Imaginez-vous au sommet d’une crête alpine, le souffle court, les jambes lourdes, mais le regard fixé sur l’horizon où le Mont-Blanc se dresse, majestueux. C’est dans cet univers brut et enivrant que François D’Haene, légende vivante de l’ultra-trail, s’apprête à relever un nouveau défi : l’UTMB 2025. À 39 ans, ce colosse discret pourrait décrocher une cinquième victoire, un record inédit. Mais ce qui le fait vibrer, ce n’est pas la gloire, c’est l’aventure. Alors, comment ce pionnier du trail conjugue-t-il performance, passion et respect de la nature ? Plongeons dans son monde.
L’UTMB 2025 : Un Retour Attendu pour D’Haene
Quatre ans. C’est le temps qui s’est écoulé depuis la dernière fois que François D’Haene a foulé les sentiers de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Ce vendredi, à Chamonix, il sera de retour, prêt à affronter les 171 km et 10 000 mètres de dénivelé positif qui font de cette course un mythe. Mais ne vous y trompez pas : pour lui, l’enjeu n’est pas seulement de gagner. C’est une quête personnelle, un dialogue avec la montagne, un voyage intérieur.
« Ce que j’aime, c’est l’aventure, l’adaptation, le voyage. »
– Un coureur d’ultra-trail expérimenté
Sa préparation ? Un sans-faute. Après une double fracture de la cheville en 2022-2023, D’Haene a signé un retour tonitruant. Victoire sur la Transylvania (102 km) en mai, record pulvérisé sur le Nolan’s 14 (150 km, 14 000 m D+) en juillet dans le Colorado, et une performance magistrale au Tor des Géants l’an dernier. À quelques jours du départ, il se dit confiant, mais pas trop. « La veille d’un ultra, si tu te sens invincible, ça sent le roussi », confie-t-il avec un sourire. Une humilité qui le rend d’autant plus fascinant.
Une Préparation Millimétrée, mais Détendue
Comment se prépare-t-on pour une épreuve aussi extrême ? Pour D’Haene, la dernière semaine avant l’UTMB est un savant équilibre entre repos et activité. Pas question de rester immobile : « J’aime garder le corps éveillé. » Une sortie de 2h30 avec 1 500 m de dénivelé, en compagnie d’autres coureurs, suffit à entretenir la forme sans forcer. Mais il y a aussi ces moments simples, comme vérifier l’état des myrtilles pour une balade avec ses enfants. Un contraste saisissant avec l’intensité de la course à venir.
- Séances légères : Sorties courtes pour maintenir le rythme sans épuiser le corps.
- Récupération mentale : Moments en famille pour décompresser et garder l’équilibre.
- Anticipation : Revoir le parcours, préparer son sac, ressentir l’excitation.
Et le sommeil ? « Dormir profondément avant un ultra, ce n’est pas forcément bon signe », plaisante-t-il. L’excitation, le stress, l’impatience : tout cela fait partie du jeu. Avec l’expérience, D’Haene sait que même une nuit blanche ne l’empêchera pas de boucler le tour du Mont-Blanc. Une leçon qu’il partage volontiers avec les novices : ne pas dormir, c’est normal. Ce qui compte, c’est l’énergie mentale au départ.
Un Favori Sans Pression
Avec quatre victoires à l’UTMB (2012, 2014, 2017, 2021), D’Haene est naturellement vu comme le grand favori. Son palmarès, son expérience et sa forme actuelle le placent en tête des pronostics. Mais il relativise : « Si je ne gagne pas, ce ne sera pas la fin du monde. » Une cinquième victoire serait historique, un record chez les hommes. Pourtant, ce n’est pas ce qui le motive. « J’ai déjà eu ma part de gloire. Ce que je veux, c’est vivre un bel ultra, profiter de chaque instant. »
« Si je gagne une cinquième fois, tant mieux, mais ce n’est pas ce qui changera la donne. »
– Un athlète d’ultra-trail
Ce détachement, presque philosophique, est rare dans un sport où la compétition peut prendre le pas sur tout. D’Haene ne court pas pour les records, mais pour l’expérience. Il se réjouit même de voir de jeunes talents émerger, comme Vincent Bouillard, vainqueur surprise l’an dernier. « Il y a des coureurs incroyables. Je leur souhaite de vivre ce que j’ai vécu. » Une générosité qui fait écho à sa simplicité, saluée par ceux qui le croisent sur les sentiers.
L’Ultra-Trail : Une Discipline en Mutation
Le trail a changé. Il y a dix ans, il était confidentiel, presque underground. Aujourd’hui, il attire des milliers de coureurs, des amateurs aux professionnels, et des foules de spectateurs. Cette popularité a un prix : sentiers bondés, impact environnemental, professionnalisation galopante. Certains, y compris des figures du trail, s’inquiètent. Le sport perd-il son âme ? Pour D’Haene, la réponse est nuancée.
