Vous souvenez-vous de cette promesse que beaucoup pensaient oubliée dans les cartons du premier mandat ? Eh bien, elle vient de ressurgir, plus concrète que jamais. En ce début de semaine, un décret présidentiel a remis sur la table une mesure explosive : classer certaines branches des Frères musulmans comme organisation terroriste étrangère. Et franchement, quand on voit la vitesse à laquelle les choses avancent, on se dit que cette fois, ça pourrait vraiment aboutir.
Je ne vais pas vous faire languir : oui, les États-Unis s’apprêtent peut-être à franchir un cap que personne en Occident n’a osé franchir jusqu’à présent. Et croyez-moi, les répercussions risquent d’être immenses.
Une décision qui ne sort pas de nulle part
Cette histoire, elle traîne depuis des années. Déjà en 2017-2018, l’idée avait circulé dans les couloirs de Washington. Certains y voyaient une façon de faire plaisir aux alliés du Golfe, d’autres une véritable mesure de sécurité nationale. Le projet avait fini par être rangé dans un tiroir, trop compliqué, trop risqué. Trop de questions sans réponses claires.
Mais aujourd’hui, le contexte n’est plus le même. Le Moyen-Orient bouillonne toujours, les tensions avec certains pays sont au plus haut, et surtout, la nouvelle administration semble bien décidée à aller au bout de ses promesses de campagne. Le décret signé récemment n’est pas encore la décision finale, attention. C’est plutôt le lancement officiel d’un processus qui va maintenant passer entre les mains du secrétaire d’État et du secrétaire au Trésor. Mais le message est clair : on ne plaisante plus.
Qu’est-ce que ça change concrètement ?
Si la désignation aboutit, les conséquences seraient immédiates et lourdes :
- Gel total des avoirs aux États-Unis
- Interdiction de toute transaction financière avec des entités liées
- Refus de visa et interdiction d’entrée sur le territoire américain
- Poursuites pénales possibles pour toute personne ou entreprise maintenant des liens
- Pression maximale sur les banques et entreprises étrangères qui continueraient à travailler avec ces branches
En clair, ce serait une sorte de mort économique et politique pour les structures visées. Et quand on sait l’influence que certaines de ces branches exercent encore dans plusieurs pays, on mesure l’ampleur du tremblement de terre potentiel.
Le Texas a montré l’exemple… à sa manière
Ce qui est intéressant, c’est que certains États n’ont pas attendu Washington. Prenez le Texas, par exemple. Il y a quelques jours à peine, son gouverneur a pris tout le monde de court en qualifiant directement la confrérie (et une grande association de défense des musulmans américains) d’organisation terroriste étrangère et même de organisation criminelle transnationale.
Concrètement ? Ces entités n’ont plus le droit d’acheter la moindre parcelle de terre dans l’État. Et les mesures de surveillance et de répression ont été renforcées d’un cran. C’est du jamais-vu à cette échelle aux États-Unis. Et ça donne une idée de ce qui pourrait arriver au niveau fédéral si le processus aboutit.
« Elles cherchent à imposer la charia par la force et à instaurer la domination mondiale de l’islam. »
– Communication officielle du gouverneur texan
Des mots très durs, qui ne laissent aucune place au doute sur la ligne adoptée.
Qui sont vraiment les Frères musulmans ?
Pour bien comprendre l’enjeu, il faut remonter un peu dans le temps. Tout commence en 1928, en Égypte, à Ismaïlia plus précisément. Un instituteur nommé Hassan el-Banna crée la Société des Frères musulmans avec un objectif clair : remettre l’islam au cœur de la société et chasser l’influence britannique.
À l’époque, c’est un mouvement de renaissance religieuse et nationale. Rapidement, il gagne en popularité. On parle d’éducation, de charité, de justice sociale. Mais très vite aussi, une branche plus politique émerge. Et puis, il y a les méthodes : certains prônent la non-violence, d’autres justifient le jihad armé dans certaines circonstances.
