Il y a des moments où l’on sent que l’histoire d’une ville bascule doucement, presque sans bruit. Mercredi soir, dans la salle du conseil municipal des Mureaux, c’est exactement ce qui s’est passé. François Garay, 76 ans, a pris la parole après la dernière délibération de l’année et a lâché la phrase que tout le monde attendait… ou redoutait.
« Je ne serai pas candidat. » C’est tout. Sobre, net, sans fioriture. Vingt-cinq ans après son premier mandat, l’enfant du pays rend l’écharpe. Et quelque part, c’est un petit séisme local.
Une page qui se tourne aux Mureaux
Les Mureaux, ce n’est pas n’importe quelle commune des Yvelines. 34 000 habitants, septième ville du département, une histoire industrielle lourde avec l’usine Renault-Flins toute proche, un tissu social complexe, une réputation parfois injuste. François Garay a grandi là, dans les cités, avant d’en devenir le maire en 2001 sous une étiquette divers gauche. Quatre mandats plus tard, il laisse derrière lui une ville profondément transformée.
J’ai toujours trouvé fascinant ces maires de longue durée. On les critique souvent – trop longtemps au pouvoir, forcément – mais quand ils partent, on réalise soudain tout ce qu’ils ont porté. Garay, c’est un peu le père tranquille d’une ville qui a souvent eu besoin d’être rassurée.
Un bilan qui ne fait pas l’unanimité… mais qui pèse
Difficile de résumer vingt-cinq ans en quelques lignes. Mais on peut quand même essayer.
- La rénovation urbaine massive : des quartiers entiers rasés et reconstruits, parfois au prix de tensions avec les habitants.
- La nouvelle halle des sports, un équipement dont la ville est fière et qui a changé l’image du centre.
- La gestion de la crise Covid, avec une ville particulièrement touchée mais une solidarité locale qui a tenu.
- Le maintien d’une certaine paix sociale dans un territoire où tout peut basculer vite.
- Une fiscalité qui a grimpé, il faut le dire, et qui a fait grincer des dents.
Garay n’a jamais été un maire bling-bling. Pas de grandes phrases, pas de communication tapageuse. Plutôt le style « je bosse, je ne parle pas trop ». Et ça a marché pendant longtemps.
« J’ai fait mon temps. À un moment, il faut savoir passer la main. »
Ses propres mots, prononcés calmement mercredi soir
Damien Vignier, l’héritier désigné ?
Dans la salle, personne n’a été vraiment surpris quand le maire a glissé le nom de son cinquième adjoint. Damien Vignier, la quarantaine, déjà bien en place, conseiller départemental, connu pour être travailleur et discret lui aussi. Le choix de la continuité, clairement.
Mais est-ce que ça suffira en 2026 ? Parce que, soyons honnêtes, l’ambiance nationale n’est pas franchement favorable aux sortants. Et dans une ville populaire comme Les Mureaux, la colère peut monter vite.
Déjà, on sent que l’opposition fourbit ses armes. À droite, on parle d’un retour en force. À gauche, certains rêvent de prendre la mairie « pour de vrai », sans l’étiquette divers gauche qui arrangeait tout le monde. Et puis il y a les abstentionnistes, toujours nombreux ici.
2026 : un scrutin qui s’annonce ouvert
Quatre mois avant le premier tour, tout est possible. Ou presque.
Damien Vignier part avec l’avantage du sortant… sans être le sortant. C’est à la fois un atout et un handicap. Il porte l’héritage sans en avoir tous les défauts. Mais aura-t-il le charisme nécessaire pour fédérer au-delà de la majorité actuelle ?
- Les dossiers chauds : la fin de l’A13 et ses bretelles, le devenir de Renault-Flins, la sécurité, toujours la sécurité.
- La question de l’attractivité : comment faire venir des entreprises, des classes moyennes, sans gentrifier à marche forcée ?
- Le renouvellement générationnel : beaucoup d’adjoints sont là depuis longtemps. Besoin de sang neuf ?
Et puis il y a cette question qui revient souvent dans les conversations de café : est-ce que Les Mureaux sont prêtes à tourner vraiment la page Garay ? Vingt-cinq ans, ça marque une ville. Ça marque les esprits.
Le syndrome du maire historique
J’ai vu ça ailleurs. À Grigny avec Claude Vaz, à Chanteloup-les-Vignes avec Catherine Arenou… Quand un maire de longue date part, c’est toute une époque qui s’efface. Parfois ça libère, parfois ça paralyse.
Aux Mureaux, François Garay laisse une ville plus moderne, plus équipée, mais aussi plus endettée et toujours confrontée à des défis sociaux immenses. Son successeur – quel qu’il soit – n’aura pas la tâche facile.
« Il a tenu la barre dans la tempête plus d’une fois. Faut lui reconnaître ça. »
Un ancien opposant, croisé hier matin au marché
Même ses adversaires, souvent, finissent par le dire à demi-mot. L’homme a tenu.
Et maintenant ?
François Garay devrait rester conseiller municipal jusqu’en mars, histoire d’accompagner la transition. Après ? Retraite bien méritée, sans doute un peu de jardinage, des conférences peut-être. Il a déjà dit qu’il ne ferait pas comme certains qui restent dans les pattes du nouveau maire.
Pour les habitants, l’annonce est passée presque inaperçue dans les journaux nationaux. Mais ici, dans les rues, dans les immeubles, on en parle. Parce que Garay, c’était une figure. Un repère.
Les prochaines semaines vont être intéressantes. Qui va se déclarer ? Qui osera défier la machine sortante ? Et surtout : est-ce que Les Mureaux sont prêtes à écrire un nouveau chapitre sans celui qui a tenu la plume pendant un quart de siècle ?
Une chose est sûre : en mars 2026, il y aura du mouvement dans les Yvelines. Et Les Mureaux, comme souvent, sera un bon indicateur de l’humeur des banlieues populaires.
À suivre. De très près.
