Vous souvenez-vous de la dernière fois où votre médecin vous a prescrit une « VS » sur l’ordonnance ? Cette fameuse vitesse de sédimentation, ce petit chiffre suivi de « mm » qui apparaissait sur vos analyses de sang depuis des décennies. Moi oui, et comme beaucoup de Français, je n’y prêtais même plus attention. Et pourtant, le 17 novembre 2025, tout a basculé.
Un organisme indépendant, chargé d’éclairer les décisions de santé publique, vient de publier une recommandation radicale : il faut arrêter de prescrire ce test. Point final. Plus aucune indication, plus aucune situation clinique. Un véritable coup de tonnerre dans le monde médical, discret mais profond.
Un test centenaire qui vivotait encore
Imaginez : on prend un tube de sang, on le laisse debout une heure, et on mesure à quelle vitesse les globules rouges descendent. Plus ils tombent vite, plus il y a d’inflammation dans le corps. L’idée est séduisante, presque poétique. On dirait une expérience de lycée. Sauf que cette expérience date… du début du XXe siècle.
Pendant longtemps, c’était le seul moyen simple de savoir si quelque chose clochait. Fièvre prolongée ? Douleurs articulaires ? Fatigue inexpliquée ? On faisait une VS. Résultat élevé = alerte rouge. Résultat normal = on passe à autre chose. Simple, peu cher, disponible partout. Le genre de test qu’on garde par habitude, même quand la science a largement dépassé le concept.
En 2023, malgré le recul constant de son utilisation, il a encore été réalisé plus de 16 millions de fois en France. 16 millions ! À 0,75 € le test environ, faites le calcul : c’est une somme rondelette pour la collectivité, surtout pour un examen dont l’intérêt médical est désormais remis en cause.
Pourquoi c’est devenu un problème ?
Le verdict est sans appel. Les experts ont passé au peigne fin des dizaines d’études, des méta-analyses, des comparaisons. Et le constat est implacable : ce test n’apporte rien de fiable.
- Il manque cruellement de précision : refaites le test deux fois sur le même tube, vous obtiendrez parfois des résultats différents de 20 %.
- Il est lent à réagir : une inflammation peut être bien installée, la VS reste normale plusieurs jours.
- Il est peu spécifique : l’âge, le sexe, une anémie, une grossesse, même une prise de repas gras peuvent fausser le résultat.
En clair ? Vous pouvez avoir une maladie inflammatoire sérieuse et une VS parfaitement normale. Ou l’inverse : une VS élevée alors que tout va bien. Frustrant, non ? J’ai vu des patients tourner en rond pendant des mois à cause de ça.
« La mesure de la vitesse de sédimentation n’a pas démontré d’intérêt médical dans les indications évaluées. »
– Conclusion officielle de l’autorité sanitaire indépendante, novembre 2025
Et la CRP dans tout ça ?
La grande gagnante de l’histoire, c’est la protéine C-réactive, ou CRP. Un marqueur que beaucoup de médecins demandent déjà systématiquement. Pourquoi elle est meilleure ?
Elle monte en flèche dès les premières heures d’une inflammation, redescend aussi vite quand le problème est réglé, et elle n’est presque pas influencée par l’âge ou le sexe. Bref, elle fait exactement ce qu’on attend d’un bon indicateur, sans les inconvénients de l’ancien.
Le plus beau ? Elle est remboursée à 100 % depuis des années, souvent au même tarif que la VS. Donc financièrement, il n’y a même pas débat.
Qu’est-ce qui va changer concrètement pour vous ?
Si vous avez plus de 50 ans, vous risquez de ne plus voir cette ligne « VS 1re heure » sur vos prochaines analyses. Fini les « 28 mm » ou « 45 mm » qui faisaient froncer les sourcils du généraliste sans qu’on sache vraiment pourquoi.
Pour les rhumatologues, les infectiologues, les internistes, c’est une petite révolution culturelle. Beaucoup l’utilisaient encore comme un repère, un peu comme on garde une vieille montre même si le smartphone donne l’heure plus précisément.
Et pour les laboratoires d’analyses ? Moins de tubes spéciaux à gérer, moins de gestes techniques, un peu d’économie. Et surtout, des résultats plus fiables à renvoyer aux médecins.
Y a-t-il des situations où la VS gardera un intérêt ?
La recommandation est claire : aucune exception. Même dans les maladies où elle était traditionnellement élevée – polyarthrite rhumatoïde, maladie de Horton, certaines vascularites – d’autres marqueurs (CRP, fibrinogène, électrophorèse des protéines) sont largement plus pertinents.
Il existe quand même une petite nuance : certains très vieux protocoles de suivi, notamment dans la maladie de Horton, incluaient encore la VS. Les spécialistes vont devoir réécrire leurs habitudes. Mais franchement, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Un symbole d’une médecine qui évolue
Ce qui me frappe dans cette histoire, c’est qu’elle illustre parfaitement le lent travail de la médecine moderne : faire le ménage dans les vieilles pratiques. Ce n’est pas sexy, ça ne fait pas la une tous les jours, mais c’est essentiel.
On a déjà vécu ça avec le dosage des gamma-GT isolé, avec certains examens radiologiques systématiques, avec des traitements qui traînaient depuis trente ans sans preuve solide. Petit à petit, on épure, on simplifie, on gagne en précision.
Et surtout, on économise de l’argent public sans nuire à la qualité des soins – parfois même en l’améliorant. Douze millions d’euros par an, ce n’est pas rien. Ça finance pas mal de campagnes de prévention ou de nouveaux traitements.
Et maintenant ?
Les recommandations de ce type ne sont que consultatives, mais en pratique, elles sont presque toujours suivies. Dans les mois qui viennent, la nomenclature des actes de biologie va évoluer. Les logiciels des laboratoires vont retirer la VS des panneaux automatiques. Les médecins généralistes vont cocher une autre case.
Dans deux ou trois ans, on regardera ce test comme on regarde aujourd’hui les saignées ou les ventouses : avec un petit sourire attendri. « Tu te rends compte, grand-père, avant ils mesuraient la vitesse à laquelle le sang tombait dans un tube… »
La médecine avance. Parfois par grandes révolutions spectaculaires, souvent par ces petites décisions discrètes qui, mises bout à bout, changent tout.
Alors la prochaine fois que vous irez faire une prise de sang, regardez bien votre ordonnance. Si la ligne « VS » a disparu, souriez : c’est simplement la science qui fait un peu de ménage. Et c’est plutôt rassurant.
