Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’on fait réellement des montagnes de branches quand on élague les arbres sous les lignes électriques ? Moi, pendant longtemps, j’imaginais des broyeuses bruyantes et des tas de copeaux destinés à la chaufferie. Et puis un jour, j’ai découvert que certaines de ces branches finissent… dans l’estomac de pachydermes ravis.
C’est l’une de ces histoires qui vous font sourire et qui, en même temps, vous donnent l’impression qu’on peut encore être un peu malins sur cette planète.
Quand l’élagage devient un buffet cinq étoiles pour éléphants
Dans le département de l’Allier, un partenariat discret mais génial unit depuis 2022 le gestionnaire du réseau électrique et l’un des plus grands parcs animaliers français. Le principe est d’une simplicité désarmante : les équipes qui entretiennent les 17 000 kilomètres de lignes électriques récupèrent les branches fraîchement coupées et les livrent directement aux animaux herbivores du parc.
Et devinez qui est aux premières loges ? Les quatre éléphants d’Afrique, bien sûr. À eux seuls, ils engloutissent près de 200 kg de végétaux par jour. Autant vous dire que l’arrivée d’un camion chargé de saules, peupliers ou chênes frais déclenche une petite fête.
« On ouvre la benne et ils se précipitent, la trompe en avant. C’est toujours un moment magique à observer. »
Un soigneur du parc
Plus de 27 tonnes récupérées en trois ans
Le chiffre a de quoi impressionner : depuis le lancement de l’opération, plus de 27 tonnes de branchages ont été détournées des broyeurs pour atterrir dans les enclos. Ce qui était considéré comme un déchet encombrant devient une ressource précieuse, variée et surtout gratuite.
Et ça ne profite pas qu’aux éléphants. Les girafes, les antilopes, les rhinocéros et même certains primates se régalent. Le menu change selon les saisons et les essences disponibles : saule en hiver, feuillus tendres au printemps, branches plus ligneuses en automne. Un vrai restaurant gastronomique version nature.
Pourquoi ça marche si bien ?
Parce que tout le monde y trouve son compte, tout simplement.
- Le gestionnaire du réseau réduit ses coûts de gestion des déchets verts et limite les émissions liées au broyage ou au transport vers les déchetteries.
- Le parc économise sur l’achat de fourrage et offre à ses pensionnaires une alimentation plus naturelle et diversifiée.
- Les communes voisines n’ont plus à organiser l’évacuation de ces volumes parfois énormes.
- Et surtout, les animaux profitent de branchages frais toute l’année, ce qui est excellent pour leur santé digestive et leur bien-être psychologique.
Franchement, quand on voit le nombre d’initiatives compliquées qui peinent à décoller, celle-ci fait figure d’exemple parfait de ce qu’on appelle l’économie circulaire quand elle reste simple et pragmatique.
Un tri rigoureux pour la sécurité de tous
Évidemment, on ne livre pas n’importe quoi. Les équipes d’élagage ont été formées pour reconnaître les essences compatibles. Exit les ifs, les thuyas ou le laurier-palme, toxiques pour les herbivores. On privilégie les feuillus nobles, les saules, les peupliers, les frênes… Tout ce qui pousse vite près des lignes et que les animaux adorent.
Les branches sont stockées quelques jours maximum dans une benne dédiée fournie par le parc, puis livrées rapidement pour garder toute leur fraîcheur. Les feuilles ne doivent pas faner, sinon c’est moins appétissant – et moins nutritif.
L’idée qui fait des petits ailleurs en France
Ce qui a commencé comme une expérimentation locale fait désormais école. D’autres grands parcs zoologiques français ont signé ou préparent des conventions similaires. On parle de plusieurs dizaines de tonnes supplémentaires qui pourraient être sauvées chaque année.
Et pourquoi s’arrêter aux zoos ? Certains parcs animaliers plus modestes, des fermes pédagogiques ou même des refuges pour animaux sauvages récupérés commencent à se manifester. L’idée est tellement évidente qu’on se demande pourquoi personne n’y avait pensé plus tôt.
Un geste écologique qui va plus loin qu’on ne le croit
Au-delà de l’aspect sympathique, il y a un vrai impact environnemental. Chaque tonne de branches évitée au broyeur, c’est autant de carburant, d’électricité et d’émissions de CO2 en moins. Quand on sait que l’entretien des lignes électriques représente plusieurs centaines de milliers de tonnes de végétaux coupés chaque année en France, le potentiel est énorme.
C’est aussi une façon concrète de reconnecter des activités industrielles avec le vivant. Les élagueurs, souvent perçus comme ceux qui « massacrent » les arbres, deviennent soudain des pourvoyeurs de nourriture. Leur métier prend une autre dimension.
« Les gars sont fiers maintenant. Ils choisissent les plus belles branches, ils savent que ça va faire des heureux. »
Un responsable d’équipe d’élagage
Et demain ?
On peut imaginer que ce type de partenariat se généralise. Pourquoi ne pas créer une carte nationale des besoins en branchages frais pour les zoos, les centres de sauvegarde de la faune sauvage, les élevages de cervidés ? Un algorithme tout simple pourrait mettre en relation les zones d’élagage prévues et les structures à proximité.
En attendant, dans l’Allier, la collaboration continue de plus belle. Les éléphants, eux, ne se posent pas tant de questions. Quand le camion arrive, ils savent que c’est l’heure du goûter. Et quelque part, c’est peut-être la plus belle réussite de l’histoire : avoir réussi à rendre heureux des animaux de plusieurs tonnes avec ce qu’on considérait hier encore comme un vulgaire déchet.
La prochaine fois que vous verrez des élagueurs sous une ligne électrique, pensez-y : une partie de leur récolte finira peut-être dans la trompe d’un éléphant. Et franchement, il y a pire comme fin de vie pour une branche.
(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – environ 3200 mots)
