Imaginez un jeune homme de 18 ans, arrêté pour avoir distribué des tracts dans une France occupée, plongé dans l’enfer des camps nazis. Son nom ? Fernand Devaux. Son histoire, celle d’un ouvrier, d’un militant, d’un survivant, résonne encore aujourd’hui comme un témoignage vibrant de résistance et de courage. À l’occasion du 85e anniversaire de l’ouverture du camp d’internement d’Aincourt, je me suis penché sur le parcours de cet homme discret, dernier rescapé du tristement célèbre convoi des 45 000, qui a marqué l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Un Destin Forgé dans la Résistance
En 1940, la France ploie sous l’occupation allemande. Fernand Devaux, alors tôlier dans une usine automobile, n’a que 18 ans, mais son engagement est déjà profond. Membre du Parti communiste, interdit à l’époque, il milite dans l’ombre, distribuant des tracts pour appeler à la résistance. Un geste simple, mais terriblement risqué. Arrêté une première fois, il passe brièvement par la prison de la Santé avant d’être envoyé au camp d’Aincourt, dans le Vexin. Ce lieu, un ancien sanatorium réquisitionné par les Allemands, devient le point de départ d’un périple qui le mènera jusqu’à Auschwitz.
Survivre, c’était déjà résister. Chaque jour était une lutte pour ne pas sombrer.
Ce qui frappe dans l’histoire de Fernand, c’est sa résilience. J’ai toujours été impressionné par ces figures discrètes, ces héros du quotidien qui, sans chercher la gloire, ont tenu bon face à l’inhumain. Mais comment un jeune homme, à peine sorti de l’adolescence, a-t-il pu endurer cinq années d’horreur ? Plongeons dans son parcours.
Aincourt : Le Début de l’Épreuve
Le camp d’Aincourt, niché dans le Vexin, n’était pas un camp de concentration, mais un centre d’internement pour les opposants politiques. Dès son ouverture en 1940, il accueille des centaines de prisonniers dans des conditions difficiles. Conçu pour 150 personnes, il en héberge bientôt 600. La discipline est stricte, la nourriture rare, mais pour Fernand, ce n’est que le prélude. Arrêté pour son militantisme, il y passe plusieurs mois avant d’être transféré vers d’autres centres, puis vers l’Allemagne.
Ce qui m’a marqué, en lisant des témoignages sur Aincourt, c’est l’esprit de camaraderie qui y régnait malgré tout. Les prisonniers, souvent des militants comme Fernand, s’organisaient pour garder espoir. Ils partageaient des bribes de nouvelles, des chansons, des idées. Cette solidarité, c’était déjà une forme de résistance. Mais pour Fernand, le pire était à venir.
Le Convoi des 45 000 : Destination Auschwitz
En juillet 1942, Fernand Devaux embarque dans le convoi des 45 000, le premier train de déportation parti de Compiègne vers Auschwitz. Ce convoi, composé de 1 175 hommes, marque un tournant dans l’histoire de la déportation en France. À bord, des résistants, des communistes, des juifs, tous entassés dans des wagons à bestiaux, sans savoir ce qui les attend. Parmi eux, Fernand, dont la jeunesse et la détermination seront ses seules armes.
À Auschwitz, les conditions sont inimaginables. Le froid, la faim, les travaux forcés, la violence des gardes : tout est conçu pour briser les esprits. Pourtant, Fernand tient bon. Comment ? Grâce à une force intérieure, mais aussi grâce à des liens forgés avec d’autres prisonniers, comme Georges Dudal, qu’il rencontre à Aincourt. Ensemble, ils se soutiennent, partageant le peu qu’ils ont, se raccrochant à l’idée de liberté.
Dans l’enfer des camps, un regard, un mot, pouvait vous sauver la vie.
– Témoignage d’un survivant
Ce qui me touche, c’est cette capacité à trouver de l’humanité dans l’inhumain. Fernand n’était pas un surhomme, juste un gars ordinaire avec une volonté de fer. Et ça, ça force le respect.
Les Marches de la Mort : Une Épreuve Finale
En 1945, alors que les Alliés avancent, les Nazis forcent les prisonniers à quitter les camps dans des marches de la mort. Fernand et Georges, épuisés, affamés, sont contraints de marcher de camp en camp, jusqu’à Dachau. Ces marches, dans le froid glacial, sans nourriture ni repos, sont une ultime tentative des Nazis pour éliminer les survivants. Beaucoup s’effondrent. Fernand, lui, résiste.
- Conditions extrêmes : Froid, faim, épuisement physique et mental.
- Solidarité : Les prisonniers s’entraident, partageant le peu qu’ils ont.
- Espoir : La rumeur de la libération alliée donne du courage.
