Imaginez-vous un instant. Les Jeux olympiques sont terminés depuis plus d’un an, les projecteurs mondiaux se sont éteints, et pourtant, à deux pas du Stade de France, des centaines d’appartements ultra-modernes restent désespérément vides ou réservés à des loyers hors de prix. Et si, demain, une maire décidait purement et simplement de les réquisitionner pour y installer les familles qui dorment dans la rue ? C’est exactement le pari fou – ou génial, c’est selon – que porte une candidate dont on commence à beaucoup parler à Saint-Denis.
Elle s’appelle Elsa Marcel. 32 ans. Avocate au barreau de Seine-Saint-Denis. Et elle veut devenir maire en 2026.
Une candidature qui ne passe pas inaperçue
Franchement, quand on parcourt les rues de Saint-Denis en ce moment, on sent que quelque chose bouge. Entre les habituels tracts des partis traditionnels et les affiches déjà un peu défraîchies que certains collent dès 2025, il y a ce nom qui revient de plus en plus : Elsa Marcel. Pas vraiment une figure historique de la ville, et pourtant, elle est déjà partout sur les réseaux, dans les débats télé et même dans les conversations de café.
Ce qui frappe d’abord, c’est son âge. À 32 ans, elle fait figure de jeunesse insolente face aux « politiciens professionnels », comme elle aime les appeler avec un petit sourire en coin. Installée depuis dix ans à Saint-Denis, elle y a ouvert son cabinet il y a peu. Mais avant d’enfiler le costume de candidate, elle a surtout passé ces dernières années sur le terrain des luttes.
L’avocate qui préfère les manifs aux palais de justice
Si vous avez suivi un tant soit peu l’actualité ces dernières années, son visage vous dit forcément quelque chose. Sainte-Soline, les manifestations après la mort de Nahel, le soutien à la cause palestinienne… Elsa Marcel est souvent là, robe d’avocate sur le dos, à défendre celles et ceux que l’on arrête un peu trop vite.
Elle ne fait pas mystère de son combat : dénoncer ce qu’elle appelle le « durcissement répressif » de l’État. Et elle le fait avec une constance qui force le respect, même chez ceux qui ne partagent pas ses idées. Dossier après dossier, audience après audience, elle s’est forgé une réputation d’avocate qui ne lâche rien.
« Je défends des gamins qui n’ont rien fait d’autre que manifester. Pendant ce temps, on laisse des logements vides pendant que des familles dorment dehors. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. »
Cette phrase, elle la répète souvent. Et elle résume assez bien la philosophie qui l’anime.
Révolution permanente : neuf listes en France, une ambition nationale
Pour ces municipales 2026, Elsa Marcel ne se présente pas seule dans son coin. Elle porte les couleurs d’un mouvement baptisé Révolution permanente. Et attention, ce n’est pas une petite liste locale improvisée : le mouvement présente neuf têtes de liste dans toute la France. Saint-Denis est leur vitrine, leur laboratoire, leur pari le plus audacieux.
Le programme ? Radical, sans détour. Et la mesure phare, celle qui fait bondir les uns et rêver les autres, c’est la réquisition pure et simple du village olympique.
Le village olympique, ce symbole qui cristallise tout
Reprenons depuis le début. Le village des athlètes, construit pour les JO de 2024, c’était la promesse d’un quartier flambant neuf : 2 800 logements, des immeubles éco-responsables, des espaces verts, le rêve urbain. Sauf que, comme souvent, la réalité post-olympique a rattrapé les beaux discours.
Une partie des appartements a été vendue à des investisseurs. Une autre partie est louée à des loyers que peu de Dionysiens peuvent se payer. Et pendant ce temps, dans la même ville, des familles entières vivent toujours dans des hôtels sociaux ou, pire, à la rue.
Pour Elsa Marcel, c’est l’exemple parfait de ce qui ne va pas : on construit du luxe pendant que les besoins de base ne sont pas remplis.
- Des logements modernes, bien isolés, bien desservis
- À quelques minutes du métro et du RER
- Et pourtant inaccessibles pour la majorité des habitants historiques de la ville
Son idée ? Si elle est élue, elle lancera immédiatement une procédure de réquisition. Pas demain, pas dans cinq ans : tout de suite. « Une pièce en plus pour le même loyer », plaisantait récemment un habitant du quartier en pensant à la formule choc de la candidate.
Une mesure légale ? Le débat est lancé
Évidemment, la question qui brûle toutes les lèvres : est-ce seulement possible ? Réquisitionner des logements privés ou publics, ça ne se fait pas comme ça, même quand on est maire.
Les juristes s’écharpent déjà. D’un côté, il existe bien des outils légaux : la réquisition en cas de crise du logement est prévue par la loi, même si elle est rarement utilisée. De l’autre, les propriétaires – souvent des investisseurs institutionnels – ne vont pas se laisser faire sans combattre.
Mais Elsa Marcel, justement avocate, connaît le dossier sur le bout des doigts. Elle assure que c’est non seulement possible, mais nécessaire. Et elle n’hésite pas à rappeler que d’autres maires, dans l’histoire récente, ont su utiliser des leviers similaires pour répondre à l’urgence sociale.
Saint-Denis, terrain de tous les possibles
Il faut dire que Saint-Denis n’est pas n’importe quelle ville. C’est un concentré de contrastes : la basilique royale côtoie les tours des années 70, le Stade de France brille pendant que certains quartiers manquent de tout. C’est aussi une ville jeune, populaire, où l’on vote beaucoup à gauche – souvent très à gauche.
Dans ce contexte, la candidature d’Elsa Marcel ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans une longue tradition de contestation et d’expérimentations politiques. Et elle tombe au bon moment : la colère contre le coût de la vie, contre le logement inabordable, contre le sentiment d’abandon est palpable.
J’ai discuté avec plusieurs habitants ces derniers jours. Les avis sont tranchés :
- Certains trouvent l’idée « complètement irréaliste », « une provocation électorale »
- D’autres, au contraire, y voient enfin quelqu’un qui « ose dire les choses »
- Et puis il y a ceux qui hésitent : « Et si ça marchait ? »
C’est peut-être là toute la force de cette candidature : elle oblige tout le monde à se repositionner. Même les adversaires sont obligés d’en parler. Le sujet du logement, qui était souvent relégué au second plan, revient au cœur du débat.
Une campagne qui s’annonce explosive
À moins de quelques mois du scrutin, on sent déjà que ça va être chaud. Les réunions publiques s’enchaînent, les réseaux sociaux s’enflamment, les tracts volent. Et au milieu de tout ça, Elsa Marcel avance, calme et déterminée.
Elle le sait : elle n’est pas favorite. Loin de là. Mais elle joue autre chose. Elle veut imposer ses thèmes, déplacer les lignes, forcer les autres candidats à parler logement, précarité, héritage olympique. Et sur ce terrain-là, elle marque déjà des points.
Comme elle me le confiait récemment, avec ce petit sourire qui ne la quitte presque jamais :
« On ne va pas gagner en faisant comme les autres. On va gagner en étant différents. Radicalement différents. »
Est-ce que ça suffira ? Personne ne le sait encore. Mais une chose est sûre : à Saint-Denis, la campagne 2026 ne ressemblera à aucune autre. Et Elsa Marcel, qu’on l’aime ou qu’on la déteste, y est déjà pour beaucoup.
À suivre, donc. Très attentivement.
(Article mis à jour le 17 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
