à l’école de foot. Bussaglia, elle, brise ces barrières avec une détermination tranquille.
Elle n’est pas jugée pour son genre, mais pour ce qu’elle apporte sur le terrain.
– Un joueur de l’équipe sedanaise
Ce qui rend son histoire si captivante, c’est ce mélange d’humilité et d’ambition. Elle conduit un minibus pour emmener ses joueurs à l’entraînement, mais rêve de Ligue 1. Elle enseigne à des CM1, mais impose des séances filmées pour analyser les tactiques. Ce contraste, c’est ce qui fait d’elle une figure unique dans le paysage du foot français.
Les Défis à Venir
La route vers la N3 ne sera pas une promenade de santé. Les clubs régionaux sont souvent des bastions défensifs, et Bussaglia devra continuer à imposer son style offensif. De plus, le football amateur demande une gestion méticuleuse des ressources humaines et matérielles. Mais avec le soutien de Koulibaly et l’engouement des supporters, Sedan a des atouts à faire valoir.
Et puis, il y a cette question qui trotte dans la tête de tout supporter : jusqu’où ira-t-elle ? Si elle parvient à hisser Sedan en N2, puis en N1, elle pourrait attirer l’attention de clubs plus huppés. Mais, à l’écouter, on sent que son cœur est à Sedan. « C’est ici que tout a commencé pour moi », dit-elle. Et si c’était aussi ici que tout recommençait ?
En attendant, Bussaglia continue de tracer sa voie, entre les terrains boueux de la R1 et les rêves de grandeur. Son histoire, c’est celle d’une femme qui refuse de se laisser enfermer dans des cases. Et franchement, en tant que fan de foot, je ne peux qu’espérer qu’elle réussisse. Parce que si elle y arrive, ce ne sera pas seulement une victoire pour Sedan, mais pour tout le football.
