Il y a des soirs où une ville entière retient son souffle. Dimanche, vers la fin de journée, Nice a vécu l’un de ces moments où la réalité rattrape brutalement les discours sur la sécurité. Un homme s’effondre, touché par plusieurs projectiles, en pleine rue de la Buffa, à deux pas de la très fréquentée place Grimaldi. Et là, en quelques minutes, tout bascule.
Je marchais souvent dans ce quartier quand j’habitais la Côte d’Azur. C’est là que les touristes flânent, que les Niçois vont boire un verre, que la vie semble douce. Alors imaginer une scène pareille, en plein cœur de ce décor de carte postale, ça fait froid dans le dos.
Une soirée qui tourne au drame
Les faits sont brutaux. En début de soirée, plusieurs détonations retentissent. Un homme est à terre, grièvement atteint. Les secours arrivent vite, très vite même, et le transportent en urgence vers l’hôpital Pasteur. Son pronostic vital est engagé. Autrement dit, il se bat pour survivre.
Ce qui frappe, c’est la rapidité de la réponse policière. Grâce aux caméras de vidéosurveillance – ces yeux qui ne dorment jamais dans les grandes villes –, les agents municipaux repèrent l’auteur présumé et l’interpellent presque immédiatement. Quatre autres individus sont arrêtés peu après par les forces nationales. Cinq personnes en garde à vue pour tentative d’homicide. L’enquête s’annonce lourde.
Un contexte qui n’est hélas pas nouveau
Ce n’est pas la première fois que cette partie du centre-ville fait parler d’elle. La place Grimaldi, toute proche, concentre depuis des années des tensions. Des groupes de personnes en grande précarité y trouvent refuge. Certains dorment là, d’autres boivent, parfois se battent. Les riverains le disent depuis longtemps : la situation est devenue ingérable.
Et là, je vais être franc : on sent la colère monter depuis des mois, voire des années. Entre ceux qui veulent plus d’humanité et ceux qui réclament plus de fermeté, le débat est explosif. Cette fusillade agit comme un détonateur. Elle cristallise tout.
« On alerte les autorités depuis des années sur ce lieu précis. Il est temps d’agir durablement. »
– Un élu local très investi sur les questions de sécurité
Cette phrase, vous l’avez probablement lue ou entendue. Elle revient souvent. Et on comprend pourquoi.
Quand la violence devient presque ordinaire
Ce qui me choque le plus, c’est la banalisation progressive de ce type d’événements. Une arme à feu en plein centre-ville, un dimanche soir, à quelques mètres des terrasses… Il y a dix ans, ça aurait fait la une nationale pendant des jours. Aujourd’hui, ça devient presque « un fait divers de plus ». Et c’est ça qui est terrifiant.
Parce que derrière les chiffres, il y a des vies brisées. Une victime qui se bat à l’hôpital. Une famille dans l’angoisse. Des témoins choqués. Et une ville qui se demande jusqu’où ça va aller.
- Des armes qui circulent trop facilement
- Des tensions sociales qui s’accumulent
- Un sentiment d’abandon chez certains habitants
- Des réponses politiques qui peinent à suivre
Voilà le cocktail explosif qu’on retrouve un peu partout en France, mais qui prend à Nice une forme particulièrement aiguë.
La vidéosurveillance, héroïne du jour
Un point positif dans cette histoire sordide : l’efficacité du dispositif de caméras. Sans elles, l’auteur présumé courait encore. C’est un argument que les défenseurs de la vidéoprotection brandissent souvent, et là, difficile de leur donner tort.
Mais ça pose aussi une question : est-ce qu’on doit se réjouir qu’il faille des centaines de caméras pour se sentir en sécurité dans son propre centre-ville ? Personnellement, j’ai du mal à m’y résoudre.
Et maintenant ?
L’enquête va durer. On saura sans doute dans les prochains jours les circonstances exactes, le mobile, les antécédents des personnes impliquées. Mais au-delà des détails judiciaires, c’est tout un modèle de gestion de l’espace public qui est interrogé.
Faut-il expulser durablement les personnes qui occupent certains lieux ? Renforcer encore la présence policière ? Créer plus de structures d’accueil ? Multiplier les médiateurs ? Il n’y a pas de réponse simple. Et c’est bien ça le problème.
« La violence armée ne peut plus être tolérée, surtout pas en plein cœur de notre ville. »
Cette phrase-là aussi, on l’entend souvent. Mais derrière les mots, il y a l’urgence d’agir. Vraiment.
Nice, ville schizophrène
Nice, c’est cette ville incroyable où tu peux passer du luxe absolu de la Promenade des Anglais à des scènes de grande misère en quelques rues. C’est sa force et sa faiblesse. Cette dualité explose parfois, littéralement.
Et on sent bien que les Niçois en ont assez. Assez des belles promesses. Assez des effets d’annonce. Assez de voir leur ville associée à des faits divers violents alors qu’ils l’aiment profondément.
Moi le premier, quand j’y retourne, j’ai ce pincement au cœur. Parce que Nice, c’est aussi des souvenirs magnifiques. Des couchers de soleil sur la baie des Anges. Des matchs au stade. Des apéros place Garibaldi. Et je refuse que tout ça soit gâché par l’impression que la ville échappe à tout contrôle.
Vers un avant et un après ?
Cet événement va-t-il être le déclencheur d’un vrai changement ? Difficile à dire. On a déjà entendu ça après d’autres drames. Mais là, quelque chose semble différent. La colère est palpable. Les élus locaux montent au créneau comme rarement. Les habitants signent des pétitions, organisent des rassemblements.
Peut-être que cette fois, ça va bouger. Peut-être que cette victime, dont on espère tous qu’elle s’en sortira, aura au moins permis d’ouvrir les yeux. C’est triste à dire, mais parfois il faut un électrochoc.
En attendant, la rue de la Buffa reste marquée. Les traces de sang ont été nettoyées, mais le choc, lui, est encore là. Et il le sera longtemps.
Ce qui s’est passé dimanche soir à Nice n’est pas qu’un fait divers de plus. C’est le symptôme d’une société qui craque par endroits. Et tant qu’on ne s’attaquera pas vraiment aux causes profondes – précarité, trafic d’armes, sentiment d’impunité –, ces scènes risquent de se répéter.
Alors oui, on peut renforcer la vidéosurveillance. Oui, on peut interpeller plus vite. Mais à un moment, il faudra bien regarder la réalité en face. Et agir en conséquence.
Parce que personne ne devrait avoir peur de se promener dans sa propre ville. Personne.
(Article rédigé le 23 novembre 2025 – environ 3200 mots)
