Vous êtes-vous déjà demandé comment un détenu, censé être coupé du monde, peut continuer à gérer son trafic depuis sa cellule ? La réponse fait froid dans le dos : un simple téléphone portable jeté par-dessus le mur ou glissé dans un paquet de lessive. Hier soir, à Nanterre, l’État a décidé que ça suffisait.
Près de 200 agents ont débarqué en pleine nuit dans la maison d’arrêt. Pas une fouille classique, non. Une opération « XXL », la première du genre depuis quinze ans. Et le bilan est lourd : 70 téléphones portables et une quantité encore indéterminée de stupéfiants. Quand on sait qu’en 2024, plus de 79 000 objets de ce type ont été retrouvés dans les prisons françaises, on mesure l’ampleur du problème.
Le coup de massue de Gérald Darmanin
Le ministre de la Justice n’y est pas allé par quatre chemins. Dès le lendemain matin, il a annoncé sur les ondes un plan national : des fouilles sectorielles dans toutes les maisons d’arrêt avant le 31 décembre. Objectif affiché ? Mettre fin à ce qu’il appelle lui-même « la récréation ».
« La perméabilité des établissements pénitentiaires a facilité la poursuite des activités criminelles malgré l’incarcération. »
Extrait de la circulaire ministérielle
Traduction : certains détenus continuaient tranquillement leurs affaires depuis l’intérieur. Commandes de drogue, intimidations de témoins, organisation d’évasions… Tout était possible avec un smartphone.
Comment les portables arrivent-ils en cellule ?
Les méthodes sont aussi ingénieuses que révoltantes. Et franchement, on reste parfois bouche bée devant tant de créativité.
- Les « projections » depuis l’extérieur : un téléphone attaché à une corde de draps, lancé par-dessus les murs pendant la promenade.
- Les colis familiaux : dissimulé dans un pot de Nutella ou un paquet de gâteaux.
- Les visites : passé dans la bouche lors d’un baiser ou caché dans les vêtements d’un enfant.
- La corruption : certains agents (rares, mais ça existe) ont déjà été condamnés pour avoir fait entrer du matériel.
- Les drones : oui, vous avez bien lu, ça arrive aussi.
À Nanterre, cette fois, les autorités ont sorti l’artillerie lourde. Chiens spécialisés, détecteurs capables de repérer un téléphone même éteint, scanners à ondes millimétriques… Rien n’a été laissé au hasard.
Un plan à 29 millions d’euros
Ce n’est pas qu’une opération ponctuelle. C’est le lancement d’une véritable guerre contre les objets illicites.
Le ministre a dévoilé un budget de 29 millions d’euros pour rendre six prisons pilotes totalement étanches : brouilleurs d’ondes, filets au-dessus des cours de promenade, portiques ultra-sophistiqués. Les noms ? Arras, Dijon, La Santé, Rennes-Vezin, Toulon-La Farlède et Toulouse-Seysses. Des établissements où la situation était particulièrement critique.
Et pour les autres ? Les fouilles massives deviendront la norme. Chaque découverte fera systématiquement l’objet d’un signalement au parquet. Fini les simples sanctions disciplinaires. Désormais, possession de téléphone = poursuites pénales automatiques.
Les quartiers ultra-sécurisés : un premier bilan encourageant
Depuis quelques mois, deux prisons testent les quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) : Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe. Des cellules où les narcotrafiquants les plus dangereux sont isolés du reste de la population pénale.
Résultat ? Presque zéro téléphone retrouvé dans ces unités. Preuve que quand on met les moyens, ça fonctionne. Près de 140 détenus y sont aujourd’hui placés sur les 85 000 que compte le parc pénitentiaire français.
Et les surveillants dans tout ça ?
Il faut le dire : les agents pénitentiaires applaudissent des deux mains. Depuis des années, ils alertent sur l’impossibilité de fouiller correctement avec les moyens actuels. Un surveillant pour 80 détenus parfois, des cellules ouvertes simultanément… Mission impossible.
Cette opération XXL a mobilisé du renfort massif : police, douanes, équipes cynophiles. Un modèle qu’ils aimeraient voir se généraliser. Mais avec la surpopulation chronique (plus de 76 000 détenus pour 60 000 places), la tâche reste titanesque.
Une mesure réaliste ou un coup de com ?
Soyons honnêtes : certains experts restent sceptiques. Rendre toutes les prisons étanches ? Un rêve. Les téléphones miniatures, les cartes SIM avalées puis régurgitées, les chargeurs bricolés avec des câbles de lampe… L’ingéniosité des détenus semble sans limite.
Mais il y a un changement de ton évident. L’époque où on fermait les yeux est révolue. Le message est clair : l’État reprend la main. Et tant pis si certains y voient une opération de communication. Sur le terrain, les agents, eux, y croient.
Ce qui nous attend d’ici la fin de l’année
- Des fouilles XXL dans chaque maison d’arrêt
- Un calendrier précis à rendre avant le 3 décembre
- 50 cellules fouillées simultanément par opération
- Mobilisation exceptionnelle des forces de l’ordre
- Saisies suivies de poursuites systématiques
On peut s’attendre à des chiffres hallucinants dans les prochaines semaines. Et peut-être, enfin, à une vraie baisse du nombre de portables en circulation derrière les barreaux.
Parce qu’au fond, ce n’est pas qu’une histoire de téléphones. C’est une question de sécurité. Pour les agents. Pour les autres détenus. Et pour la société toute entière.
Hier, Nanterre a marqué le début d’une nouvelle ère. Reste à savoir si elle tiendra ses promesses. Une chose est sûre : on n’a pas fini d’en parler.
(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – environ 3200 mots)
