Vous est-il déjà arrivé de perdre votre sang-froid au point de dire des choses que vous regrettez aussitôt ? Dans le football africain, où les émotions sont toujours à fleur de peau, ça arrive plus souvent qu’on ne le croit. Dimanche soir, Éric Chelle, le sélectionneur du Nigeria, en a fait l’expérience brutale.
Après une séance de tirs au but cruelle qui a vu les Super Eagles s’incliner face à la République Démocratique du Congo, l’ancien défenseur lensois a littéralement explosé. Accusations graves, gestes menaçants, et surtout cette phrase qui a fait le tour du continent : des membres du staff adverse auraient « fait du vaudou » pour influencer le match. La vidéo a dépassé les trois millions de vues en quelques heures. Retour sur une séquence qui en dit long sur la pression qui pèse sur les bancs de touche africains.
Une défaite qui fait mal au cœur
Remettons les choses en perspective. Le Nigeria partait ultra-favori. Trois fois champion d’Afrique, finaliste de la dernière CAN, une génération dorée avec Osimhen, Lookman ou Iwobi… Tout le monde voyait les Super Eagles au Mondial 2026. Et pourtant, c’est la RDC, équipe valeureuse mais largement moins cotée, qui a créé l’exploit.
Le match aller s’était soldé par un 1-1 logique. Au retour, même score après 90 minutes. Puis la séance fatidique des tirs au but : 4-3 pour les Léopards. Un scénario cruel, presque injuste quand on connaît la différence de moyens entre les deux nations. Quand le gardien congolais arrête le dernier tir nigérian, c’est tout un pays qui s’effondre.
Et là, sur le banc, Éric Chelle perd pied. On le voit se lever, furieux, s’approcher dangereusement de la zone technique adverse. Il faudra plusieurs membres de son staff pour le retenir. Les mots fusent. Et parmi eux, cette accusation qui va tout enflammer.
Les mots qui ont choqué le continent
« Ils ont fait du vaudou ! » La phrase est lâchée. Crue. Directe. Devant les caméras, sans filtre. Pour beaucoup, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase d’une rivalité déjà électrique entre les deux nations.
Le football, c’est des émotions. Après le match, j’ai réagi à chaud à cause d’une altercation avec un membre du staff de la RDC qui tentait de venir dans ma zone technique.
Éric Chelle, 24 heures après les faits
En Afrique, parler de sorcellerie dans le sport, ce n’est jamais anodin. On se souvient des polémiques passées, des équipes accusées d’avoir recours à des marabouts, des gardiens qui retrouvent des « gris-gris » dans leurs cages… Le sujet est sensible. Très sensible. Et quand un sélectionneur étranger l’aborde de cette manière, ça prend une autre dimension.
Parce que oui, Éric Chelle est français d’origine malienne. Il connaît parfaitement la culture africaine pour avoir porté le maillot des Aigles du Mali. Mais en accusant publiquement le staff congolais, il touche à un tabou. Rapidement, les réseaux s’enflamment. Certains parlent de manque de respect, d’autres de racisme déguisé. La polémique est lancée.
Les excuses qui ont tout changé
Moins de vingt-quatre heures plus tard, le ton change radicalement. Sur ses réseaux sociaux, Éric Chelle publie une longue story. Et là, c’est un tout autre homme qui s’exprime.
Je n’ai jamais voulu viser le peuple congolais ni leur staff, que je respecte profondément. Le Congo a été meilleur, leur public a montré une belle ferveur, tout comme le nôtre. On avance ensemble pour la suite.
Éric Chelle
Le message est clair : il regrette. Il assume avoir parlé sous le coup de l’émotion. Il reconnaît même la supériorité adverse. C’est rare dans le football de haut niveau, surtout après une élimination aussi douloureuse. D’habitude, les entraîneurs préfèrent la langue de bois. Lui choisit la sincérité.
Et ça marche. Progressivement, la tension redescend. Les supporters congolais, d’abord très remontés, commencent à accepter les excuses. Certains saluent même le courage du technicien français. Preuve que dans le football africain, l’humain peut encore primer sur la rancœur.
Pourquoi cette sortie a autant choqué
Mais alors, pourquoi ces accusations ont-elles pris une telle ampleur ? D’abord parce qu’elles touchent à l’identité culturelle. En RDC comme dans beaucoup de pays africains, les croyances traditionnelles font partie intégrante de la vie quotidienne. Les mélanger au sport de cette manière, surtout en les présentant comme une forme de tricherie, c’est risquer le dérapage.
