Il y a quelque chose de poignant à voir une aventure humaine s’éteindre, surtout quand elle porte en elle l’âme d’une région. En Bretagne, où le vent salé de l’Atlantique semble murmurer des histoires de courage et de passion, le cyclisme a toujours été plus qu’un sport : c’est une identité. Au cœur de cette culture, un homme a marqué les esprits, non sans controverses, mais avec une détermination rare. Cet homme, c’est Emmanuel Hubert, ancien coureur, directeur sportif, et manager visionnaire qui a porté haut les couleurs de l’équipe Arkéa-B&B Hotels. Alors que cette structure mythique s’efface du peloton professionnel, je me suis demandé : que reste-t-il de l’héritage d’un homme qui a tout donné pour son rêve ?
Un Homme, une Région, une Passion
Pour comprendre l’histoire d’Emmanuel Hubert, il faut plonger dans le terreau fertile du cyclisme breton. Cette région, où les routes sinueuses et les côtes abruptes forgent des coureurs endurcis, a toujours été un vivier de talents. Hubert, natif de Saint-Malo, n’a pas seulement grandi dans cet environnement ; il l’a incarné. Ancien coureur professionnel jusqu’en 1997, il n’a jamais atteint les sommets des légendes comme Bernard Hinault, mais son parcours de sprinteur-puncheur a laissé des traces. Un collègue d’époque, aujourd’hui directeur sportif, le compare à un « sniper » des pelotons, capable de saisir sa chance dans les moments clés.
Mais c’est hors de la selle qu’Hubert a véritablement brillé. En 2005, il revient dans le cyclisme comme directeur sportif, avant de prendre les rênes d’une équipe régionale en 2014. Son ambition ? Faire d’une modeste structure bretonne une force du peloton international. Mission accomplie, diront certains, mais à quel prix ?
De Coureur à Manager : Une Reconversion Audacieuse
Quand on parle d’Emmanuel Hubert, on évoque souvent son charisme. « Jovial, épicurien, un mec qui aime la vie », disent ceux qui l’ont côtoyé. Mais derrière cette façade bonhomie, il y a un homme qui a appris à naviguer dans un monde impitoyable. Après avoir raccroché son vélo, il s’est d’abord essayé au commerce, occupant un poste de directeur commercial pendant quatre ans. Ce détour par le monde des affaires lui a donné une arme précieuse : la capacité à convaincre. Et dans le cyclisme professionnel, où les budgets se chiffrent en millions, cette compétence est d’or.
Il a su transformer une équipe régionale en une formation respectée sur la scène mondiale.
– Un ancien collaborateur d’Hubert
En 2014, lorsqu’il devient manager de l’équipe alors appelée Bretagne-Jean Floch, Hubert doit apprendre un nouveau métier : « aller chercher de l’oseille », comme il le dit avec son franc-parler. Ce n’est pas seulement une question de gestion d’équipe, mais de stratégie financière. Selon des proches, il aurait levé pas moins de 220 millions d’euros au fil des années pour financer son projet. Un exploit dans un sport où les sponsors se font rares et où chaque euro compte.
Un Visionnaire au Service des Jeunes Talents
L’un des aspects les plus fascinants du parcours d’Hubert, c’est sa capacité à repérer et à développer des talents. Dans un milieu où les places sont chères, il a offert leur chance à des coureurs qui, sans lui, n’auraient peut-être jamais percé. Des noms comme Romain Hardy ou Laurent Pichon reviennent souvent dans les discussions. Selon un ancien directeur sportif, « sans Manu, ces gars n’auraient pas eu de carrière pro ». C’est une fierté qu’Hubert revendique, lui qui a toujours voulu bâtir une équipe à l’image de la Bretagne : solide, combative, humaine.
- Détection de talents : Identifier des coureurs prometteurs dans un vivier régional.
- Formation : Accompagner les jeunes vers le niveau professionnel.
- Esprit d’équipe : Créer une dynamique où chaque coureur se sent valorisé.
Et pourtant, tout n’a pas été rose. Certains reprochent à Hubert un management parfois brouillon, voire opaque. « On n’était au courant de rien », confie un membre du staff, frustré par le manque de communication lors des derniers mois de l’équipe. Hubert, lui, se défend : dans un monde où les partenariats sont fragiles, la discrétion était une nécessité. Une explication qui ne convainc pas tout le monde, mais qui illustre la complexité de son rôle.
L’Épopée d’Arkéa-B&B Hotels : Une Success Story Bretonne
Parler d’Emmanuel Hubert, c’est aussi raconter l’histoire d’Arkéa-B&B Hotels, une équipe qui a marqué le cyclisme français des deux dernières décennies. Sous sa houlette, la formation bretonne a gravi les échelons, passant d’une équipe continentale à une structure capable de rivaliser sur les plus grandes courses. En 2025, elle termine même 4e meilleure équipe au Tour de France, un exploit qui aurait dû être une consécration. Alors, comment expliquer que tout s’arrête ?
