Je me souviens encore de cette soirée du 14 juillet 2022. Comme des milliers de familles, on attendait le grand spectacle dans le ciel, les enfants surexcités, les glaces qui coulent sur les doigts. Et puis, en une fraction de seconde, tout bascule. À Cholet, ce qui devait rester un souvenir joyeux s’est transformé en cauchemar absolu.
Un petit garçon de sept ans et sa sœur de vingt-quatre ans n’ont pas survécu. Une fusée pyrotechnique a dévié, explosé beaucoup trop près du public. Trois ans plus tard, le procès qui s’est ouvert à Angers tente de comprendre comment une fête populaire a pu virer au drame. Et franchement, ce qu’on entend en audience donne le vertige.
Un cocktail explosif qui n’aurait jamais dû exister
Lors de la deuxième journée d’audience, les experts se sont succédé à la barre. Leur conclusion est sans appel : deux facteurs majeurs ont transformé une soirée festive en tragédie.
D’abord, un défectuosité technique dans le matériel pyrotechnique. Ensuite, un non-respect flagrant des distances de sécurité. Prises séparément, ces erreurs sont déjà graves. Ensemble, elles deviennent mortelles.
Le défaut qui a tout fait basculer
Les spécialistes ont décortiqué les débris retrouvés sur place. Une fusée, en particulier, présentait un vice de fabrication ou de montage. Au lieu de monter bien droit dans le ciel, elle a pris une trajectoire complètement folle, filant à l’horizontale vers la zone où se tenait le public.
On parle d’un produit qui n’aurait jamais dû être utilisé en l’état. Pourtant, ce soir-là, personne ne semble l’avoir détecté avant le tir. Erreur humaine ? Contrôle insuffisant ? Les débats sont tendus, chaque partie essayant de montrer que la faute vient d’ailleurs.
« Un seul produit défectueux dans un spectacle de plusieurs centaines de tirs, c’est déjà trop. Mais quand il touche le public… »
Un expert en pyrotechnie entendu à la barre
Des distances de sécurité réduites à peau de chagrin
Le deuxième point, et peut-être le plus choquant, concerne le périmètre de sécurité. Les normes sont claires : pour ce type de fusées, il faut plusieurs centaines de mètres entre le point de tir et le public. À Cholet, ce soir-là, on était très loin du compte.
Des familles pique-niquaient à moins de 100 mètres du pas de tir. Des enfants couraient librement dans des zones théoriquement interdites. Comment est-ce possible ? Tout le monde se renvoie la balle : l’organisation, la mairie, les forces de l’ordre chargées de faire respecter le périmètre.
- Le plan de sécurité prévoyait un périmètre bien plus large sur le papier
- Sur le terrain, les barrières étaient déplacées ou absentes à certains endroits
- Des spectateurs ont été autorisés à s’installer bien trop près
- Le vent, ce soir-là, poussait les retombées directement vers le public
Quand on additionne un produit défaillant et un public placé beaucoup trop près, on obtient la recette parfaite d’une catastrophe.
Tout le monde se renvoie la responsabilité
Dans la salle d’audience, l’ambiance est électrique. On sent que personne ne veut porter seul le poids de ce drame. L’artificier explique qu’il a suivi les procédures habituelles. L’entreprise pyrotechnique assure que ses produits sont contrôlés. L’association organisatrice dit avoir fait confiance aux professionnels. Et la mairie ? Elle pointe du doigt le prestataire.
Le procureur, lui, tape du poing sur la table : « Tout le monde cherche à diluer les responsabilités ». C’est exactement ça. Chacun montre du doigt l’autre, espérant que le tribunal répartira les fautes… ou, mieux, qu’il n’en trouvera aucune de décisive.
Mais pour les familles des victimes, cette partie de ping-pong est insupportable. Elles veulent des réponses claires. Qui a décidé de réduire le périmètre ? Qui a validé le plan de tir ? Qui aurait pu arrêter le spectacle en voyant la foule si près ?
Un drame qui aurait pu être évité à plusieurs niveaux
Ce qui ressort des débats, c’est qu’il y a eu une succession de défaillances. Aucune n’est forcément criminelle prise isolément, mais leur accumulation est fatale.
- Un contrôle qualité insuffisant du matériel pyrotechnique
- Une validation du plan de sécurité trop légère
- Un défaut de surveillance du périmètre le soir même
- Une absence de réaction quand des familles se sont installées trop près
- Un tir lancé malgré des conditions loin d’être optimales
À n’importe quel moment de cette chaîne, quelqu’un aurait pu dire stop. Personne ne l’a fait.
Et maintenant ? Vers une sécurité renforcée des feux d’artifice ?
Ce procès dépasse largement le cas de Cholet. Il pose la question de la sécurité des milliers de feux d’artifice tirés chaque année en France, surtout le 14 juillet. On se rend compte que les normes existent, mais que leur application reste parfois… aléatoire.
Depuis ce drame, certaines communes ont durci leurs exigences : contrôles renforcés, distances augmentées, drones pour surveiller le public. Mais partout ? Pas sûr. Et tant que la responsabilité restera aussi diluée entre mairie, organisateur, artificier et forces de l’ordre, le risque persistera.
Personnellement, je trouve ça effrayant. On continue de confier la vie de milliers de personnes à des chaînes de décisions où chacun pense que « c’est pas à moi de vérifier ».
Une douleur qui ne s’éteindra jamais
Derrière les débats techniques et les passes d’armes entre avocats, il y a deux familles brisées. Un petit garçon qui ne grandira jamais. Une jeune femme fauchée en pleine vie. Des parents qui, chaque 14 juillet, revivront l’horreur.
Le tribunal rendra sa décision dans quelques mois. Il désignera des responsables, prononcera des peines. Mais ça ne ramènera pas les disparus. La seule chose qu’on puisse espérer, c’est que ce drame serve enfin de leçon. Que plus jamais une fête nationale ne se termine en cortège funèbre.
Parce que voir des fusées dans le ciel, ça devrait rester un moment de joie pure. Pas un souvenir qui fait mal pour toujours.
(Article mis à jour le 18 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