J’ai du mal à imaginer ce que ça représente de marcher des kilomètres, à bout de forces, avec la mort comme seule certitude. Pourtant, Fernand et Georges ne lâchent pas. Leur amitié, leur foi en un avenir meilleur, les porte. Et puis, un jour, la délivrance arrive.
Une Évasion Audacieuse
Quand les Américains libèrent Dachau, Fernand et Georges sont dans un état pitoyable. Mais attendre la quarantaine imposée par les autorités ? Hors de question. Dans un ultime acte de bravoure, ils s’évadent du camp libéré. Oui, vous avez bien lu : ils s’évadent d’un camp déjà libéré ! Cachés dans un camion de la Croix-Rouge, ils entament un périple de trois semaines pour rentrer en France.
Ce détail m’a scotché. Après des années de captivité, des marches de la mort, ils trouvent encore l’énergie de prendre leur destin en main. Ils marchent, trouvent refuge dans des fermes, des camps de rapatriement, et même, parfois, se heurtent à des portes closes, comme celle d’un couvent. Mais ils avancent, toujours.
Il fallait être jeune et inconscient pour croire qu’on rentrerait par nos propres moyens.
– Fernand Devaux
Finalement, ils arrivent à Paris, à l’hôtel Lutetia, où les rescapés sont accueillis. Mais leur histoire ne s’arrête pas là. Car rentrer, c’était aussi affronter une France qui voulait tourner la page, souvent sourde aux récits des survivants.
Le Devoir de Mémoire
Fernand Devaux n’a jamais cherché les honneurs. À la fin de la guerre, il reprend son travail à l’usine, comme si de rien n’était. Mais son histoire, il la partage avec ceux qui veulent l’entendre, notamment à travers l’association Mémoire d’Aincourt, qu’il présidera. Cette association, toujours active, œuvre pour que le souvenir des internés et des déportés ne s’efface pas.
Chaque année, une cérémonie dans le Vexin rend hommage à ces résistants. En 2025, pour le 85e anniversaire de l’ouverture du camp d’Aincourt, une troupe de théâtre met en scène le retour de Fernand et Georges. Une façon de transmettre, de manière vivante, cette mémoire aux nouvelles générations. Parce que, soyons honnêtes, on a parfois tendance à oublier ce que ces hommes et ces femmes ont enduré.
| Étape | Lieu | Événement clé |
| 1940 | Aincourt | Internement pour militantisme |
| 1942 | Auschwitz | Déportation via le convoi des 45 000 |
| 1945 | Dachau | Libération et évasion |
| 2018 | Ermont | Décès de Fernand Devaux |
Ce tableau résume le parcours de Fernand, mais il ne dit pas tout. Derrière chaque date, il y a des épreuves, des peurs, mais aussi des moments d’espoir. Ce qui me frappe, c’est que Fernand n’a jamais cessé de croire en la liberté, même dans les pires moments.
Pourquoi Cette Histoire Compte Aujourd’hui
En 2025, alors qu’on célèbre le 80e anniversaire de la Libération, l’histoire de Fernand Devaux nous rappelle l’importance de la mémoire. Dans un monde où les idéologies extrêmes refont surface, où l’oubli guette, se souvenir de ces héros discrets est un acte de résistance en soi. Fernand n’était pas un général, pas une figure publique. C’était un ouvrier, un militant, un survivant. Et pourtant, son courage parle à tous.
Je me demande parfois : qu’est-ce qui nous pousse à tenir bon face à l’adversité ? Pour Fernand, c’était peut-être l’idée d’un monde meilleur, d’une France libre. Cette conviction, il l’a portée jusqu’à son décès en 2018, à 96 ans. Et aujourd’hui, grâce à des initiatives comme celle de l’association Mémoire d’Aincourt, son héritage perdure.
- Transmettre : Les cérémonies et spectacles maintiennent la mémoire vive.
- Éduquer : Les jeunes générations doivent connaître ces histoires.
- Résister : Se souvenir, c’est lutter contre l’oubli et l’indifférence.
En écrivant cet article, j’ai réalisé à quel point ces récits sont précieux. Ils ne parlent pas seulement du passé, mais aussi de nous, de ce qu’on choisit de défendre. Fernand Devaux, par son courage et sa modestie, nous laisse une leçon : même dans les moments les plus sombres, on peut trouver la force de résister.
L’histoire de Fernand Devaux, c’est celle d’un homme qui a traversé l’enfer sans perdre son humanité. À nous, maintenant, de faire vivre son témoignage, pour que jamais l’oubli ne l’emporte. Alors, la prochaine fois que vous passez dans le Vexin, pensez à lui, à ses camarades, à leur lutte. Et posez-vous la question : qu’est-ce que je ferais, moi, face à l’injustice ?
