Le thermomètre frôlait zéro, le vent pinçait les joues, et pourtant, c’est bien le XV de France qui a risqué le coup de froid samedi soir au Stade de France. 48-33 contre l’Australie, sept essais à quatre, un score presque flatteur de prime abord. Et puis on gratte un peu la surface et on se rend compte que cette victoire ressemble plus à un pansement sur une jambe de bois qu’à un vrai signal fort. Franchement, j’ai quitté le stade avec un drôle de goût dans la bouche : soulagement, oui, mais surtout pas mal d’interrogations.
Une victoire en trompe-l’œil face à des Wallabies usés
Commençons par le contexte, parce qu’il est capital. L’Australie arrivait au bout du rouleau. Quatre matchs en quatre semaines, des défaites cinglantes face à l’Angleterre, l’Irlande et même l’Italie. Les corps étaient marqués, les têtes aussi. Quand tu vois certains joueurs australiens à la 60e minute, tu te demandes s’ils ne courent pas plutôt pour attraper le bus de l’aéroport que pour défendre. Et pourtant, pendant une grosse heure, ils ont tenu, voire dominé par moments.
Le XV de France, lui, sortait de deux sorties plus que moyennes : une claque contre les Springboks et une victoire poussive contre les Fidji. On attendait une réaction d’orgueil. On a eu… une réaction, disons-le, en demi-teinte.
Louis Bielle-Biarrey, la lumière dans la grisaille
S’il y a bien un joueur qui sort grandi de cette soirée, c’est lui. Un doublé magnifique, dont cet essai anthologique sur l’aile gauche : accélération fulgurante, petit coup de pied par-dessus en pleine course, récupération, crochet intérieur, finition. Du pur génie. À 22 ans, l’ailier de l’UBB est en train de devenir une arme absolue.
Quand tu as un joueur capable de faire ça sur une accélération, tu sais que tu tiens quelque chose de rare.
Nicolas Depoortere a aussi montré de très belles choses au centre, Thomas Ramos a été précieux au pied et en distributeur, Julien Marchand a rappelé pourquoi il reste un des meilleurs talonneurs du monde quand il est en forme. Mais autour de ces éclairs individuels, le collectif reste terriblement perfectible.
Une défense qui fait peine à voir
Je vais être direct : la défense française actuelle n’a plus rien à voir avec le mur infranchissable des années 2019-2021. On prend 33 points contre une équipe australienne qui n’avait marqué que 51 points lors de ses trois matchs précédents cumulés. 33 points ! Contre des Wallabies en fin de vie.
Les plaquages sont souvent manqués, les zones de ruck sont régulièrement débordées, et l’agressivité collective a disparu. On se fait transpercer sur des pick and go pourtant téléphonés, on laisse des intervalles béants sur les extérieurs. C’est simple : si l’Australie avait été un peu plus précise, on parlait peut-être d’une énorme désillusion.
- 4 essais encaissés, dont 2 sur des actions pourtant bien lues
- Des fautes à répétition en fin de première période (carton jaune de Lucu inclus)
- Un manque criant de liant entre les lignes
- Un rideau défensif qui monte trop lentement
Et le pire, c’est que ça fait maintenant plusieurs mois que ça dure. On ne peut plus parler de simple période de rodage.
Un pack qui ne domine plus
Autre sujet qui fâche : la conquête et la domination physique. Pendant longtemps, le huit de devant français était une référence mondiale. Aujourd’hui, on se fait bouger, parfois même dominer, par des packs pourtant largement à notre portée. L’Australie, pourtant réputée plus légère, a souvent eu l’ascendant en mêlée fermée et a gratté plusieurs ballons importants.
Le retour de Gregory Alldritt a fait du bien, c’est indéniable. Mais globalement, on manque de puissance, de coordination, et surtout de cette agressivité qui faisait peur aux adversaires. On joue trop souvent en reculant, et ça se ressent sur tout le reste.
Et maintenant ? Le retour de Dupont va-t-il tout changer ?
Dans deux mois et demi, le Tournoi des Six Nations démarre par un France-Irlande au Stade de France. Autant dire un premier test grandeur nature. Et là, la question qui brûle toutes les lèvres : le retour d’Antoine Dupont va-t-il suffire à tout remettre d’aplomb ?
Évidemment, le meilleur joueur du monde va apporter du rythme, de la vision, du leadership. Mais croire qu’un seul homme, aussi exceptionnel soit-il, peut masquer toutes les carences actuelles serait dangereux. Le rugby est un sport collectif, et aujourd’hui, le collectif français est bancal.
Dupont va revenir, c’est certain. Mais il ne pourra pas plaquer à la place des 14 autres.
Il reste du temps, bien sûr. Deux mois et demi, ce n’est pas rien. Mais il va falloir bosser dur, très dur, sur les fondamentaux. La défense, la discipline, l’agressivité, la conquête. Parce que face à l’Irlande, on ne pourra pas se contenter d’attendre les erreurs adverses et de planter des essais en contre.
Bilan de la tournée : 1 victoire sur 3, mais surtout beaucoup de questions
Si on fait les comptes :
- Défaite contre l’Afrique du Sud (17-32)
- Victoire laborieuse contre les Fidji (34-21)
- Victoire large mais peu convaincante contre l’Australie (48-33)
Sur le papier, c’est correct. Dans le contenu, c’est inquiétant. On a vu de très belles individualités, quelques séquences intéressantes, mais jamais une réelle maîtrise collective sur 80 minutes.
Le staff va devoir se poser les bonnes questions pendant la trêve. Changer certaines habitudes, peut-être certains hommes. Remettre l’église au centre du village : la défense, le combat, l’envie de se faire mal ensemble. Parce que le talent, on l’a. Ce qui manque, c’est le liant.
Alors oui, on a évité la crise ouverte. Oui, on a offert du spectacle et des essais magnifiques au public. Mais non, on ne peut pas se satisfaire de ça. Pas à ce niveau. Pas quand on vise le toit du monde en 2027.
Le chemin est encore long. Et la route s’annonce sacrément sinueuse.
Et vous, vous en pensez quoi ? Cette équipe vous rassure ou vous inquiète avant le Six Nations ? Dites-le moi en commentaire, on en discute.
