Vous vous souvenez de cette demi-finale de Coupe du monde 2014 ? Les Bleues, solides, ambitieuses, et puis… bam, le Canada qui les sort sans ménagement. L’homme derrière ce exploit s’appelait déjà François Ratier. Onze ans plus tard, le voilà qui prend les commandes de l’équipe qu’il avait autrefois fait vaciller. Drôle de retour de karma, non ?
Quand la nouvelle est tombée, j’avoue que j’ai souri. Enfin un choix qui sort un peu des sentiers battus, enfin quelqu’un qui connaît déjà la musique au plus haut niveau international chez les femmes. Parce que, soyons honnêtes, le rugby féminin français tournait un peu en rond ces dernières années, toujours demi-finaliste, jamais plus. Ratier arrive avec son palmarès et, surtout, avec cette étiquette d’homme qui gagne.
Un parcours qui parle pour lui
Reprenons depuis le début, ou presque. François Ratier n’est pas un inconnu. Ancien ailier correct en son temps à Angoulême, c’est vraiment sur le banc qu’il a construit sa réputation. Entre 2013 et 2017, il dirige l’équipe du Canada. Et là, il ne fait pas de la figuration : finale du Mondial 2014 (perdue d’un cheveu contre l’Angleterre), quatrième place en 2017. Entre-temps, il a battu la France en demi-finale. Oui, nos Bleues d’alors s’en souviennent encore.
Ensuite ? Direction la France et le Stade bordelais en 2023. Deux saisons, deux titres de championnes de France. Pas le genre de club qui domine traditionnellement, hein. Avec lui, les Lionnes sont devenues des machines à gagner. Et pas avec n’importe qui : Fall, Khalfaoui, Arbez, Konde, Bourgeois… des internationales françaises qui ont explosé sous ses ordres.
« Nous souhaitons la bienvenue à François Ratier, dont la grande expérience du rugby féminin français et international associée à la capacité à fédérer autour d’un projet ambitieux correspond parfaitement aux exigences du XV de France Féminin »
Jean-Marc Lhermet, vice-président délégué au haut niveau
Pourquoi maintenant ? Le contexte était brûlant
Remettons les choses en perspective. Octobre 2025, nouvelle élimination en demi-finale du Mondial face à l’Angleterre. Encore. Le duo Mignot-Ortiz, qui avait pourtant ramené du stabilité après des années compliquées, prend la porte. La fédération sort l’annonce sur France Travail – oui, vous avez bien lu – et cherche un « manager reconnu » avec un vrai leadership.
Parmi les candidats, on parle de noms intéressants : certaines coachs de clubs, d’anciens techniciens de Top 8, des profils plus jeunes… Et puis Ratier. Le CV parle tout seul. Quand tu as déjà été en finale d’une Coupe du monde féminine et que tu viens de cocher deux titres nationaux d’affilée, forcément, tu fais partie des favoris.
Ce qu’il apporte que les autres n’avaient pas
La première chose qui frappe, c’est son expérience internationale. Combien d’entraîneurs français peuvent se vanter d’avoir disputé une finale de Coupe du monde féminine ? Pas des masses. Et surtout, il l’a fait en battant la France. Il connaît donc parfaitement les forces et les faiblesses du groupe tricolore, vu de l’extérieur.
Deuxième point : il gagne. Point. À Bordeaux, il a pris une équipe bonne mais pas dominante et l’a transformée en rouleau compresseur. Deux titres en deux ans, ce n’est pas un hasard. Il a su imposer une identité, un jeu rapide, une défense agressive, et surtout une mentalité de gagnantes.
- Il a déjà travaillé avec plusieurs Bleues actuelles (Fall, Khalfaoui, etc.)
- Il connaît le très haut niveau mondial féminin mieux que quiconque en France
- Il a prouvé qu’il sait construire un projet sur plusieurs années
- Son passage au Canada lui a donné une vision extérieure précieuse sur le jeu français
Les défis qui l’attendent (et ils sont énormes)
Parce qu’être sélectionneur des Bleues, ce n’est pas juste cocher des victoires au Tournoi des 6 Nations. L’objectif numéro un, c’est 2029. La Coupe du monde à domicile ? Non, en Australie finalement, mais peu importe. Il faut enfin ramener ce titre qui nous nargue depuis trop longtemps.
Premier défi : gérer un groupe ultra-talentueux mais parfois frustré. Les filles savent qu’elles valent mieux que des demi-finales. Il va falloir canaliser cette frustration, transformer la colère en force. Ratier a déjà prouvé qu’il sait parler aux joueuses, les pousser dans leurs retranchements sans les braquer.
Deuxième défi : la concurrence. Les Black Ferns néo-zélandaises restent au-dessus, l’Angleterre est toujours là, le Canada progresse encore… Il faudra innover tactiquement, peut-être densifier le jeu au sol, accélérer encore les sorties de camp, travailler les combinaisons en touche. Ratier aime le jeu rapide et structuré ; ça peut coller parfaitement avec les qualités françaises.
Et les joueuses dans tout ça ?
J’ai discuté avec quelques personnes proches du groupe. L’accueil est plutôt positif. Celles qui l’ont eu à Bordeaux ne tarissent pas d’éloges : exigence, clarté, capacité à faire progresser individuellement. Madoussou Fall, notamment, a franchi un cap énorme sous ses ordres. Quand ton pilier droit devient une leader technique reconnue partout en Europe, c’est que le coach fait les choses bien.
Évidemment, il y aura une période d’adaptation. Passer d’un duo à une voix unique, ça change la dynamique. Mais Ratier a l’air d’avoir carte blanche pour construire son staff. On parle déjà de reconduire certains adjoints historiques tout en amenant ses propres hommes de confiance.
Mon avis (parce qu’on est entre nous)
Franchement ? Je trouve que c’est le meilleur choix possible à ce moment précis. On a essayé la continuité avec le duo précédent, ça a stabilisé l’équipe mais pas franchi le cap. Là, on prend quelqu’un qui a déjà gagné au plus haut niveau et qui connaît la maison. C’est osé, c’est ambitieux, ça sent le projet longue durée.
L’aspect le plus intéressant, selon moi ? Ratier n’a rien à prouver. Il a déjà été en finale mondiale. Il ne va pas arriver en se mettant la pression tout seul. Il va pouvoir travailler dans le calme, construire, tester, imposer sa patte. Et quand tu as des joueuses comme Menager, Escudero, Boulard ou la jeune génération qui arrive (Sochat, Ménager, etc.), tu as de quoi voir venir.
Après, rien n’est jamais garanti dans le sport. Mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai vraiment l’impression qu’on a mis la bonne personne au bon endroit au bon moment.
2026 arrivera vite avec le Tournoi, puis la tournée d’été, puis 2027 avec une nouvelle Coupe du monde intermédiaire… Ratier a du pain sur la planche. Mais si quelqu’un peut enfin nous faire passer ce cap, c’est bien lui. Rendez-vous dans quatre ans pour voir si le pari est gagné. En attendant, bienvenue coach. Et bon courage, tu vas en avoir besoin.