La réponse tient en un mot : sponsoring. En juin 2025, les partenaires historiques, Arkéa et B&B Hotels, annoncent leur retrait. Sans ces soutiens financiers, l’équipe n’a plus les moyens de survivre. Hubert, pourtant habitué à jongler avec les défis, n’a pas réussi à trouver un nouveau mécène. « Pourquoi ça bougerait en quinze jours, alors que ça n’a pas bougé en dix mois ? » aurait-il lâché, désabusé, lors d’une conversation récente.
| Étape clé | Année | Impact |
| Devenir manager | 2014 | Transformation de l’équipe régionale en projet international |
| Tour de France | 2025 | 4e place, reconnaissance mondiale |
| Retrait des sponsors | 2025 | Fin de l’équipe professionnelle |
Pour moi, ce qui frappe dans cette histoire, c’est la brutalité de la chute. Une équipe qui brille sur la Grande Boucle et disparaît quelques mois plus tard, ça vous donne le vertige. Le cyclisme, plus que tout autre sport, est une affaire de résilience, mais aussi de précarité.
Un Homme de Contrastes : Adoré et Controverse
Emmanuel Hubert n’est pas un personnage lisse, et c’est peut-être ce qui le rend si intéressant. Décrit comme « séducteur » par certains, « lascar » par d’autres, il a su charmer les sponsors et les coureurs, mais aussi s’attirer des inimitiés. « On ne peut pas plaire à tout le monde », assume-t-il avec un haussement d’épaules. Ses détracteurs pointent du doigt des maladresses, voire une tendance à jouer avec le feu dans ses relations professionnelles. Pourtant, ceux qui le connaissent bien insistent sur son humanité.
Il connaît le prénom de tes enfants après les avoir vus une fois. Il aime vraiment les gens.
– Un ancien collaborateur proche
Cette dualité fait d’Hubert une figure complexe. D’un côté, il est le patron paternaliste qui inspire ses coureurs, comme Kévin Vauquelin, qui loue son soutien indéfectible. De l’autre, il est cet homme d’affaires rusé, capable de naviguer dans les eaux troubles du sponsoring sportif. Un ancien collègue le résume ainsi : « Manu, c’est un mec intelligent. Il sait séparer l’affect et le boulot. »
La Fin d’une Ère : Quel Avenir pour Hubert ?
La disparition d’Arkéa-B&B Hotels marque un tournant, non seulement pour Hubert, mais pour le cyclisme français. « C’est violent : vous existez, et puis vous n’existez plus », résume un ancien manager d’équipe. Pour Hubert, l’avenir est incertain. À 54 ans, il se retrouve face à une question qu’il n’avait peut-être jamais envisagée : et maintenant, qu’est-ce que je fais ?
Il y a quelques jours, il confiait vouloir avant tout aider ses collaborateurs à rebondir. Une dernière preuve de son engagement envers son équipe. Mais après ? Certains le voient se retirer dans sa Bretagne natale, peut-être pour « partir à la pêche aux coques », comme il le dit avec son humour teinté d’amertume. D’autres parient sur un retour, sous une forme ou une autre, dans ce sport qu’il aime tant.
- Aider son équipe : Accompagner les coureurs et le staff dans leur transition.
- Prendre du recul : Réfléchir à ses propres aspirations après des années d’intense engagement.
- Explorer de nouvelles opportunités : Un retour dans le cyclisme ou un autre domaine ?
Pour ma part, je ne peux m’empêcher de penser que l’histoire d’Emmanuel Hubert ne s’arrête pas là. Il a prouvé qu’il savait rebondir, transformer des défis en opportunités. Peut-être est-ce l’optimisme breton qui parle, mais quelque chose me dit qu’on reverra cet homme dans le peloton, d’une manière ou d’une autre.
L’Héritage d’un Passionné
En fin de compte, l’histoire d’Emmanuel Hubert, c’est celle d’un homme qui a cru en un rêve plus grand que lui. Il a porté le cyclisme breton sur ses épaules, donnant à des jeunes coureurs l’opportunité de briller, et à une région entière une raison de vibrer. La fin d’Arkéa-B&B Hotels est une blessure, mais elle ne doit pas éclipser l’héritage. Comme le dit un observateur du milieu : « Des systèmes comme celui d’Hubert ont le mérite d’avoir existé. »
Alors, que retenir de tout cela ? Peut-être que le cyclisme, comme la vie, est une course d’endurance, où les chutes font partie du parcours. Hubert, avec ses forces et ses failles, a couru la sienne avec passion. Et ça, personne ne pourra le lui enlever.
Le cyclisme breton perd une équipe, mais pas son âme.
– Un passionné du vélo
Et vous, que pensez-vous de l’héritage d’Emmanuel Hubert ? La Bretagne continuera-t-elle à produire des champions malgré cette perte ? L’histoire du cyclisme français est loin d’être finie, mais elle vient de perdre une de ses pages les plus vibrantes.
