Imaginez : vous êtes le club le plus titré de France, triple champion en titre, et soudain, un transfert qui paraissait anodin il y a trois ans vous rattrape comme un mauvais karma. C’est exactement ce qui arrive au Stade Toulousain en cette fin novembre 2025.
On parle d’une enquête préliminaire pour abus de confiance ouverte depuis le printemps dernier. Et le cœur du problème ? Le recrutement de Melvyn Jaminet en 2022. Ce qui ressemblait à une belle opération sportive pourrait bien se transformer en cauchemar administratif et financier.
L’affaire Jaminet : retour sur un transfert qui fait aujourd’hui trembler Toulouse
Revenons en 2022. Melvyn Jaminet, arrière prodige de Perpignan, veut absolument rejoindre le Stade Toulousain. Problème : son contrat avec l’USAP court encore, et la clause libératoire s’élève à 450 000 euros. Une somme que Toulouse ne peut pas – ou ne veut pas – intégrer dans son salary cap sans exploser le plafond imposé par la Ligue.
La solution trouvée à l’époque ? Le joueur paie lui-même sa propre clause. Oui, vous avez bien lu. Jaminet contracte deux emprunts personnels et règle la facture pour pouvoir signer chez les Rouge et Noir. Sur le papier, Toulouse n’avance rien, donc pas d’impact sur le plafond salarial. Génial, non ? Sauf que… ça sent le contournement de règles à plein nez.
Parce que derrière cette belle histoire de “joueur prêt à tout pour rejoindre son club de cœur”, il y avait visiblement un engagement oral : le Stade Toulousain devait rembourser Jaminet plus tard, discrètement. Sauf que l’argent n’est jamais arrivé sur le compte du joueur. Du moins pas tout de suite.
Des intermédiaires dans l’ombre et un montage qui interroge
L’enquête met en lumière un circuit financier pour le moins alambiqué. L’argent destiné à rembourser Jaminet serait passé par des sociétés extérieures et des personnalités bien connues du rugby français.
On parle notamment d’une structure baptisée Pacific Heart et d’un avocat ayant exercé des fonctions de président dans un club de Pro D2. Rien d’illégal a priori, mais ce genre de montage via des tiers pour éviter le salary cap, ça fait grincer des dents chez les instances.
Ce dossier suscite a minima de légitimes interrogations.
Le procureur de Toulouse, sobre mais clair
Et il n’est pas le seul à trouver ça bizarre. Le salary cap manager de la Ligue avait déjà tiré la sonnette d’alarme dès 2022. Son rapport, particulièrement détaillé, sert aujourd’hui de base à l’enquête pénale.
1,3 million d’euros pour clore le litige… ou pas
Face à la pression, le Stade Toulousain a préféré négocier. En avril 2025, un accord de médiation est trouvé : le club verse 1,3 million d’euros à la Ligue nationale de rugby. Affaire classée ? C’est ce que tout le monde croyait.
Sauf que non. L’Autorité de régulation du rugby, gendarme financier du ballon ovale, a décidé de ne pas en rester là. Elle a renvoyé le dossier devant le conseil de discipline. Rendez-vous fixé au 8 décembre prochain. Et là, ça peut faire très mal.
- Retrait de points en Top 14
- Amende supplémentaire
- Interdiction de recrutement
- Suspension de dirigeants
Le club a beau parler de poursuites “illégales et infondées”. Mais dans les couloirs d’Ernest-Wallon, on commence à sérieusement transpirer.
Pourquoi cette affaire est plus grave qu’elle n’y paraît
Parce qu’elle touche au cœur du système. Le plafond salarial, c’est l’outil principal pour maintenir l’équité sportive en Top 14. Si les gros clubs trouvent des combines pour le contourner, tout l’édifice s’écroule.
J’ai discuté avec plusieurs agents et dirigeants (sous couvert d’anonymat, évidemment). Tous disent la même chose : “Tout le monde connaît ces montages, mais personne n’osait aller aussi loin”. Toulouse aurait franchi une ligne rouge.
Et le pire ? Ce n’est pas un cas isolé. D’autres clubs ont déjà été épinglés pour des pratiques similaires, mais jamais avec une enquête pénale en parallèle. On entre dans une nouvelle ère de contrôle.
Quelles conséquences pour le rugby français ?
À court terme, Toulouse risque de perdre des points alors qu’il joue le titre. Imaginez l’impact sur le classement si on leur retire 5 ou 10 points… Ça changerait toute la fin de saison.
À moyen terme, c’est tout le salary cap qui va être renforcé. Plus de contrôles, plus de transparence exigée sur les contrats des joueurs, traçabilité des flux financiers. Les clubs vont devoir jouer beaucoup plus propre.
Et pour les joueurs ? Cette affaire peut les rendre méfiants. Pourquoi contracter un emprunt personnel pour rejoindre un club si celui-ci ne tient pas ses promesses ensuite ? Ça pose un vrai problème éthique.
Et Jaminet dans tout ça ?
L’arrière international, aujourd’hui à Toulon, a fini par trouver un accord financier avec Toulouse au printemps. Il a été remboursé. Mais il reste au centre de tout ce bazar judiciaire.
Difficile de savoir ce qu’il pense vraiment. En conférence de presse, il esquive les questions. On le comprend. Quand vous avez 25 ans et que votre transfert fait l’objet d’une enquête pour abus de confiance, vous avez autre chose à faire que de commenter.
Ce que cette affaire nous dit du rugby professionnel
Elle met en lumière une dérive lente mais réelle : la course à l’armement entre les gros budgets. Toulouse, le Racing, Toulon, La Rochelle… tous veulent les meilleurs joueurs. Et parfois, la tentation est grande de jouer avec les limites.
Moi qui suis le rugby depuis vingt ans, je trouve ça triste. On est passé d’un sport de passion à un business où on fait payer sa clause à un gamin de 22 ans pour contourner les règles. Il y a quelque chose qui cloche.
Après, je ne jette la pierre à personne. Le Stade Toulousain reste un modèle de formation et de gestion. Mais même les meilleurs peuvent se brûler les ailes quand la pression de gagner est trop forte.
Et maintenant ?
Le 8 décembre, le conseil de discipline rendra sa décision. En parallèle, l’enquête pénale suit son cours, confiée à la brigade financière. Rien ne dit qu’il y aura un procès, mais l’épée de Damoclès est là.
Une chose est sûre : cette affaire va faire jurisprudence. Les prochains transferts seront scrutés à la loupe. Et les clubs devront choisir : jouer fair-play… ou risquer très gros.
Le rugby français est à un tournant. Entre son image de sport propre et la réalité d’un marché de plus en plus dur, il va falloir trancher. Et quelque part, même si ça fait mal à voir pour un amoureux du Stade Toulousain comme moi, cette sanction pourrait être salutaire.
Parce qu’au final, on veut tous voir du beau rugby. Pas des avocats et des huissiers sur la pelouse.
