Quand une vie s’éteint sous les coups d’une violence qu’elle avait tenté de fuir, comment ne pas se demander : où était la protection promise ? Le 8 septembre 2025, une jeune femme de 25 ans a été poignardée à mort par son ex-compagnon dans une rue de Poitiers. Son prénom, Inès, résonne aujourd’hui comme un cri d’alarme dans une société qui peine encore à protéger celles qui osent dénoncer. Ce drame, loin d’être isolé, a rassemblé un millier de personnes lors d’une marche blanche, un moment de recueillement chargé de colère et d’incompréhension face aux défaillances institutionnelles. Comment en est-on arrivé là ?
Un Drame qui Révèle des Fissures Systémiques
Ce n’est pas juste une histoire tragique, c’est un miroir tendu à un système qui, trop souvent, semble fermer les yeux. Inès avait tout fait pour se protéger : elle avait porté plainte dès juillet, puis multiplié les démarches en signalant à plusieurs reprises les violences physiques, psychologiques et même des viols. Pourtant, malgré ses alertes répétées, le danger qu’elle dénonçait n’a pas été pris au sérieux. Deux jours avant sa mort, elle avait encore utilisé un dispositif d’urgence, un téléphone grave danger, pour signaler qu’elle était traquée. Et pourtant, rien n’a arrêté la tragédie.
Ce n’est pas seulement une victime d’un homme, mais d’un système qui a failli à sa mission de protection.
– Une proche de la victime lors de la marche
Ce drame soulève une question qui brûle les lèvres : pourquoi les institutions, censées être des remparts contre la violence conjugale, ont-elles laissé Inès sans défense ? À travers cet article, nous allons explorer les failles du système, les chiffres alarmants des féminicides en France, et les pistes pour un avenir où ces tragédies pourraient être évitées.
Une Marche Blanche Chargée de Colère
Le 20 septembre 2025, les rues de Poitiers se sont remplies d’une foule silencieuse, mais déterminée. Environ un millier de personnes, proches, habitants, militants, ont marché pour rendre hommage à Inès. Les pancartes brandies ne laissaient aucun doute sur l’état d’esprit : « La justice a du sang sur les mains » ou encore « Ce n’est pas un féminicide, c’est un échec de la police ». Ces mots, durs mais sincères, traduisent une frustration collective face à un système qui semble avoir abandonné une jeune femme en détresse.
Le cortège s’est arrêté longuement devant le commissariat, lieu symbolique où Inès avait tenté, à maintes reprises, de faire entendre sa voix. Son frère, Yacine, a pris la parole, la voix brisée mais ferme : « Ma sœur a tout fait pour alerter. Elle a poussé la porte de ce commissariat, encore et encore. Et on l’a laissée seule. » Ce moment, poignant, a cristallisé un sentiment partagé : la confiance brisée envers les institutions.
Elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour alerter sur le danger. La police et la justice nous ont trahis.
– Yacine, frère d’Inès
Personnellement, en écoutant ces témoignages, je ne peux m’empêcher de ressentir un pincement au cœur. Combien de fois avons-nous entendu des histoires similaires ? Combien de fois faudra-t-il marcher pour que les choses changent vraiment ? Cette marche blanche, au-delà du recueillement, était un appel à l’action, une demande de justice non seulement pour Inès, mais pour toutes celles qui vivent dans la peur.
Des Alertes Ignorées : Les Faits
Revenons sur les faits, car ils sont accablants. Inès avait déposé une première plainte dès le 10 juillet, suivie de cinq compléments de plainte en seulement deux mois. Ces démarches montrent une femme qui, malgré la peur, a eu le courage de se battre pour sa sécurité. Elle a signalé des violences répétées, des menaces, et même une traque par son ex-compagnon. Deux jours avant le drame, elle a utilisé un téléphone grave danger, un dispositif censé garantir une intervention rapide des autorités. Mais que s’est-il passé ?
Selon des sources officielles, l’individu signalé a été interpellé, mais – et c’est là que le bât blesse – il n’a pas été placé en garde à vue. Une décision qui, pour beaucoup, reste incompréhensible. Pourquoi un homme signalé comme dangereux, traquant une femme qui avait déjà porté plainte à plusieurs reprises, a-t-il été relâché sans suites ? Cette question, répétée lors de la marche, reste sans réponse claire.
- 10 juillet : Première plainte déposée par Inès pour violences.
- Juillet-août : Cinq compléments de plainte, signalant des violences physiques, psychologiques et viols.
- 6 septembre : Utilisation du téléphone grave danger pour signaler une traque.
- 8 septembre : Inès est poignardée à mort par son ex-compagnon.
Ces éléments, alignés ainsi, montrent une chronologie glaçante. À chaque étape, Inès a fait ce qu’on attend d’une victime : elle a alerté, elle a dénoncé. Et pourtant, le système n’a pas su – ou pas voulu – agir. Cette affaire illustre une réalité brutale : les mécanismes de protection, bien que présents sur le papier, peinent à fonctionner dans la réalité.