« Voir autant de gens découvrir le trail, c’est magnifique », affirme-t-il. Courir en montagne, c’est se connecter à la nature, écouter son corps, explorer des territoires sauvages. Mais il reconnaît les défis : « Avec 10 000 coureurs venant du monde entier, l’impact n’est plus le même. » Les organisateurs de l’UTMB, par exemple, ont multiplié les efforts pour limiter leur empreinte : pochettes à déchets obligatoires, ravitaillements sans gobelets, déplacements en bus pour les assistances. Des mesures saluées, mais parfois éclipsées par les critiques.
| Initiative | Objectif | Impact |
| Pochettes à déchets | Réduire les déchets sur les sentiers | Élevé |
| Ravitaillements sans gobelets | Limiter les plastiques à usage unique | Moyen |
| Bus pour assistances | Réduire l’empreinte carbone | Moyen-Élevé |
Personnellement, je trouve que ces initiatives sont un pas dans la bonne direction, même si tout n’est pas parfait. Le trail doit trouver un équilibre entre croissance et respect de ses racines. D’Haene, lui, préfère rappeler que l’aventure ne se limite pas aux courses officielles. « On peut se créer des défis près de chez soi, avec une carte et un peu d’imagination. » Une vision qui résonne comme un appel à redécouvrir l’essence du trail.
L’Aventure au-Delà des Chronos
Dans le monde de l’ultra-trail, les chronos font souvent la une. Quand un coureur emblématique a franchi la barre des 20 heures à l’UTMB, les médias se sont enflammés. Mais pour D’Haene, le temps n’est pas l’essentiel. « Les conditions changent chaque année : la boue, les chemins, la météo… Ce n’est pas comparable. » Gagner, oui, mais pas à tout prix. Prendre des risques pour un chrono peut mener à l’échec, et ce n’est pas son style.
Ce qui le fait vibrer, c’est la diversité des défis. L’UTMB, bien sûr, mais aussi la Diagonale des Fous, la Hardrock 100, le Tor des Géants ou le Mont Fuji. Chaque course est une nouvelle aventure, un test d’adaptation. « Montrer à mon corps qu’il peut relever des défis différents, c’est ça qui me motive. » Une approche qui tranche avec la course aux records et qui inspire une question : et si le vrai succès, c’était de durer sans perdre sa passion ?
« Ce n’est pas le chrono qui compte, c’est l’expérience que tu en tires. »
– Un traileur aguerri
Les Femmes dans l’Ultra-Trail : Un Avenir Prometteur
Si D’Haene domine chez les hommes, les femmes ne sont pas en reste. Une coureur comme Courtney Dauwalter impressionne par sa constance et sa gestion de course. Mais pourrait-elle un jour rivaliser avec les hommes pour la victoire au scratch ? « Théoriquement, c’est possible », estime D’Haene. Une coureuse comme Katie Schide, qui a osé partir vite l’an dernier, montre que la vitesse et l’endurance pourraient un jour se conjuguer pour un podium mixte. « Mais il y a encore un petit écart », nuance-t-il.
- Vitesse initiale : Les femmes doivent partir plus vite pour rivaliser dès le début.
- Gestion de course : Une endurance exceptionnelle, comme celle de Dauwalter, est cruciale.
- Densité compétitive : La profondeur du peloton masculin reste un défi.
Pour ma part, je trouve cette évolution fascinante. Voir des femmes repousser les limites dans un sport aussi exigeant est une source d’inspiration. D’Haene, lui, admire sans réserve. « Ce qu’elles font est incroyable. » Un respect qui reflète sa vision du trail : un sport où l’humain prime sur la compétition.
Un Héritage à Partager
François D’Haene n’est pas seulement un champion, c’est un ambassadeur. Avec d’autres figures comme Kilian Jornet, il a contribué à populariser le trail, tout en restant fidèle à ses valeurs. « On a voulu partager cette passion, montrer ce qu’elle a de beau. » Aujourd’hui, il se réjouit de voir des milliers de coureurs s’élancer sur les sentiers, même si cela soulève des questions écologiques et éthiques.
Alors, quel avenir pour l’ultra-trail ? Pour D’Haene, il passe par un retour aux sources : des défis personnels, des aventures locales, une connexion profonde avec la nature. « Pas besoin d’un dossard pour vivre l’ultra », insiste-t-il. Une philosophie qui pourrait bien guider la prochaine génération de traileurs. Et à quelques jours de l’UTMB 2025, une question demeure : jusqu’où cette légende ira-t-elle ? Une chose est sûre, ce sera une sacrée aventure.
En attendant, D’Haene s’apprête à courir, à ressentir, à vivre. Et nous, on ne peut qu’admirer ce géant qui, loin des projecteurs, continue de tracer son chemin, un sentier à la fois.
