Il y a des jours où l’on sent que l’histoire bascule en direct. Mercredi 19 novembre 2025 en fut un. Vingt-deux personnes tuées en quelques heures, des familles entières rayées de la carte, et cette question qui revient comme un cauchemar : combien de temps cette trêve tiendra-t-elle encore ?
Je ne vous cache pas que suivre ce conflit au jour le jour use. On aimerait croire à la paix, mais chaque alerte fait remonter le même goût amer. Et là, franchement, ça sent à nouveau la poudre.
Une journée qui a tout fait basculer
Tout a commencé dans la matinée. Des tirs, d’abord isolés, en direction de soldats israéliens opérant près de Khan Younès. Pas de blessés côté israélien, mais assez pour que l’état-major considère cela comme une violation claire du cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre.
La réponse ne s’est pas fait attendre. L’aviation a frappé. Douze morts à Gaza-ville, dont un couple et leurs trois enfants. Dix autres à Khan Younès et dans les environs, parmi lesquels deux mineurs. Des chiffres froids qui cachent des histoires brisées.
« Des terroristes ont ouvert le feu sur nos forces. Nous avons riposté immédiatement sur des cibles du Hamas à travers toute la bande de Gaza. »
Communiqué de l’armée israélienne, 19 novembre 2025
Côté palestinien, on parle de bombardements indiscriminés. Côté israélien, on insiste : seules des infrastructures militaires ont été visées. Comme toujours, la vérité se perd quelque part entre les deux récits.
Khan Younès, l’épicentre de la tension
Si vous avez suivi le conflit ces derniers mois, vous savez que Khan Younès est devenue le symbole de la résistance armée pour certains, le repaire du Hamas pour d’autres. Les soldats israéliens y maintiennent des positions depuis la première phase de la trêve, officiellement pour sécuriser le retour des otages.
Mais maintenir des troupes au sol dans une zone aussi hostile, c’est comme garder une allumette allumée près d’un bidon d’essence. Le moindre incident – un tir de roquette artisanale, une grenade, parfois même une pierre – et tout peut exploser.
Et mercredi, c’est exactement ce qui s’est passé.
Un cessez-le-feu déjà en sursis depuis octobre
Rappelons les faits. Le 10 octobre dernier, après des mois de négociations acharnées sous l’égide américaine, un accord a été trouvé. Phase 1 : libération des derniers otages vivants (20 personnes) et restitution de 25 corps. En échange, plusieurs centaines de prisonniers palestiniens ont été relâchés.
Sur le papier, c’était historique. Dans les faits… disons que ça ressemble plus à une pause qu’à une paix.
- Des tirs sporadiques presque chaque semaine
- Des survols de drones et d’avions qui maintiennent la pression psychologique
- Des restrictions d’accès à l’aide humanitaire qui alimentent la colère
- Et surtout, l’absence totale de progrès sur la phase 2
Cette fameuse phase 2, celle qui devait tout changer : désarmement du Hamas, mise en place d’une autorité transitoire, déploiement d’une force internationale. On en parle encore, mais personne n’y croit vraiment.
Le plan Trump : beau sur le papier, impossible sur le terrain ?
Disons-le clairement : demander au Hamas de rendre les armes après avoir survécu à plus d’un an de guerre totale, c’est un peu comme demander à un boxeur KO de rendre ses gants pendant qu’il est encore sonné. Ça ne fonctionne pas comme ça.
Et pourtant, c’est bien l’idée centrale du plan porté par l’administration américaine. Une force internationale – on parle de pays arabes modérés, peut-être même d’Europe – qui viendrait stabiliser Gaza le temps qu’une nouvelle gouvernance émerge.
Sauf que :
- Le Hamas refuse catégoriquement de se désarmer tant que des troupes étrangères seront présentes
- Israël refuse de se retirer tant que le Hamas sera armé
- Et les pays censés envoyer des soldats… n’ont aucune envie de se retrouver au milieu
Résultat ? On tourne en rond. Et chaque incident comme celui de mercredi repousse un peu plus l’échéance.
Les civils, toujours les premiers à payer
Ce qui me frappe le plus, c’est à quel point on s’habitue aux chiffres. 22 morts. On lit, on passe à autre chose. Mais derrière chaque nom, il y a une histoire.
À Gaza-ville, une famille de cinq personnes a été retrouvée sous les décombres de leur immeuble de trois étages. Le père, la mère, trois enfants âgés de 6 à 14 ans. Ils dormaient quand le missile est tombé.
À Khan Younès, deux adolescents qui jouaient près d’un terrain vague. Touchés par des éclats alors qu’ils tentaient de fuir.
« On ne sait plus où aller. Chaque quartier peut être frappé à tout moment. »
Un habitant de Khan Younès, sous couvert d’anonymat
Et pendant ce temps, les hôpitaux débordés, les cimetières qui s’agrandissent, les enfants qui grandissent en apprenant que le bruit des avions peut signifier la mort.
Et maintenant ? Trois scénarios possibles
À l’heure où j’écris ces lignes, la situation reste extrêmement volatile. Trois issues se dessinent :
- La retenue : chacun reste sur ses positions, on absorbe l’incident, et la trêve survit encore quelques semaines
- L’escalade contrôlée : nouvelles frappes ciblées, nouvelles roquettes, mais sans retour à une guerre totale
- La rupture : un incident plus grave (otage tué, attaque d’ampleur) et c’est reparti pour un cycle infernal
Personnellement, je penche pour le scénario 2. Trop d’intérêts convergent pour maintenir une forme de statu quo, même précaire. Mais je me suis déjà trompé par le passé.
Ce que cela nous dit sur l’état du Proche-Orient en 2025
Plus largement, cette journée illustre parfaitement où nous en sommes : une région où les grandes déclarations de paix coexistent avec une violence quotidienne devenue presque routinière.
On parle de normalisation avec l’Arabie saoudite, de projets économiques grandioses, de reconstruction. Mais sur le terrain, à Gaza, rien n’a vraiment changé depuis un an. Les mêmes acteurs, les mêmes haines, les mêmes souffrances.
Et tant que la question palestinienne ne sera pas réglée – vraiment réglée, pas maquillée – chaque étincelle risque de remettre le feu aux poudres.
Ce soir, des familles pleurent leurs morts. Demain, d’autres incidents auront probablement lieu. Et nous, de loin, on continuera à compter les jours où la guerre n’a pas repris.
Parce qu’à Gaza, en 2025, ne pas être en guerre totale est déjà considéré comme une forme de paix.
Et ça, franchement, c’est ce qu’il y a de plus triste.
