Imaginez que vous discutiez tranquillement avec quelqu’un qui semble partager vos envies, vos goûts. Un rendez-vous est fixé, l’excitation monte… et soudain, tout bascule dans l’horreur. Ce n’est pas un mauvais date, c’est un piège. Des coups, des menaces, parfois une lame sous la gorge. Et le mobile ? Votre orientation sexuelle. C’est ce qui s’est passé à Besançon pendant des mois, jusqu’à ce que la police mette la main sur cinq individus.
Franchement, quand on lit ce genre d’histoire, on a du mal à y croire. Pourtant, les faits sont là, accablants. Huit victimes entre janvier et août 2025. Toutes contactées via des applications de rencontre destinées à la communauté gay. Toutes tombées dans des guet-apens soigneusement préparés.
Une traque méthodique et glaçante
Ce qui frappe d’abord, c’est la répétition. Deux groupes distincts, mais la même haine, la même violence froide. Le premier trio (parfois réduit à deux) donnait rendez-vous à ses cibles dans la même cage d’escalier. Un lieu discret, mal éclairé, parfait pour passer à l’acte sans témoins. À peine la victime arrivée, c’était le déchaînement : coups de poing, coups de pied, menaces avec des couteaux ou des cutters.
Et le pire ? Certains passages à tabac étaient filmés. Oui, vous avez bien lu. Les agresseurs immortalisaient leurs exploits sur leur téléphone, comme des trophées. Les enquêteurs ont retrouvé ces vidéos. Je vous laisse imaginer l’état d’esprit de ceux qui appuient sur « enregistrer » pendant qu’un homme supplie qu’on l’épargne.
Agir dans le cadre d’une prétendue lutte contre les pédophiles.
– L’argument avancé par certains suspects pour justifier leurs actes
Cette phrase, prononcée lors des auditions, donne la nausée. Utiliser la vieille confusion homophobie/pédophilie pour se donner bonne conscience. Un grand classique malheureusement, mais qui ne trompe personne, surtout pas les juges.
Le second mode opératoire : l’intrusion au domicile
Le deuxième binôme, lui, changeait de stratégie. Pas de lieu public. Ils se faisaient inviter directement chez la victime. Une fois la porte ouverte, plus de masque : ils prenaient le contrôle des lieux, attachaient l’homme avec ce qui traînait (ceintures, câbles), puis le rouaient de coups avec des objets du quotidien. Une casserole, un rouleau à pâtisserie… tout faisait office d’arme.
Ensuite, ils vidaient les portefeuilles, les téléphones, les cartes bancaires. Parfois ils forçaient la victime à faire des virements immédiats sous la menace. Et ils repartaient comme si de rien n’était, laissant derrière eux un appartement sens dessus dessous et un homme traumatisé.
À la différence du premier groupe, ces deux-là ont tout reconnu. Pas de justification bancale, juste l’aveu froid des faits. Ça change quoi ? Pas grand-chose pour les victimes, mais beaucoup pour la procédure.
Comment la police a démantelé les deux réseaux
Il a fallu du temps. Huit plaintes en quelques mois, ce n’est pas rien, mais relier les affaires n’a pas été immédiat. Les victimes, souvent, hésitent à parler. Honte, peur des représailles, crainte du regard des proches ou même des policiers. C’est un cercle vicieux terrible.
Mais une victime a fini par reconnaître l’un de ses agresseurs sur les réseaux sociaux. Un détail anodin pour certains, un déclic majeur pour l’enquête. Les policiers ont alors tendu un piège : un faux profil, un faux rendez-vous. Et bingo, arrestation en flagrant délit. Le début de la fin pour le premier groupe.
Pour le second binôme, les investigations classiques ont porté leurs fruits : géolocalisation, relevés bancaires, vidéosurveillance. Petit à petit, le filet s’est refermé.
- Perquisitions révélant armes blanches et téléphones contenant les vidéos
- Aveux partiels ou complets selon les suspects
- Commission rogatoire ouverte immédiatement
- Défèrement des cinq hommes devant un juge d’instruction
Des qualifications pénales particulièrement lourdes
Ce n’est pas juste du vol avec violence. Les magistrats ont retenu le caractère homophobe des agressions, ce qui aggrave considérablement les peines encourues. On parle ici de :
- Extorsion avec arme
- Vol à main armée
- Violences aggravées par trois circonstances (arme, préméditation, motif homophobe)
- Séquestration dans certains cas
- Enregistrement et diffusion de violences (pour les vidéos)
En clair, les suspects risquent gros. Très gros. Et c’est tant mieux.
Un phénomène malheureusement récurrent
Ce qui se passe à Besançon n’est pas isolé. On se souvient d’affaires similaires à Metz, à Lille, à Paris. Partout en France, des groupes profitent de la discrétion nécessaire aux rencontres entre hommes pour tendre des pièges. Parfois c’est juste pour voler, parfois c’est de la haine pure.
Et le pire, c’est que ces agressions sont sous-déclarées. Beaucoup d’hommes préfèrent se taire plutôt que de revivre l’humiliation au commissariat ou au tribunal. Résultat : les chiffres officiels ne reflètent qu’une partie du problème.
Que faire pour se protéger ?
On ne devrait jamais avoir à donner ce genre de conseils, mais la réalité nous rattrape. Quelques réflexes simples peuvent éviter le pire :
- Préférer un premier rendez-vous dans un lieu public très fréquenté (café, bar…)
- Prévenir un proche de l’endroit et de l’heure
- Ne jamais donner son adresse exacte dès le premier contact
- Faire une recherche inversée sur la photo de profil si possible
- Faire confiance à son instinct : si quelque chose cloche dans la conversation, on annule
Et surtout, porter plainte. Toujours. Même si c’est difficile. Parce que chaque plainte aide à faire tomber ces réseaux.
Un signal fort de la justice
La rapidité avec laquelle la commission rogatoire a été ouverte et les suspects déférés montre une chose : les autorités prennent enfin ces affaires au sérieux. Le caractère homophobe est systématiquement retenu quand les éléments le prouvent. C’est une évolution importante, même si on aurait préféré ne jamais en arriver là.
Au-delà de la répression, il y a aussi un message envoyé à la communauté LGBT+ : vous n’êtes pas seuls. Vos agresseurs seront traqués, jugés, condamnés.
Cette affaire de Besançon, aussi sordide soit-elle, pourrait marquer un tournant. Parce qu’elle montre que la répétition de ces crimes ne passe plus inaperçue. Parce que les victimes osent davantage parler. Parce que la police et la justice agissent.
Mais il reste un goût amer. Celui de savoir que tant qu’il y aura de la haine, certains continueront de transformer l’amour en arme. Alors oui, cinq suspects sont derrière les barreaux ce soir. Mais huit hommes, eux, devront vivre toute leur vie avec les séquelles de cette violence gratuite.
Et nous, on continue de se demander : jusqu’à quand ?