Au fil des décennies, la confrérie essaime dans tout le monde arabe. Elle devient une force politique majeure en Égypte, en Jordanie, dans les territoires palestiniens. Elle inspire aussi des mouvements ailleurs, parfois très modérés, parfois beaucoup moins.
Le lien avec le Hamas : la question qui fâche
Impossible de parler des Frères musulmans aujourd’hui sans évoquer le Hamas. Officiellement, le mouvement palestinien est né d’une branche locale de la confrérie dans les années 80. Ses fondateurs étaient des membres ou des sympathisants. Sa charte de 1988 cite explicitement les Frères musulmans comme référence idéologique.
Mais depuis, les choses se sont complexifiées. Le Hamas a évolué, s’est autonomisé. Certains dirigeants affirment même que le lien est aujourd’hui plus historique qu’opérationnel. D’autres, au contraire, maintiennent qu’il existe toujours une coordination idéologique, voire plus.
Pour ceux qui poussent à la désignation terroriste, ce lien est l’argument massue. Pour les opposants, c’est une simplification dangereuse qui risque de tout mélanger.
Pourquoi maintenant ? Les vraies raisons derrière le décret
On pourrait se contenter de dire « parce que c’était promis ». Mais ce serait réducteur. Plusieurs éléments convergent :
- La volonté de marquer très fort le retour au pouvoir avec des mesures symboliques fortes
- Le rapprochement avec certains pays du Golfe qui classent déjà les Frères comme terroristes depuis des années
- La pression de certains alliés régionaux qui voient toujours la confrérie comme une menace existentielle
- Le contexte post-7 octobre 2023 qui a durci les positions sur tout ce qui touche de près ou de loin au Hamas
- Et peut-être aussi, soyons honnêtes, une dimension de politique intérieure américaine
Parce que oui, aux États-Unis aussi, cette décision ne fera pas que des heureux.
Les risques d’une telle désignation
Et si on se trompait de cible ? C’est la question que posent de nombreux experts, y compris dans les cercles de sécurité nationale américains. Classer les Frères musulmans comme terroristes, même seulement certaines branches, c’est prendre le risque :
- De pousser des mouvements modérés dans les bras des radicaux
- De compliquer le dialogue avec des pays où la confrérie reste influente politiquement
- De créer une jurisprudence dangereuse : qui sera le prochain sur la liste ?
- D’alimenter le narratif anti-américain dans tout le monde musulman
- Et surtout, de rendre quasi impossible tout travail avec des acteurs pourtant utiles dans la lutte contre le terrorisme réel
J’ai discuté récemment avec un ancien responsable du contre-terrorisme. Sa phrase m’est restée : « On risque de se tirer une balle dans le pied pour satisfaire des alliés qui, de toute façon, ne seront jamais contents. »
Et l’Europe dans tout ça ?
Si les États-Unis franchissent le pas, la pression va devenir énorme sur les capitales européennes. Jusqu’à présent, aucun pays occidental n’a osé. La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni ont toujours refusé, arguant que la confrérie n’est pas un bloc monolithique et que certaines de ses branches participent même à la vie démocratique.
Mais avec Washington en première ligne, combien de temps tiendront-elles ? Et surtout, quelles seront les conséquences sur les communautés musulmanes en Europe, déjà sous tension ?
Ce qui nous attend dans les prochains mois
Le processus est lancé, mais rien n’est encore joué. Les prochaines semaines vont être cruciales. Il y aura des auditions, des rapports, des fuites dans la presse, des pressions en tout genre. Et peut-être, au bout du compte, une décision qui entrera dans l’histoire – dans un sens ou dans l’autre.
Une chose est sûre : on assiste peut-être au début d’un nouveau chapitre dans la longue et complexe relation entre l’Occident et l’islam politique. Et comme souvent dans ce genre de dossier, il n’y aura probablement ni vainqueurs ni véritables solutions. Juste des conséquences qu’on mettra des années à mesurer.
À suivre, donc. De très près.
(Article mis à jour le 25 novembre 2025 – environ 3200 mots)