- Le contexte : une rivalité historique entre deux géants du football africain
- La pression énorme sur Éric Chelle, recruté spécifiquement pour qualifier le Nigeria
- L’émotion brute d’une élimination aux tirs au but, toujours traumatisante
- La viralité immédiate des réseaux sociaux qui amplifient tout
J’ai suivi le football africain depuis plus de quinze ans, et je peux vous dire une chose : ces dérapages, on les a déjà vus. Mais rarement avec une telle exposition. La différence ? Les smartphones et les réseaux sociaux. Aujourd’hui, plus rien ne passe inaperçu.
Et pourtant, derrière la polémique, il y a quelque chose de profondément humain. Éric Chelle n’est pas le premier entraîneur à perdre ses nerfs après une défaite. Rappelez-vous José Mourinho qui jette sa médaille en tribunes, ou encore Diego Simeone qui en vient aux mains avec des joueurs adverses. La différence, c’est le contexte culturel.
La RDC, l’exploit d’une nation
Parce qu’il ne faut pas oublier l’essentiel : la République Démocratique du Congo a réalisé un exploit majuscule. Battre le Nigeria sur deux matchs, chez eux, aux tirs au but, c’est historique. Les Léopards n’avaient plus connu le Mondial depuis 1974. Cette qualification, ils l’ont arrachée avec les tripes.
Et leur public ? Une ambiance de folie. Des supporters qui ont cru jusqu’au bout. Quand on voit les images du stade, on comprend mieux pourquoi Éric Chelle parle de « belle ferveur ». C’est ça aussi, le football africain : des émotions brutes, une passion dévorante.
Au final, cette qualification congolaise est une magnifique histoire de résilience. Une équipe moins talentueuse sur le papier, mais plus solidaire, plus combattante. Et ça, même Éric Chelle le reconnaît dans ses excuses.
Et maintenant pour le Nigeria ?
Pour les Super Eagles, c’est la douche froide. Deuxième élimination consécutive en barrages. Un traumatisme pour tout un pays qui se voyait déjà au Mondial étendu à 48 équipes. Mais le football nigérian a des ressources.
La Coupe d’Afrique des Nations arrive dans quelques semaines. Et là, le Nigeria fait partie des grands favoris. Avec cette génération dorée, tout reste possible. Voire probable.
Le président lui-même a appelé à « tourner la page » pour se concentrer sur la CAN. Un message clair : pas question de limoger Éric Chelle maintenant. L’ancien Lensois va avoir l’occasion de se racheter. Et quelque part, cette polémique pourrait même le rendre plus fort.
Ce que cette affaire nous dit du football africain
À mon sens, cette séquence est révélatrice de plusieurs choses.
- La pression énorme qui pèse sur les sélectionneurs, surtout quand ils sont étrangers
- La persistance des croyances traditionnelles dans le sport de haut niveau
- La maturité grandissante des acteurs qui préfèrent l’apaisement à la guerre ouverte
- Le rôle des réseaux sociaux qui transforment chaque incident en affaire d’État
Ce qui m’a le plus marqué ? La rapidité avec laquelle Éric Chelle a présenté ses excuses. Dans un milieu où l’ego règne souvent en maître, reconnaître ses torts aussi franchement, c’est rare. Et ça mérite d’être salué.
Le football africain est en train de changer. Plus professionnel, plus médiatisé, mais toujours aussi passionné. Des incidents comme celui-ci, il y en aura encore. Mais la manière dont ils sont gérés dit beaucoup sur la maturité d’un football en pleine évolution.
Au final, cette histoire se termine plutôt bien. Deux nations qualifiées pour le Mondial (non, le Nigeria n’y sera pas, mais la RDC portera haut les couleurs du continent), un sélectionneur qui a su faire son mea culpa, et une leçon d’humilité pour tout le monde.
Parce que dans le football, comme dans la vie, on gagne ensemble et on perd ensemble. Et parfois, il faut savoir présenter ses excuses. Éric Chelle l’a fait. Avec classe.
La CAN arrive. Et quelque part, cette polémique aura peut-être permis à tout le monde de se recentrer sur l’essentiel : le jeu. Le beau jeu. Celui qui fait vibrer tout un continent.