Les Féminicides en France : Un Fléau Persistant
Le cas d’Inès n’est malheureusement pas isolé. En 2023, selon des chiffres officiels, 96 femmes ont été victimes de féminicides conjugaux en France, une baisse de 19 % par rapport à 2022. Mais en 2025, les chiffres restent alarmants. À la mi-septembre, des observatoires indépendants recensaient entre 61 et 117 féminicides depuis le début de l’année, selon les méthodologies. Ces écarts dans les chiffres montrent à quel point il est difficile de quantifier précisément ce fléau, mais une chose est sûre : chaque cas est une tragédie de trop.
| Année | Nombre de féminicides | Source |
| 2023 | 96 | Ministère de l’Intérieur |
| 2025 (jusqu’au 17/09) | 61-117 | Observatoires indépendants |
Ces chiffres ne sont pas juste des statistiques. Derrière chaque nombre, il y a une vie, une famille, une histoire brisée. Ce qui choque, dans le cas d’Inès comme dans tant d’autres, c’est le sentiment d’impunité des agresseurs. Combien de femmes doivent encore crier dans le vide avant que les choses changent ?
Les Défaillances Institutionnelles : Quelles Causes ?
Alors, où le système a-t-il failli ? D’abord, il y a la question des ressources. Les commissariats, souvent débordés, manquent de personnel formé pour traiter les plaintes pour violences conjugales avec la diligence nécessaire. Ensuite, il y a un problème de priorisation. Les signalements comme ceux d’Inès, bien que graves, semblent parfois relégués au second plan face à d’autres urgences. Enfin, il y a une question de culture : malgré les progrès, certains préjugés persistent dans la manière dont les plaintes pour violences domestiques sont reçues.
J’ai toujours trouvé troublant, en discutant avec des proches travaillant dans le domaine judiciaire, à quel point le système peut être rigide. Une plainte, même bien documentée, peut se perdre dans un dédale administratif si elle n’est pas jugée « assez urgente ». Dans le cas d’Inès, l’interpellation sans garde à vue de son ex-compagnon, deux jours avant le drame, est un exemple criant de cette rigidité. Pourquoi n’a-t-on pas agi plus fermement ? Était-ce un manque de moyens, de formation, ou simplement une sous-estimation du danger ?
Les institutions doivent changer leur regard sur les violences conjugales. Ce ne sont pas des disputes, ce sont des crimes.
– Une militante lors de la marche
Une enquête administrative a été ouverte par l’Inspection générale de la police nationale pour faire la lumière sur ces défaillances. Mais pour beaucoup, cette démarche arrive trop tard. Ce qu’il faut, c’est une réforme en profondeur : plus de formation pour les forces de l’ordre, des protocoles d’urgence mieux appliqués, et une meilleure coordination entre la police et la justice.
Vers des Solutions Concrètes ?
Face à ce drame, la colère ne suffit pas. Il faut des actions concrètes. Voici quelques pistes qui émergent des débats actuels :
- Renforcer la formation des forces de l’ordre : Les policiers doivent être mieux formés pour reconnaître les signaux d’alerte et agir rapidement.
- Améliorer les dispositifs d’urgence : Le téléphone grave danger, bien qu’utile, doit être accompagné d’une réponse systématique et immédiate.
- Coordonner police et justice : Une meilleure communication entre ces institutions pourrait éviter les erreurs comme celle de l’interpellation sans suite.
- Sensibiliser la société : Les campagnes de prévention doivent continuer à briser le silence autour des violences conjugales.
Ces solutions ne ramèneront pas Inès, mais elles pourraient sauver d’autres vies. Il est temps que la société prenne ses responsabilités, non pas en réagissant après coup, mais en prévenant. Car, soyons honnêtes, combien de marches blanches faudra-t-il encore organiser avant que les choses changent vraiment ?
Un Combat qui Continue
La marche blanche de Poitiers n’était pas seulement un hommage à Inès, c’était un cri pour toutes les femmes victimes de violences. Ce drame nous rappelle que la lutte contre les féminicides est loin d’être gagnée. Chaque plainte ignorée, chaque alerte minimisée, est une fissure de plus dans la confiance envers nos institutions. Mais il y a aussi de l’espoir : la mobilisation citoyenne, la prise de parole des familles, et l’attention croissante portée à ce sujet montrent que la société évolue, lentement mais sûrement.
En repensant à cette marche, je me dis que chaque pas dans les rues de Poitiers était un pas vers plus de justice. Mais il en faudra bien d’autres. Inès, comme tant d’autres avant elle, méritait mieux. À nous, maintenant, de faire en sorte que son histoire ne soit pas qu’un fait divers, mais un tournant pour un système plus juste, plus humain.
Inès n’est pas juste un chiffre. Elle est le visage d’un combat que nous devons tous mener.
– Une participante à la marche
Et vous, que pensez-vous ? Comment pouvons-nous, collectivement, empêcher que d’autres Inès ne soient abandonnées par le système ? La réponse, peut-être, commence par ne jamais détourner le regard.
